Vers une sortie de crise au sein du bureau de l’Assemblée nationale
Vers une sortie de crise au sein du bureau de l’Assemblée nationale
Par Manon Rescan, Alexandre Lemarié
Les Républicains, qui font la politique de la chaise vide depuis le mois de juin, pourraient réintégrer l’instance qui dirige le Palais-Bourbon après une modification du règlement.
Le climat s’apaise entre le groupe Les Républicains et la présidence de l’Assemblée nationale. Les députés de droite pourraient retrouver leurs sièges au bureau de l’institution au cours de l’automne, après trois mois de boycott en protestation de la répartition des postes au sein de ce dernier. Une guerre ouverte sur fond de règlement de comptes avec l’un de leurs anciens collègues, Thierry Solère, aujourd’hui « constructif ».
François de Rugy a annoncé en conférence des présidents, mercredi 20 septembre, qu’une proposition de résolution afin de modifier le règlement sur « les conditions de nomination des membres du bureau » allait être déposée, ouvrant la voie à un examen dans l’Hémicycle possible le 10 octobre. « Dès qu’on aura la modification du règlement, LR resiégera au bureau », confirme Christian Jacob, le président du groupe des députés de droite.
Pour bien comprendre ce dont il s’agit, il faut revenir quelques mois en arrière. Le 28 juin, l’Assemblée nationale élisait son bureau. En jeu, six postes de vice-présidents, douze postes de secrétaires et trois postes de questeurs, chargés de la gestion financière de l’institution. Leur répartition se négocie traditionnellement dans le secret de la conférence des présidents. Les groupes se partagent alors les postes à l’amiable en respectant les équilibres entre majorité et opposition, à travers un système informel de points.
Le flou des usages
Sauf qu’à l’heure du dynamitage du paysage politique français avec l’élection d’Emmanuel Macron, les frontières sont brouillées jusque dans la notion même d’opposition. Et un homme a saisi l’occasion de se faufiler dans le flou des usages sur fond d’arrivée de nombreux novices au Palais-Bourbon pour s’y faire une place. Cet homme, c’est Thierry Solère. Ancien député LR, il est l’une des figures des « constructifs », ces députés du centre et de la droite prêts à soutenir le gouvernement. Ces derniers se sont néanmoins déclarés dans l’opposition, ce qui leur ouvre certains droits, comme celui de briguer des postes au bureau.
Si la conférence des présidents avait acté le 28 juin au matin que ce serait le groupe LR qui obtiendrait le poste de questeur, au dernier moment, Thierry Solère a décidé de s’y porter candidat également. Un coup de poker de ce très proche d’Edouard Philippe, qui est aussi l’ennemi juré d’Eric Ciotti, à qui les LR pensaient confier le poste. Les deux hommes, qui siégeaient sur les mêmes rangs quelques mois auparavant, se sont donc affrontés lors d’un vote des députés. S’est ensuivi un moment de flottement à l’issue duquel la majorité, ignorante pour la plupart des usages concernant les droits de l’opposition, et pas mise au courant par ses cadres à ce sujet, a porté, comme un seul homme, le constructif à la questure.
Depuis, Les Républicains hurlent au non-respect des droits de l’opposition, estimant que le poste leur revenait en tant que principal groupe adversaire de la majorité. Ils ont, dès lors, commencé une politique de la chaise vide au bureau, où des postes de vice-président leur revenaient normalement. Leur absence rendant impossible le fonctionnement du bureau, Richard Ferrand, président du groupe La République en marche (LRM), avait annoncé, le 28 juin, que des députés issus de ses rangs allaient siéger à la place des LR, s’engageant à s’en retirer dès que ces derniers mettraient fin à leur « bouderie ».
Nouveau dilemme
François de Rugy, dont le rôle est aussi d’être le garant des droits de l’opposition, a toujours dit que la situation ne lui convenait pas. Il faut dire que le bureau ne représente aujourd’hui pas le pluralisme de l’Assemblée, et ce alors même que vient d’être lancée une série de chantiers de réforme de l’institution, dans lesquels le bureau aura un rôle-clé. Des discussions ont eu lieu tout l’été pour préparer une sortie de crise. Les Républicains posaient comme prérequis que Thierry Solère abandonne le poste de questeur.
« S’il avait un minimum d’éthique et de dignité, il démissionnerait dès à présent », dit agacé Christian Jacob. « Pas question, lui rétorque le Constructifs. J’ai été élu donc je reste en place jusqu’en octobre 2018. » Date à laquelle les LR pourraient récupérer le poste.
L’inscription, dans le règlement de l’Assemblée nationale, de la règle des points, qui servait jusque-là d’étalon informel pour la répartition des postes devrait donc être une première étape cet automne. Les LR occuperont deux postes de vice-président, ce qui leur permettra de suppléer à François de Rugy pour la conduite de séances. Une mission-clé, comme l’ont rappelé les séances houleuses de l’été, quand certaines vice-présidentes novices issues de LRM y ont été très chahutées. D’autres nouveaux députés, à l’inverse, avaient très rapidement pris le pli, plaçant la majorité face à un nouveau dilemme. Certains de ses meilleurs vice-présidents, Cendra Motin et Sacha Houlié, s’étaient engagés à se retirer aux profits des députés LR dès la sortie de crise.
Faudra-t-il tenir cet engagement et maintenir en poste des députés moins solides ? Ou profiter de l’occasion pour procéder à des ajustements. « C’est en cours de discussion », confirme un député LRM. Le sujet doit être abordé en début de semaine prochaine au sein du groupe.