Le candidat à la primaire de la droite et du centre, Nicolas Sarkozy, accompagné de sa femme, Carla Bruni-Sarkozy, quitte, le 20 novembre 2016, son QG de campagne à Paris, au soir de sa défaite. | OLIVIER LABAN-MATTEI / MYOP POUR « LE MONDE »

Pour Nicolas Sarkozy, la défaite est cuisante et sans appel. Arrivé troisième au premier tour de la primaire de la droite, l’ancien chef de l’Etat n’a pas réussi à convaincre les électeurs. A l’issue des résultats, il a estimé qu’il était temps pour lui « d’aborder une vie avec plus de passions privées et moins de passion publique ».

Pour Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), le candidat n’a pas su « renouveler » son discours.

Comment expliquez-vous une telle défaite pour Nicolas Sarkozy ?

La première explication tient à Nicolas Sarkozy lui-même et à sa stratégie. Il a voulu reprendre les thématiques de sa campagne de 2012 à savoir l’identité nationale, la sécurité et l’immigration. Et finalement, on ne l’a pas beaucoup entendu parler d’économie alors que François Fillon a su imposer cette question comme un enjeu prioritaire de la campagne des primaires – moins d’impôts, moins de fonctionnaires, moins de dépenses publiques.

Il y a aussi la manière dont l’ancien président a incarné sa stratégie. Avec cette histoire de Gaulois et de frites, il n’a pas donné le sentiment qu’il savait se renouveler, dans un contexte où les électeurs de droite veulent avant tout reprendre le pouvoir. Contrairement à Nicolas Sarkozy, François Fillon est, lui, apparu plus cohérent, et il a réussi à incarner une autorité incontestée.

Alors qu’il semblait invincible en 2007, Nicolas Sarkozy a perdu de son aura et lassé son électorat. La preuve en est, il a même perdu dans les Hauts-de-Seine et les Alpes-Maritimes, qui étaient pourtant ses fiefs. En toile de fond, la longue chronique de ses déboires avec les juges a aussi sûrement pesé sur les résultats.

Nicolas Sarkozy a-t-il encore un avenir politique, selon vous ?

Même si on n’est jamais mort en politique, ça ressemble bien à une fin de carrière. Je ne l’imagine pas revenir dans le jeu politique et, en même temps, il reste un animal politique redoutable. Après la défaite de 2012, il a bien réussi à revenir et à prendre la tête de l’UMP. Mais, aujourd’hui, on voit mal quel espace il lui reste.

On a vu d’autres retours, comme celui d’Alain Juppé. Lui, avait choisi de devenir maire de Bordeaux pour montrer une autre facette de sa personne, mais pour cela il faut être patient et aimer le temps long – Juppé ça lui a pris quinze ans – ce qui ne correspond pas à la psychologie de Nicolas Sarkozy. D’autant plus, qu’il a déjà accédé à la fonction suprême.

Quel héritage Nicolas Sarkozy lègue-t-il à la droite française ?

La fin de Nicolas Sarkozy signe-t-elle la fin du sarkozysme ? C’est une grande question. Je pense que le sarkozysme laissera des traces. La droite française n’en a pas fini avec toutes ces questions d’identité nationale. Le Front national va sûrement réaliser un très bon score au premier tour de la présidentielle et même dans le cas où François Fillon serait élu président, il y aura d’autres scrutins électoraux avec un Front national qui sera fort et qui continuera à imposer dans le débat politique la thématique de l’identité.

Que vont devenir les grands noms du sarkozysme ?

C’est un peu prématuré pour répondre à cette question. C’est un moment très difficile pour les soutiens de Nicolas Sarkozy, comme François Baroin, Eric Ciotti et Laurent Wauquiez. Ils sont encore sous le choc car ils ne s’attendaient pas à une telle défaite. Il est possible que certains se rabattent sur François Fillon, d’autres vont peut-être choisir d’incarner un courant sarkozyste à droite ?

Il est aussi difficile de savoir qui va prendre la tête du parti Les Républicains. Laurent Wauquiez reste le numéro deux, il a remplacé Nicolas Sarkozy pour le temps des primaires qui devrait normalement reprendre les rênes du parti mais vue sa position, ça me paraît compliqué. On peut donc s’attendre à ce qu’il y ait une période de transition, puis une mise en correspondance entre le vainqueur de la primaire et l’état-major du parti.