A Lille, une braderie en demi-teinte
A Lille, une braderie en demi-teinte
Par Laurie Moniez (Lille, correspondance)
Pour des raisons de sécurité, le périmètre de cette grande brocante a été réduit, plus de 3 000 policiers quadrillent le secteur, et la vente a été réservée aux brocanteurs professionnels, et aux riverains et commerçants lillois.
C’est un événement qui rassemblait en moyenne chaque année deux millions de personnes. Mais les attaques terroristes ont bousculé les traditions. En 2016, la Braderie de Lille, cette « franche foire » dont on retrouve des traces dans les archives de la ville dès 1127, avait été annulée pour la première fois. Impossible pour les forces de l’ordre de sécuriser près de 100 kilomètres d’étals. Et pas question pour le préfet et le maire de prendre le moindre risque. Depuis samedi, la Braderie est donc de retour, dans une version « respirable », disent certains, « désincarnée » disent d’autres.
Le périmètre de cette grande brocante a été réduit, plus de 3 000 policiers quadrillent le secteur, et la vente a été réservée aux brocanteurs professionnels, et aux riverains et commerçants lillois. « L’ambiance est très différente, moins festive, estime Sophie Duriez, 37 ans. C’est un peu triste ». La Lilloise circule sans mal avec sa poussette boulevard de Liberté. « Nos amis de Paris sont venus pour la Braderie. Ils sont contents mais l’hélicoptère au-dessus de nos têtes donne un petit côté anxiogène ».
« Plein de rues adjacentes désertes »
Anxiogène pour Sophie, mais rassurant pour Myriam Tassin à la recherche de coiffes anciennes, de dentelles et de broderies. Cela fait plus de 25 ans que Myriam se rend à Lille chaque premier week-end de septembre. Pas question pour elle de changer cette habitude : « Je n’ai pas peur et je ne vais pas m’arrêter de vivre à cause des menaces terroristes ». Venue de Château-Thierry dans l’Aisne, la chineuse de 49 ans est ravie de ses trouvailles : une poupée ancienne et surtout « un superbe chapeau melon ».
Benoît Tinguely, 48 ans, est lui arrivé dès jeudi de la région parisienne pour dégoter des objets insolites. Une immense girafe en bois sur le dos, il repart le chariot plein de trouvailles : « Cela fait une dizaine d’années que je viens et je trouve que là, c’est moins bien. Il y a plein de rues adjacentes désertes. On se demande si les Lillois ont déballé ».
Beaucoup de petites rues sont en effet hors zone de braderie ou tout simplement désertées par les riverains qui n’ont pas souhaité profiter de ce plus grand vide-grenier d’Europe pour se débarrasser de leurs vieilles affaires.
« Ambiance beaucoup plus sereine »
Mais ce qui change surtout cette année, c’est le calme dans les rues. Les camelots non Lillois ne sont pas présents pour cette édition et cela prive les « bradeux » des odeurs de kebabs, fromages ou autres produits régionaux venus de toute la France.
Le préfet avait interdit la vente et l’utilisation de pétards pour éviter la panique dans la foule mais la musique n’est pas très présente non plus sur les stands. « C’est une ambiance beaucoup plus sereine, confirme Pierre, brocanteur professionnel, installé boulevard de la Liberté. Et c’est bien agréable ».
Voilà plus de 27 ans que ce Villeneuvois déballe à Lille ses pièces en ivoire et ses statuettes anciennes, et après une année 2016 sans Braderie, il sait que cette ambiance très sécurisée (1 800 tonnes de blocs de béton ont été installées pour verrouiller les entrées et sorties de la Braderie) est nécessaire pour permettre la continuité de l’événement.
« On fera un bilan sur la fréquentation. C’est très fluide dans les rues, estime le maire, Martine Aubry. Mais les grincheux se sont trompés : je ne vois que des sourires depuis ce matin ».
Samedi midi, les restaurants ne désemplissaient pas : « On a l’affluence habituelle, confiait Romain Houttemane, responsable de la brasserie La Chicorée, au cœur de Lille. Et le fait d’avoir interdit la restauration sur les stands dans l’hyper-centre nous est favorable ».
A deux pas de la Grand Place, Moukda Ratsavong, bouquiniste à la Vieille Bourse, notait lui une baisse d’affluence cette année. « Il y a plein de policiers, moins de monde et donc moins de ventes mais en tout cas les gens n’ont pas peur. Moi, ce qui me traumatise, c’est la pluie ! »