Edouard Philippe, le 19 septembre à Paris, lors du lancement des Assises nationales  de la mobilité. / ERIC PIERMONT / AFP

Tout ce qui compte dans le monde du transport s’était réuni, mardi 19 septembre, dans l’auditorium du Palais Brongniart, à Paris, pour le coup d’envoi du grand remue-méninges du secteur, les Assises nationales de la mobilité. Edouard Philippe, le premier ministre, a donné le ton en même temps que le top départ, citant Fernand Braudel, le grand maître de la synthèse historique, et rappelant à ceux qui l’auraient oublié que la victoire espagnole de 1557 à Saint-Quentin (Aisne), qui ouvrait aux ennemis jurés du roi de France une voie royale vers Paris, ne donna rien… à cause de l’état des routes.

Une petite leçon érudite destinée à rappeler l’importance du transport pour une nation et – peut-être – faire mesurer la responsabilité de ceux qui s’apprêtent à participer à ce brainstorming de trois mois, destiné à déboucher sur un big bang de la mobilité en France.

  • Pourquoi ces Assises de la mobilité ?

Elles font suite au discours d’Emmanuel Macron, président de la République, prononcé lors de l’inauguration de la ligne de TGV Le Mans-Rennes, le 1er juillet. Un discours de rupture avec les politiques de transport du passé : terminés les grands projets pharaoniques, trop souvent pas ou mal financés, priorité aux transports du quotidien, aux mobilités du XXIsiècle.

Cette nouvelle doxa, le premier ministre l’a résumée, lors de l’ouverture des assises : « Nous avons collectivement beaucoup trop promis. » Le résultat de ce trop-plein, c’est qu’il manque 10 milliards d’euros pour boucler le financement de ce qui a été programmé, 7 milliards pour les projets nouveaux, 3 milliards pour la rénovation. Conclusion, il va falloir faire des choix, réfléchir aux priorités, dans un exercice de sincérité ayant pour ligne directrice l’importance des transports de tous les jours et la remise en état du réseau existant (route et rail).

  • Comment vont-elles se dérouler ?

Les participants ont trois mois pour échafauder une nouvelle politique des mobilités. Une plate-forme Internet de consultation publique (www.assisesdelamobilite.gouv.fr) permet à tout citoyen de contribuer au débat public. En parallèle, des ateliers vont être mis en œuvre par les équipes d’Elisabeth Borne, la ministre des transports. Une quinzaine d’ateliers territoriaux, d’abord, des réunions publiques ouvertes à tous organisées là où habituellement les décideurs ne vont pas : grands ensembles, périphérie de villes moyennes, territoires ruraux. L’objectif est de prêter une oreille attentive au plus près des réalités du terrain.

Des ateliers nationaux thématiques sont ensuite organisés et présidés par des personnalités reconnues du monde du transport, ainsi que des ateliers dits de  « l’innovation » destinés à dynamiser les solutions technologiques made in France de la mobilité portées par des entreprises, des start-up, des collectivités.

Enfin, un conseil d’orientation des infrastructures est créé pour régler les questions de financement et de programmation. Il sera composé d’élus et de personnalités qualifiées et présidé par l’ancien député du Calvados, Philippe Duron, authentique sage du transport, qui avait présidé, il y a quatre ans, la commission Mobilité 21, une sorte d’ancêtre des Assises de 2017.

  • Quels sont les thèmes abordés ?

Les Assises ont l’ambition de travailler sur six thèmes correspondant aux six grands défis que le gouvernement a identifiés. L’environnement d’abord. Mme Borne n’oublie pas qu’elle est rattachée à Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, et que son action s’inscrit dans une politique climatique qui prévoit une neutralité carbone en 2050. Dans cette logique, outre le numérique, les questions d’intermodalité et de sécurité, la question des fractures sociales et territoriales sera un élément-clé de la politique des transports à venir. « La mobilité physique doit être un facteur de mobilité sociale », souligne la ministre. Enfin, le dernier thème – mais non le moindre – sera celui du financement, de la gouvernance et de la soutenabilité financière et économique de la politique de transport.

  • Quels sont les sujets qui fâchent ?

Dans ce contexte de sélection drastique en fonction des moyens, il est certain que tout le monde ne sera pas servi comme il l’attend. Et au-delà des thèmes généraux, des sujets concrets vont être abordés. A commencer par savoir quels grands projets déjà engagés (canal Seine-Nord, lignes TGV Lyon-Turin ou Bordeaux-Toulouse) vont devoir être remisés.

Nombre d’observateurs se demandent aussi si on ne s’apprête pas à exiger de la politique de mobilité plus qu’elle ne peut. « Le transport collectif ou individuel ne pourra pas réparer à lui tout seul des erreurs d’urbanisme comme l’étalement pavillonnaire et ses conséquences sociales », commente Thierry Mallet, PDG de Transdev et président de l’Union des transports publics.

Et puis on assiste au grand retour de thèmes hautement épineux, comme celui de la taxation des poids lourds. Tout en affirmant ne pas vouloir remettre en place une écotaxe, Elisabeth Borne a indiqué que la contribution des camions au financement des infrastructures serait étudiée. « C’est clairement une réflexion qui va être menée dans le cadre des Assises, a affirmé la ministre. Et je le dis parce que je sais que c’est un sujet assez réactif pour nos amis du transport routier. Evidemment, ils seront associés à cette réflexion. »

  • Quels thèmes sont exclus des Assises ?

Le gouvernement a décidé de ne pas inclure plusieurs chapitres de la mobilité dans ces Assises et de les traiter à part. Ce sera le cas du transport aérien et maritime mais aussi du fret et de la logistique et de toutes les questions spécifiquement ferroviaires, qui font l’objet d’une concertation particulière.

Les projets de métro et de liaison ferroviaire du Grand Paris Express, récemment pointés du doigt pour des dérapages financiers considérables, ne sont pas non plus inclus dans le périmètre de cette réflexion.

Motivée par la volonté de se cantonner au sujet déjà touffu du transport de voyageurs, la décision a surpris nombre d’observateurs. Si l’on veut réfléchir à une politique globale, peut-on séparer d’un trait de plume théorique le transport de personnes de celui de marchandises ? Peut-on résoudre les problèmes de financement des infrastructures de transport en France, sans aborder la question de la dette de la SNCF ?

  • Sur quoi doit déboucher cette réflexion ?

A la mi-décembre, cette énorme masse de travail donnera lieu à une restitution, préalable à la future loi d’orientation attendue début 2018, qui tracera les contours des transports en France pour les cinq à dix prochaines années. Ce texte, dont la précédente loi d’orientation de la politique des transports remonte à 1982, ouvrira peut-être la porte à de nouveaux projets d’envergure pour l’avenir. Mais cette fois, c’est juré, on saura comment les payer.

Jean-Cyril Spinetta chargé d’une mission  sur le ferroviaire

L’ancien PDG du groupe Air France-KLM, Jean-Cyril Spinetta, 73 ans, a été chargé par le gouvernement de mener une réflexion sur « les conditions d’une transformation réussie du secteur ferroviaire », autrement dit de la SNCF, a annoncé, mardi 19 septembre, le premier ministre, Edouard Philippe, lors de l’ouverture des Assises nationales de la mobilité. Cette réflexion sera menée en parallèle des Assises, et les conclusions devront être rendues au premier trimestre 2018. M. Spinetta, patron pendant onze ans de la compagnie aérienne nationale, a été l’architecte de sa privatisation et du rapprochement avec KLM.