Lors du prix d’Amérique, à l’hippodrome de Vincenens, en juin 2014. / ALAIN JOCARD / AFP

Poumons verts pour la capitale, les bois de Boulogne et de Vincennes pourraient être deux gros bols d’air financiers pour la Ville de Paris si elle était plus rigoureuse vis-à-vis des quelques très sélects clubs sportifs ou sociétés de courses qui y sont installés. Dans un rapport sur la gestion des deux bois depuis 2010 qui sera soumis à la séance du conseil de Paris des 25, 26 et 27 septembre, la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France (CRC) reproche à la ville de ne pas être assez regardante vis-à-vis du respect des engagements pris par certains clubs, de pratiquer des redevances trop faibles et d’avoir engagé des dépenses indûment à la place d’un concessionnaire privé.

Propriétaire du bois de Boulogne et de Vincennes depuis le second Empire, la Ville de Paris a aujourd’hui 67 conventions avec le plus souvent des associations sportives et des restaurants. Elles ont rapporté, en 2013, plus de 28 millions d’euros à la municipalité soit 11 % de toutes ses redevances domaniales.

Certains gestionnaires privés sont implantés depuis plus d’un siècle. Le très chic Polo de Paris réunit depuis 1892 dans le bois de Boulogne des cavaliers fortunés et des membres cooptés qui y pratiquent aussi le golf et l’escrime. Sa concession a été reconduite en 2014 avec la promesse d’engager 14 millions de travaux. Or, le caractère effectif de leur réalisation « ne fait pas l’objet de contrôle » de la ville, relève le rapport. Une lacune « critiquable » selon la CRC d’autant plus « contestable » que la durée de la concession a été « fixée sur proposition du candidat, au regard du volume prévisionnel de travaux » promis. Elle est de 20 ans.

La Ligue de tennis de Paris qui gère le site du Tir aux Pigeons, cercle parmi les plus huppés de France, niché dans une clairière du bois de Boulogne, a obtenu que la durée de sa concession signée en 2007 passe de 19 à 30 ans en échange de l’engagement de doubler l’enveloppe de travaux. Sans que la ville puisse avoir un droit de regard sur la nature des travaux effectués.

Dans sa réponse au rapport de la CRC la ville indique qu’elle obligera tous les futurs concessionnaires qui passeront des accords avec elle à réaliser les travaux auxquels ils s’engagent sous peine d’une redevance additionnelle.

« Elites bon chic bon genre »

En 2006, la ville s’est aperçue – après que deux cygnes du bois étaient morts du saturnisme – d’une grave pollution au plomb des terrains concédés aux cercles du Tir aux pigeons depuis 1960 pour y pratiquer des séances de ball trap. Au terme de la convention, le club était tenu de rendre le terrain à la ville en bon état.

La ville a toutefois accepté en 2013 de financer la moitié des coûts de dépollution soit plus de 650 000 euros. « C’est à tort que la ville a pris en charge ces travaux », estime la CRC. Le rapport juge « irrégulière » la délibération du Conseil de Paris qui a approuvé cette dépense et appelle la ville « à faire valoir sa créance auprès du club. » Bertrand Delanoë « a toujours été fasciné par les élites bon chic bon genre qui fréquentent ces clubs, dont certains membres ont beaucoup d’influence », confie au Monde Yves Contassot, adjoint écologiste chargé des espaces verts de l’ancien maire de Paris. A l’époque, M.Contassot et son groupe s’étaient opposés, en vain, à cette dépense de la ville.

Quatre ans après les faits, la mairie défend le bien fondé de cette dépense. Dans sa réponse à la CRC, elle considère que les travaux engagés visaient « à mettre en valeur » le site en créant une promenade le long du lac, selon des règles qui n’obligeaient dès lors pas le club à les prendre en charge en totalité. Celui-ci a déboursé par ailleurs quelque 600 000 euros.

Augmentation de tarifs

Depuis 2014, la mairie de Paris a augmenté les tarifs de plusieurs concessions, dont celle du Jardin d’acclimatation, détenue par LVMH, passée de 400 000 euros en moyenne à 2,1 millions d’euros au terme de la nouvelle convention passée en septembre 2016.

Mais le rapport dénonce le maintien de deux conventions « aux conditions peu favorables aux intérêts de la ville ». Celle passée en 1976 pour une durée de 50 ans avec la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français (SECF) qui exploite l’hippodrome de Vincennes ne prend pas en compte dans le calcul de la redevance les recettes d’’exploitation du site. Or, la SECF perçoit un prélèvement sur le chiffre d’affaires de quatre restaurants et de six bars dans l’enceinte de l’hippodrome. La redevance versée à la ville est calculée uniquement sur les droits d’entrée et les places de parking. En 2014, elle était de 58 444 euros.

Avec le club équestre de l’Etrier, dans le bois de Boulogne, la ville a signé en 2013 un avenant à la concession lui accordant l’usage d’une parcelle de terrain supplémentaire sans augmenter la redevance. La Ville s’est engagée, selon la CRC à « réévaluer de manière substantielle » son montant lors du renouvellement de la convention
en 2019.