Kylian Mbappé et Edinson Cavani lors du match face à Metz, le 8 septembre. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Le Celtic Glasgow jouera, mardi 12 septembre à 20 h 45, l’un de ses matches les plus importants de la saison face au Paris Saint-Germain (PSG), pour qui cette entrée dans la Ligue des champions sera de l’ordre de la routine.

Le légendaire club aux racines catholiques de Glasgow est invaincu depuis seize mois en championnat et subit l’écart de niveau lorsqu’arrive l’automne et les matches de poule de la Ligue des champions, malgré une qualification pour les huitièmes de finale il y a cinq ans.

Surtout, les Ecossais s’intéressent davantage à la Premier League voisine et les sponsors et diffuseurs ne se précipitent pas pour financer le football local. Ce sort guette-t-il le Paris Saint-Germain et ses supporteurs ? Autrement dit : la domination du PSG en Ligue 1 peut-elle menacer, à terme, sa position en Europe ?

Nos journalistes ont, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, des positions divergentes.

OUI

Le championnat d’Ecosse est en ruines. Il reste certes l’ambiance de Celtic Park, que les Parisiens découvriront ce mardi soir, et les Glasgow Rangers, par ce qu’ils représentent, redeviendront bien un jour le rival dont ont besoin leurs voisins du Celtic. Mais pour l’heure, l’Ecosse du football se résume au Celtic Glasgow et ses quelques pépites fuient vers les divisions – même inférieures – en Angleterre.

Le club vert et blanc est invaincu en championnat depuis mai 2016 et reste sur six titres d’affilée. Une adversité bien faible qui le prépare mal à la Ligue des champions : une victoire en phase de poules sur les quatre dernières saisons.

La vraie raison, toutefois, est économique, comme l’a souligné l’entraîneur du Celtic Brendan Rogers : l’écart de budget entre le champion d’Ecosse et ses rivaux en C1 est aussi abyssal que celui qui le sépare de ses rivaux nationaux.

La cause en est la baisse de ses revenus, imputable en grande partie à la faible attractivité de la « Scottish Premier League ». Un cercle vicieux : les joueurs et le suspense ont quitté le championnat, les tribunes sont clairsemées, le montant des droits télévisés (évalués à 19 millions de livres) est inférieur à l’Autriche, la Suisse ou la Suède (et 100 fois plus faible que l’Angleterre), donc l’argent ne rentre pas et les joueurs non plus.

En 2007, avec 75 millions de livres de revenus, le Celtic faisait partie des 20 clubs les plus riches d’Europe. Neuf ans plus tard, avec 52 millions, il se maintenait avec peine dans le top 60.

La prime de qualification en Ligue des champions et la vente de ses meilleurs joueurs sont d’ailleurs devenus vitaux pour le Celtic, qui en a besoin pour équilibrer ses comptes. A l’inverse de tous ses adversaires européens, les revenus de la télévision et du merchandising ont stagné et ceux issus de la billetterie ont baissé, conséquence d’une érosion de l’affluence liée aux déboires des Rangers et seulement corrigée depuis 2016 grâce à Brendan Rogers.

Et chaque fois que le Celtic Glasgow se qualifie, voire gagne, en Ligue des champions, il sauve son budget tout en creusant l’écart avec le reste du championnat et donc, sa propre tombe.

C’est un risque que doit garder en tête le Paris Saint-Germain. A la fois pour sa propre compétitivité sportive, comme l’explique l’entraîneur Unaï Emery dans le dernier numéro de So Foot : « Je ne peux pas enchaîner des matchs faciles, gagner cinq matchs de suite sans une contre-attaque, pour ensuite jouer contre le Barça, la Juventus, le Real ou le Bayern. »

Ensuite pour sa compétitivité économique. Le président de l’Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, le tweete avec excès, mais il a raison de dire que la suprématie du club parisien fait peser un risque sur l’attractivité de la Ligue 1 à long terme.

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Le modèle financier de Monaco est naturellement limité par ses revenus commerciaux et de billetterie et dépend, comme Glasgow et à une autre échelle, de ses ventes de joueurs et de ses parcours en Ligue des champions : combien de temps pourra-t-il rivaliser avec un équilibre si fragile ?

Le cirque parisien a pour l’instant l’attrait de la nouveauté. Mais un jour viendra peut-être où les téléspectateurs français se lasseront de voir jouer les Harlem Globetrotters de la capitale face aux Washington Generals de province, et résilieront leur abonnement aux diffuseurs d’une Ligue 1 jouée d’avance. Déjà, les tribunes du Parc des Princes se vident de leurs habitués pour les rencontres face au lumpen prolétariat de Ligue 1, et les billets pour les affiches les moins prestigieuses se revendaient en cours de saison dernière à des tarifs très accessibles.

Dans un autre âge, les années 2000, le règne sans partage de l’Olympique lyonnais en France ne s’était pas concrétisé au niveau européen : il avait au contraire régressé, incapable de dépasser les huitièmes de finale de C1 trois saisons d’affilée, après avoir été régulier au stade des quarts. Clément Guillou

NON

Le PSG est à l’abri de devenir le Celtic français puisque ses moyens financiers sont sans commune mesure avec les capacités du club écossais. Plus que la faible concurrence de son championnat national, qui priverait le Celtic de renouer avec son glorieux passé (champion d’Europe en 1967), c’est bel et bien l’évolution du football européen qui le condamne à faire de la figuration en Ligue des champions.

Avec des revenus estimés à 66 millions d’euros, comment le Celtic peut briller dans cette compétition de riches au milieu des Real Madrid (620 millions d’euros), Manchester City (524) et autre Bayern Munich (592) ?

A l’inverse, le PSG, qui génère 520 millions d’euros de revenus selon le dernier classement Deloitte, sans parler des investissements pharaoniques qui devront passer au révélateur du fair-play financier, est bâti pour briller dans cette compétition. Attribuer à sa domination française ses déconvenues en Ligue des champions paraît bien facile et évite une remise en question de ses mauvais choix.

Les dirigeants du PSG ne tombent d’ailleurs pas dans cet écueil puisqu’ils sont les premiers à agir chaque année pour tenter de corriger la malédiction des quarts de finale : en changeant d’entraîneur en 2016 après l’élimination face à Chelsea ou en piquant le principal instigateur de la remontada (Neymar) cette année. Comme l’explique l’entraîneur du Celtic Brendan Rodgers, cela ne donne aucune garantie de victoire au mois de mai 2018 mais cela confère plus de chances que lorsque l’une de vos recrues phares est un rebut du PSG, prêté par le club de la capitale (Odsonne Edouard).

Le PSG est à l’abri de devenir le Celtic français puisque sa domination sportive est toute relative. Alors que le club de la communauté catholique a remporté les six derniers titres de champion d’Ecosse, profitant de la faiblesse des autres équipes et de la chute de son rival des Rangers, Paris a lui été devancé deux fois en championnat par Montpellier et Monaco.

La situation parisienne rappelle plutôt la domination du Bayern en Bundesliga, capable de lâcher parfois un titre national à un club bien géré (Borussia Dortmund) mais qui la plupart du temps gagne à la fin et bénéficie de moyens sans commune mesure avec ses adversaires.

Alors que le Celtic évolue dans un désert, la Ligue 1 se fait de plus en plus attractive. Des clubs mettent en œuvre un modèle différent, mais qui permet par exemple à Lyon de disputer une demi-finale de Ligue Europa et à Monaco d’atteindre l’an passé le dernier carré de la Ligue des champions. A Lille et à Marseille, même s’il faudra encore du temps et que rien n’est acquis, des investisseurs tentent également de développer un projet ambitieux.

Longtemps moquée, la Ligue 1 ne fait plus rire personne et possède un avenir qui semble plus riant que celui, funeste, du championnat écossais. Le court avantage au palmarès des coupes européennes du football écossais (trois titres à deux grâce au Celtic en C1, à Aberdeen et aux Rangers en C2) appartiendra sans doute bientôt au passé. Anthony Hernandez