Corée du Nord : ce qu’il faut savoir sur l’essai nucléaire et ses conséquences
Corée du Nord : ce qu’il faut savoir sur l’essai nucléaire et ses conséquences
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Les autorités nord-coréennes ont déclaré, dimanche, avoir mené avec succès un test de bombe à hydrogène (bombe H) pouvant équiper un missile balistique intercontinental.
Faisant fi des pressions et des menaces de nouvelles sanctions, le régime nord-coréen a procédé, dimanche 3 septembre, à un sixième essai nucléaire. Dans un message diffusé à la télévision nationale, les autorités affirment avoir mené avec succès un test de « bombe à hydrogène [aussi appelée bombe H] pouvant équiper un missile balistique intercontinental ICBM ».
Cet essai aurait été effectué à Punggye-ri, site des essais nucléaires du régime de Pyongyang, dans la province du Hamgyeong du Nord (nord-est du pays).
Cet essai était-il attendu ?
Les rumeurs de préparation d’un nouveau test circulaient depuis plusieurs mois. D’après le site spécialisé 38 North, de l’université américaine Johns-Hopkins, la Corée du Nord « maintenait le site de Punggye-ri en alerte élevée depuis avril pour pouvoir mener un essai dans un délai court, à tout moment pour répondre à une décision politique ».
Le 28 août, les services de renseignement sud-coréens (National Intelligence Service, NIS) auraient informé le gouvernement de l’imminence d’un tel essai. Samedi 2 septembre, le vice-premier ministre japonais, Taro Aso, avait annulé un déplacement aux Etats-Unis. S’il n’a pas évoqué spécifiquement un essai nucléaire, il a justifié sa décision par les tensions autour de la Corée du Nord.
Les cinq premiers essais nucléaires nord-coréens ont été menés entre 2006 et 2016. Le dernier le fut le 9 septembre 2016, jour anniversaire de la création de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord). Avec ce test, dimanche, Pyongyang mène pour la première fois des essais deux années de suite.
Quelle est la nature de la bombe ?
D’après l’agence sud-coréenne de météorologie, la dernière bombe testée serait cinq à six fois plus puissante que celle de septembre 2016. Alors que la puissance de la première n’avait pas dépassé un kilotonne (kt), celle de la cinquième était évaluée à moins de 10 kt.
La sixième bombe pourrait donc être un modèle plus gros ou d’une technologie différente, peut-être à hydrogène. C’est ce qu’affirment les Nord-Coréens. Mais Pyongyang avait déjà assuré que l’essai de janvier 2016 (le quatrième) était celui d’une bombe H. Les experts étrangers avaient cependant émis des doutes.
Ce dernier essai suit le tir d’un missile balistique intercontinental (ICBM) − le troisième en deux mois − mardi 29 août, et son passage dans le ciel japonais. L’engin, sans doute un Hwasong-12 à portée intermédiaire, avait parcouru 2 700 km avant de s’abîmer dans le Pacifique à 1 180 km à l’est du cap Erimo, la pointe méridionale de l’île d’Hokkaido.
Depuis, la question se pose d’une nouvelle résolution onusienne assortie de sanctions. La Chine et la Russie, favorables au dialogue, sont réticentes et seule une condamnation a été émise dans un premier temps.
Mais leur positionnement pourrait évoluer après le nouvel essai nucléaire. Pékin n’apprécie guère que le régime de Pyongyang se livre à ce genre de « provocations ». Le gouvernement chinois a d’ailleurs vivement condamné le dernier essai nucléaire.
La Corée du Nord est-elle prête à disposer de missiles nucléaires ?
La concomitance des deux essais tendrait à accréditer l’idée que la Corée du Nord, qui travaille sur le nucléaire et les missiles depuis le début des années 1960, est en passe de réussir son pari de se doter de capacités nucléaires et balistiques suffisantes pour mettre au point des missiles nucléaires ICBM pouvant atteindre les Etats-Unis, son ennemi désigné qu’elle accuse de vouloir la détruire.
Cet argument est rappelé à chaque fois que les Américains mènent des manœuvres conjointes avec la Corée du Sud, c’est-à-dire deux fois par an. Les dernières, les exercices Ulchi-Freedom Guardian, ont eu lieu du 21 au 31 août.
Techniquement, la difficulté tient à la « miniaturisation » de la bombe nucléaire à fixer sur les ogives des missiles intercontinentaux. Compte tenu des modèles de missiles utilisés par Pyongyang, la charge ne doit pas dépasser 500 kg.
Or, dans la matinée du 3 septembre, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a assisté à l’installation d’une tête nucléaire − « une bombe à hydrogène », selon l’agence officielle KCNA − sur un missile balistique intercontinental ICBM.
KCNA précisait que l’institut des armements nucléaires avait réussi à mettre au point une nouvelle arme, « conforme aux intentions du Parti du travail de Corée de montrer que l’arsenal atomique avait connu un tournant ».
« Tous les éléments de la bombe H ont été réalisés localement », ajoutait KCNA, de quoi permettre au pays de « produire autant d’armes nucléaires puissantes qu’il le souhaite ».
« La Corée du Nord pourrait atteindre d’ici huit à quatorze mois son objectif de mettre au point des missiles nucléaires intercontinentaux, déclarait à la mi-août au Monde Kim Hong-gul, membre influent et bien informé du parti Minjoo au pouvoir en Corée du Sud, par ailleurs spécialiste de l’Asie de l’Est. Pour les Etats-Unis, ce serait un camouflet. »
De fait, ni les sanctions économiques, ni les pressions, ni, plus récemment, les rodomontades du président américain, Donald Trump, ne semblent avoir dissuadé le régime de Pyongyang de poursuivre son objectif.