Prêts en francs suisses : une filiale de BNP Paribas renvoyée devant le tribunal
Prêts en francs suisses : une filiale de BNP Paribas renvoyée devant le tribunal
Par Véronique Chocron
Les juges renvoient BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal correctionnel pour « pratique commerciale trompeuse » dans l’affaire « Helvet Immo ».
La filiale à 100 % de BNP Paribas est accusée d’avoir dissimulé les risques de ses prêts en francs suisses Helvet Immo vendus en 2008-2009, au détriment de plus de 4 600 emprunteurs. / PASCAL GUYOT / AFP
BNP Paribas Personal Finance (PF), connue du grand public sous la marque commerciale Cetelem, va finalement être jugée pour « pratique commerciale trompeuse » dans l’affaire des prêts immobiliers en francs suisses Helvet Immo. Conformément aux réquisitions du parquet de Paris, les juges ont ordonné le 29 août le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de cette filiale à 100 % de BNP Paribas.
Les faits remontent désormais à près de dix ans. Entre mars 2008 et décembre 2009, le groupe vend plus de 4 600 crédits Helvet Immo, des produits extrêmement complexes, présentant au premier abord un taux d’intérêt plus attractif que ceux de la concurrence. En effet, la somme empruntée est en francs suisses, mais elle est remboursée en euro. Donc si le franc suisse s’apprécie par rapport à l’euro, la mensualité rembourse moins de capital, et la durée du crédit est rallongée (dans la limite de cinq années supplémentaires). Le client risque en outre de voir le montant de ses échéances augmenter. Or, entre mars 2008 et janvier 2015, l’euro est passé d’une valeur de 1,57 à 1,04 franc suisse.
Dans l’ordonnance de renvoi, dont Le Monde a obtenu copie, les juges citent l’exemple d’un couple dont le montant initial de l’emprunt en francs suisses équivalait à 143 867 euros, et qui a dû faire face à un surcoût en capital de plus de 46 700 euros (hors surcoût en intérêt).
« Une offre de prêt longue, confuse et inintelligible »
Les clients ont-ils mesuré le risque de ces crédits ? Dans cette ordonnance, les juges reprochent à BNP Paribas PF d’avoir « produit une offre de prêt longue et confuse, inintelligible, où le risque de change n’est abordé que de manière implicite et allusive, sans que les termes même de risque de change ne soient employés ». Or le sens de la loi de protection du consommateur « est bien de mettre à la charge du professionnel une obligation de clarté dans l’information ».
Ces crédits Helvet Immo ont pour l’essentiel concerné l’acquisition de logements destinés à la location dans le cadre des dispositifs fiscaux Robien ou Scellier, et ont été commercialisés par des intermédiaires en opération de banque. BNP Paribas PF « a délivré à ses intermédiaires en contact avec les consommateurs des argumentaires présentant les mêmes défauts, insistant sur la compétitivité du taux et omettant de décrire avec précision le risque de change », soulignent encore les juges. Une ancienne directrice régionale d’agence, citée dans l’ordonnance, a en outre confié aux juges que de sérieux doutes existaient dès la commercialisation du produit.
« Plusieurs centaines de millions d’euros »
« Si la banque devait être condamnée, les emprunteurs pourraient être indemnisés à 100 % du risque de change. Cela pourrait coûter à l’établissement au total plusieurs centaines de millions d’euros », estime Charles Constantin-Vallet, avocat de plus de 800 parties civiles et de l’association de consommateurs CLCV, qui a entamé une action de groupe contre la filiale de BNP Paribas. Outre le volet pénal et cette « class action », des particuliers ont également lancé des actions civiles.
« Nous prenons acte de cette ordonnance. BNP Paribas Personal Finance répondra aux termes de celles-ci devant le tribunal et conteste, comme elle l’a toujours fait, les faits qui lui sont reprochés », a réagi l’établissement, affirmant que, depuis janvier 2012, plusieurs juridictions ont rendu des décisions dans le cadre de procédures individuelles – au civil – et qu’« une majorité a statué en faveur de BNP Paribas Personal Finance ».
Depuis cette affaire, la loi bancaire de juillet 2013 interdit les prêts en devise étrangère pour les consommateurs ne disposant pas de revenus principaux – ou un patrimoine – dans cette devise.