Les rencontres détenus-victimes, une mesure de justice restaurative en expansion
Les rencontres détenus-victimes, une mesure de justice restaurative en expansion
Par Feriel Alouti
Inscrit dans la loi Taubira de 2014, ce programme s’apprête à voir le jour dans plusieurs établissements pénitentiaires.
Tout est parti d’une démarche personnelle. En 2009, François Goetz, alors directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Yvelines, part au Québec découvrir avec la fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation (Inavem) les rencontres détenus-victimes (RDV), une mesure de justice restaurative jusqu’alors inconnue en France.
Elle consiste à organiser plusieurs rencontres entre des détenus et des victimes ou proches de victime afin que chacun puisse expliquer ce qu’il a vécu. Alors que les auteurs abordent leur passage à l’acte et ce qui s’en est suivi, les victimes développent les conséquences de l’agression ou de la perte d’un proche sur leur vie.
En 2010, les RDV sont expérimentées dans l’Hexagone, au sein de la maison centrale de Poissy. Deux autres cessions suivront en 2014 et 2016. « Dans notre système pénal, il y a une justice qui condamne et une justice qui protège, elles sont séparées et dissociées », rappelle Isabelle Lorentz, adjointe au directeur de la maison centrale en charge du programme. Grâce à cette mesure, détenus et victimes peuvent, pour la première fois, discuter librement.
Les détenus, volontaires, sont sélectionnés au sein d’un comité de pilotage lors duquel les représentants de l’établissement pénitentiaire et des membres du SPIP étudient notamment « la capacité de l’auteur à être en groupe et à supporter ce qui lui est renvoyé », explique Mme Lorentz. A l’extérieur, c’est à l’Inavem que revient le rôle de choisir les victimes ou proches de victime intéressées. Un processus qui nécessite, en moyenne, six mois de préparation.
Des échanges confidentiels
Jusqu’à présent, seuls dix détenus et dix victimes ont pu bénéficier de ce programme. Un nombre réduit qui s’explique notamment par la difficulté de trouver des victimes volontaires. « Les plus frileux étaient les associations, elles nous ont dit qu’on voulait jouer aux apprentis sorciers, que ça allait détruire les victimes. Sauf que la rencontre peut aussi la réparer, et prépare l’auteur à revenir dans la société civile », insiste Bathilde Groh, directrice adjointe du SPIP des Yvelines.
Les rencontres comprennent six rendez-vous, dont cinq hebdomadaires. La sixième et dernière rencontre a lieu deux mois plus tard. Chaque séance est encadrée par deux animateurs bénévoles ou professionnels. Deux représentants de la société civile tels que des visiteurs de prison sont également présents. Quant au contenu des échanges, il est confidentiel et ne donne donc lieu à aucun compte rendu.
Aujourd’hui, du fait de la réforme pénale de 2014 qui inscrit dans la loi le recours à une mesure de justice restaurative pour l’auteur d’une infraction et pour la victime, et de la circulaire d’application, publiée en mars 2017, plusieurs établissements préparent la mise en place de telles rencontres. Un plan de formation des animateurs à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) est, par ailleurs, en cours de réalisation.