En Syrie, le convoi des djihadistes de l’EI a atteint sa destination malgré les menaces de la coalition
En Syrie, le convoi des djihadistes de l’EI a atteint sa destination malgré les menaces de la coalition
Par Madjid Zerrouky
Un convoi composé à l’origine de plus de 300 djihadistes partis du Liban a rejoint les territoires de l’organisation Etat islamique en Syrie.
Un membre de l’organisation Etat islamique dans un bus à Qalamoun, le 28 août. / OMAR SANADIKI / REUTERS
La remise dans la nuit du 13 au 14 septembre par l’organisation Etat islamique (EI) au Hezbollah, d’Ahmad Maatouq, un jeune combattant de la milice chiite libanaise qu’elle détenait, a clos définitivement l’affaire dite des « bus climatisés de l’EI ».
Le convoi était bloqué depuis deux semaines dans le désert syrien après avoir été attaqué par la coalition internationale alors qu’il tentait de rejoindre les territoires contrôlés par l’organisation djihadiste. Il a finalement rejoint mercredi 13 septembre la ville d’Al-Mayadin, un bastion de l’EI dans la vallée de l’Euphrate, selon une source du Hezbollah. Al-Manar, la télévision du groupe chiite, a elle annoncé son arrivée dans une « zone contrôlée par l’EI dans la région de Deir ez-Zor ».
Ce dénouement est un petit camouflet pour la coalition internationale qui avait promis de l’en empêcher, mais qui a dû s’y résoudre sous la pression des Russes, dont elle gênait les opérations aériennes.
Un accord inattendu entre l’organisation Etat islamique et le Hezbollah avait permis, le 28 août, à 310 djihadistes et 331 civils d’évacuer la région du Qalamoun, à cheval entre la Syrie et le Liban, au terme d’une semaine de combats entre l’EI et les armées libanaise et syrienne et le Hezbollah. Le mouvement libanais, qui expulsait les derniers combattants de l’EI de la frontière syro-libanaise tout en s’épargnant des combats qu’il jugeait inutiles, avait au passage négocié un échange de corps et de prisonniers avec le groupe djihadiste.
L’accord a malgré tout provoqué la colère de Bagdad, les autorités irakiennes n’ayant pas été consultées. Le premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, s’étant ainsi dit « très inquiet » du transfert « inacceptable » de djihadistes à la frontière de son pays.
La coalition internationale avait initialement promis qu’elle ne permettrait jamais aux combattants de l’EI partis du Liban de rejoindre un territoire contrôlé par le groupe djihadiste en Syrie : « S’ils essaient encore d’envoyer des gens dans cette direction, nous continuerons à les attaquer », menaçait le 1er septembre son porte-parole, le colonel Ryan Dillon. L’officier américain estimait qu’il était hors de question de permettre à l’EI de transférer des combattants d’une région à une autre : « L’EI est une menace mondiale et déplacer des terroristes d’un endroit à un autre (…) n’est pas une solution durable. » Le même Ryan Dillon déclarait jeudi matin depuis Bagdad qu’« il n’avait aucun commentaire à faire » quant à l’arrivée des djihadistes à leur destination finale.
Veille aérienne
Le 30 août, deux raids aériens de la coalition internationale avaient bloqué les 17 bus chargés de combattants de l’EI, plusieurs ambulances transportant ses blessés ainsi que l’escorte du Hezbollah en frappant un pont et en endommageant la route près de la localité de Soukhna, sur la quatre-voies M20 qui relie les villes de Palmyre et Deir ez-Zor.
Ensuite, la situation est restée bloquée jusqu’au 8 septembre. La coalition internationale assurait une veille aérienne en continu au-dessus de 11 des 17 bus – 6 ont rebroussé chemin vers une destination inconnue – pour les empêcher d’avancer vers Deir ez-Zor. Le Hezbollah, qui n’avait, par conséquent, pas récupéré son combattant Ahmad Maatouq, fulminait contre « l’ingérence américaine » et ravitaillait le convoi en eau et en nourriture.
L’offensive des forces gouvernementales syriennes en direction de Deir ez-Zor, où elles ont brisé le siège qu’imposait l’EI depuis trois ans à une enclave gouvernementale, va changer la donne : le territoire nouvellement repris par Damas s’étend à partir du 5 septembre bien au-delà de Soukhna. Et la Russie, dont les avions appuient les troupes de Damas au sol, fait savoir à la coalition internationale que la « veille aérienne » qu’elle maintient au-dessus du convoi de l’EI gêne ses propres opérations dans le secteur et exige qu’elle y mette fin. C’est chose faite le 8 septembre : « Les avions de surveillance de la coalition ont quitté l’espace aérien adjacent [au convoi] à la demande des responsables russes dans le cadre lors de leur attaque contre Deir ez-Zor », admet alors l’US Central Command.
Anecdotique au niveau militaire, le transfert finalement réussi des combattants de l’EI n’en reste pas moins révélateur de la complexité des rapports de force sur le terrain syrien. Face à l’intransigeance supposée de la coalition internationale, ce sont finalement les intérêts militaires immédiats de Moscou et de Damas qui ont primé et ont permis aux djihadistes de rejoindre les leurs – eux-mêmes défaits sur la rive occidentale de Deir ez-Zor par l’offensive russo-syrienne.