Patrick Pouyanné, le PDG de Total, à Paris, le 24 mai 2016. / ERIC PIERMONT / AFP

Total poursuit son développement dans les énergies renouvelables, lancé en 2011 avec la prise de contrôle du fabricant californien de panneaux solaires SunPower pour 1,6 milliard de dollars (1,33 milliard d’euros). Le groupe pétrolier a annoncé, mardi 19 septembre, l’acquisition d’une participation de 23 % dans la société Eren Renewable Energy (EREN RE) à travers une augmentation de capital de 237,5 millions d’euros.

Ce n’est qu’une première étape vers un contrôle total « à l’issue d’une période de cinq ans » de ce développeur et exploitant français de parcs éoliens et de fermes solaires déjà implanté dans des pays à fort potentiel (Italie, Grèce, Israël, Brésil, Argentine, Inde…). Ce qui représentera, selon Patrick Pouyanné, PDG de Total, une opération « entre 1 et 2 milliards d’euros ».

« Total veut se repositionner sur toute la chaîne des renouvelables », depuis la fabrication des panneaux photovoltaïques en amont avec SunPower jusqu’à la production d’électricité en aval avec EREN RE, explique M. Pouyanné, qui cherchait aussi à « acquérir des compétences » que Total ne possède pas et à proposer à ses clients « des offres complètes solaire + éolien, puisque leur intermittence n’est pas la même » (soleil le jour, vent le jour et la nuit).

« L’électricité est l’énergie de l’avenir »

Le patron du géant pétrolier voulait « faire confiance à ceux qui ont réussi ». EREN RE a été créé en 2012 par Pâris Mouratoglou et David Corchia, deux hommes d’affaires précurseurs en matière d’énergies renouvelables. Ils avaient fondé, au début des années 2000, une société qui deviendra EDF Energies nouvelles.

Leur entreprise possède un portefeuille d’actifs dans l’éolien, le solaire et l’hydraulique d’une capacité de 650 mégawatts (MW) en exploitation ou en construction dans le monde. Total vise une capacité installée de 5 000 MW à l’horizon 2022, indique Philippe Sauquet, directeur général Gas Renewables & Power de Total. EREN RE bénéficiera pour cela de la force de frappe financière de son actionnaire de référence.

« L’électricité est l’énergie de l’avenir », reconnaît M. Pouyanné, notamment produite à partir du gaz (moins émetteur de CO2 que le charbon), dont Total est un grand producteur mondial. Il réaffirme que son groupe a « intégré l’enjeu climat dans sa stratégie et mène une politique de croissance soutenue dans les business bas carbone ». Il a aussi annoncé, mardi, le rachat du français GreenFlex, actif dans l’efficacité énergétique.

En 2016, il avait acquis le fabricant de batteries industrielles Saft, puis le fournisseur belge d’électricité Lampiris. Il vend désormais de l’électricité aux clients particuliers, comme EDF et Engie. Des quatre autres grandes majors internationales (ExxonMobil, Royal Dutch Shell, BP et Chevron), c’est Total qui affiche pour l’heure la plus grande ambition dans les énergies renouvelables.

Mais il n’est pas seul : le norvégien Statoil investit dans l’éolien en mer, et l’italien ENI a annoncé 1 milliard d’euros d’investissement dans les projets solaires. Quant aux dirigeants de Royal Dutch Shell, qui ont récemment créé une division chargée des énergies renouvelables, ils prévoient d’y investir 1 milliard de dollars par an d’ici à 2020.

Le secteur des « ENR » commence à se consolider en France

Pour l’actionnaire Bpifrance, qui a fait de la transition énergétique l’une de ses priorités d’investissement, c’est une belle opération. Lors de l’augmentation de capital de 200 millions également souscrite par les fonds des familles Peugeot (PSA) et Halley (Carrefour), la banque publique avait apporté 50 millions en 2015 et 50 millions supplémentaires en 2017.

« EREN RE a connu un développement spectaculaire, grâce à une dotation importante en fonds propres, notamment de Bpifrance, rappelle José Gonzalo, directeur exécutif de Bpifrance. Dans les cinq ans, nous n’excluons pas de remettre au pot pour ne pas être dilué. Notre philosophie, c’est de faire en sorte que ce soit des sociétés françaises qui récupèrent les entreprises dont on a financé le développement. » Bpifrance restera le deuxième gros minoritaire juste derrière Total, les deux fondateurs détenant encore la plus grosse part du capital, notamment 70 % du holding de tête.

Les énergies renouvelables ont le vent en poupe. Malgré l’intermittence de leur production, elles ne cessent de séduire à mesure qu’elles gagnent en compétitivité par rapport aux centrales au charbon et au gaz, et même au nucléaire – même si ces énergies sont nécessaires à la sécurité de l’approvisionnement en électricité.

Le secteur des « ENR » commence à se consolider en France. Troisième distributeur français d’électricité et de gaz, Direct Energie a annoncé, en juin, le rachat du producteur d’énergies renouvelables Quadran pour 300 millions d’euros, un groupe dans lequel Bpifrance avait investi.