A l’occasion de la désignation de Paris comme ville hôte des Jeux olympiques 2024, nous republions une version – actualisée – de cet article initialement publié en février 2015.

C’était une décision attendue après les désistements de Boston, Rome, Hambourg, Budapest et l’accord avec Los Angeles : Paris a obtenu, mercredi 13 septembre, l’organisation des Jeux olympiques 2024, tandis que la ville américaine les accueillera en 2028.

Les responsables de Paris et du gouvernement l’assurent : après les dérapages des précédentes éditions, le coût de l’organisation des JO d’été sera contrôlé. « Les Jeux dispendieux, je crois que ce n’est plus du tout d’actualité », affirmait Anne Hidalgo en novembre 2014.

Un budget prévisionnel de 6 milliards d’euros

C’est une règle implicite dans l’élaboration des dossiers de candidature depuis le début des années 2010 : les villes candidates doivent éviter de présenter des budgets démesurés. Celui prévu par Paris atteint 6,6 milliards d’euros, répartis entre des dépenses d’organisation (3,3 milliards d’euros, financés par le comité d’organisation via le sponsoring et les billets) et des dépenses d’infrastructures (3,3 milliards d’euros).

Concernant ces 3,3 milliards d’euros d’investissements en infrastructures, l’étude de faisabilité assurait en février 2015 que « près de 2 milliards concernent des installations déjà programmées ou envisagées », comme la rénovation de Paris-Bercy et de Roland-Garros. La construction du village olympique (1,5 milliard d’euros, financée via un partenariat public-privé) permettra ainsi de « participer à l’effort de construction en logements manquants en Ile-de-France » et 200 millions d’euros seront affectés à « la nécessaire mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite de certaines infrastructures de transport ». Le projet du Grand Paris prévoit déjà, lui, des investissements massifs dans les réseaux de transports franciliens.

Au total, l’investissement public spécifique aux JO, donc payé par les contribuables, serait ainsi de 1,5 milliard d’euros.

Tous les précédents Jeux montrent une explosion des coûts

On ne demande qu’à croire le projet de candidature et espérer des Jeux olympiques réussis, à la sécurité assurée et renvoyant ainsi une bonne image de Paris et de la France lors d’un des événements les plus suivis dans le monde. Pourtant, les expériences passées, sur les trente dernières années, montrent que le budget initialement présenté a largement été dépassé, parfois dans des proportions ahurissantes.

Parmi les exemples récents les plus marquants, les Jeux d’Athènes avaient été largement sous-budgetés. En 2011, le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, avait déclaré qu’en Grèce, « 2 % à 3 % de la dette extérieure du pays a augmenté en raison du coût des Jeux ».

Quatre ans plus tard, les Jeux de Pékin explosaient les compteurs (avant d’être dépassés par les JO d’hiver de Sotchi en 2014) avec un coût total de près de 40 milliards d’euros. En 2012, la facture des Jeux de Londres a été multipliée par trois par rapport au budget initial. Les prochains jeux de Rio en 2016, au budget initial de 10 milliards d’euros, sont désormais évalués à 12 milliards d’euros. La candidature de Tokyo, en 2020, prévoyait elle un budget équivalent à la candidature parisienne, environ 6 milliards d’euros.

En 2010, un article publié dans une revue du Fonds monétaire international (FMI) affirmait que « les budgets initiaux [des JO] sous-estiment toujours le coût total de l’événement ». Et notamment les dépenses de sécurité, « énormes » depuis le 11 septembre 2001, ou le fait qu’« entre la présentation de la candidature à l’organisation d’un événement et son organisation effective, les coûts de construction et la valeur du foncier peuvent augmenter de beaucoup ».

« De plus, les premiers partisans de l’organisation d’un tel événement dans leur ville ont intérêt à sous-estimer les vrais coûts tant que le soutien du public n’est pas acquis. Quand les villes candidates se lancent dans la bataille, elles ont naturellement tendance à faire des propositions équivalentes à celles de leurs concurrentes et à enjoliver leurs propres plans. »

Les Jeux en valent-ils la chandelle ?

C’est la grande question. En candidatant, les villes espèrent des retombées positives. En termes purement budgétaires concernant l’événement, tout le monde s’accorde à dire qu’on ne tire pas de bénéfices directs avec les Jeux olympiques. Wladimir Andreff, économiste à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, parle même d’un « winner’s curse » (« malédiction du vainqueur de l’enchère ») des Jeux olympiques. Pour Londres 2012, « le seul moyen de conclure que cela valait la peine d’accueillir les JO a été de tenir compte de [supposés] effets intangibles, telle la fierté nationale et locale d’avoir accueilli les Jeux ».

« Il est nécessaire de se pencher sur d’autres impacts : bénéfice social, bien-être collectif, fierté nationale, etc. »

Une étude du cabinet Microeconomix, publiée en février 2015, affirme que si les « gains économiques à attendre de l’organisation des JO sont faibles, voire nuls », même le secteur du tourisme « ne devrait pas particulièrement bénéficier des JO, surtout pour une ville comme Paris se situant déjà dans les trois villes les plus touristiques au monde avec Londres et Bangkok, tandis que la France reste le pays accueillant le plus de touristes ». Conclusion :

« Une candidature honnête devrait reconnaître que, si les gains économiques ne suffisent pas à justifier l’organisation de JO, il est nécessaire de se pencher sur d’autres impacts : bénéfice social, bien-être collectif, fierté nationale, etc., autant d’éléments intangibles, bien plus subjectifs, qu’il ne s’agit pas de négliger pour autant. »

Malgré le gouffre financier qu’ont représenté les Jeux de Barcelone en 1992, son maire, Xavier Trias, a estimé en 2012 que l’événement avait « totalement transformé » sa ville. La capitale catalane a ainsi amélioré son réseau de transports, a su réutiliser la plupart des installations olympiques et accueille désormais régulièrement des manifestations sportives de premier plan. Une réutilisation qui a servi d’exemple aux organisateurs de Londres 2012 mais pas à ceux d’Athènes 2004 : l’article du FMI constatait en 2010 que « de nombreux sites utilisés pendant les Jeux d’Athènes en 2004 sont soit vides, soit rarement utilisés, et occupent des terrains précieux dans ce centre urbain surchargé ».