Elections allemandes : « Il n’y a qu’une alliance possible, CDU-CSU, FDP et Verts »
Elections allemandes : « Il n’y a qu’une alliance possible, CDU-CSU, FDP et Verts »
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
Notre correspondant à Berlin, Thomas Wieder, rappelle qu’avant les élections législatives allemandes, « une telle coalition était toujours présentée comme un pis-aller » et que « personne n’en voulait ».
German Chancellor Angela Merkel speaks during a press conference after a board meeting of the Christian Democratic Union CDU in Berlin, Germany, Monday, Sept. 25, 2017, the day after the German parliament election. (AP Photo/Michael Sohn) / MICHAEL SOHN/AP
Notre correspondant à Berlin, Thomas Wieder, a répondu aux questions des internautes sur les conséquences des élections législatives allemandes, dimanche 24 septembre.
VincentD : Quelles sont les possibilités d’alliances pour la CDU ?
Vu que le SPD a exclu de participer à une nouvelle grande coalition et que la CDU-CSU n’est pas majoritaire avec le seul FDP, il n’y a qu’une alliance possible : CDU-CSU, FDP et Verts. La fameuse coalition « jamaïcaine » – en référence au drapeau de l’île, noir, jaune, vert – dont on parle depuis dimanche soir.
Arthur : Se peut-il que l’annonce du SPD de sa volonté d’être dans l’opposition ne soit qu’un levier de négociation pour avoir plus de poids en vue d’une grande coalition si le projet de la coalition « jamaïcaine » échoue ?
C’est difficile à croire. Martin Schulz a été clair, dimanche 24 septembre, sur son refus de participer à une grande coalition. Le score déplorable du SPD – 20,5 % –, en outre, ne peut que renforcer les adhérents du parti dans leur conviction, déjà bien ancrée avant le scrutin, que la grande coalition porte préjudice à leur parti. Après, si les négociations entre la CDU-CSU, le FDP et les Verts échouent, il peut y avoir une forte pression sur le SPD pour qu’il revoie sa position. Le risque étant, si aucune coalition ne se forme, qu’il y ait de nouvelles élections. Mais ça paraît très hypothétique à ce stade.
Stevie Ray Vaughan : Comment un parti comme le FDP, très libéral économiquement et fiscalement et plus que réservé quant à l’accueil de migrants, pourrait-il cohabiter avec les Verts au sein d’une coalition « Jamaïque » ?
C’est en effet difficile à concevoir. D’ailleurs, avant les élections, cette coalition « Jamaïque » était toujours présentée comme un pis-aller : personne n’en voulait, le FDP et les Verts n’arrêtaient pas de dire qu’ils ne voulaient pas gouverner ensemble, et les électeurs, d’après les sondages, étaient eux-mêmes très sceptiques. Après, il est difficile de savoir ce qui relève des propos de campagne du reste. Pendant la campagne, certains bons connaisseurs du FDP m’ont dit que les positions assez dures défendues par le président du FDP, Christian Lindner, sur l’Europe, l’immigration et la sécurité, répondaient avant tout à un objectif tactique et à sa volonté de « mordre » sur les déçus de la CDU et les électeurs tentés par l’AfD.
Ceux qui défendent cette thèse pensent que, dorénavant, le FDP sera plus souple qu’il ne le laissait entendre pendant la campagne. Mais d’autres, à l’inverse, assurent que le FDP n’a aucun intérêt à faire trop de concessions. Ils se souviennent du précédent des années 2009-2013, quand le FDP gouvernait avec Mme Merkel. Ils gardent tous un très mauvais souvenir de cette période et estiment que c’est parce qu’ils n’ont pas suffisamment défendu leurs positions qu’ils ont subies à la fin de la législature la plus grosse déroute de leur histoire, qui s’est conclue par leur sortie pure et simple du Bundestag.
David_94700 : En quoi le FDP s’oppose à la refondation de l’Europe ?
Le FDP est un parti historiquement pro-européen. Il ne faut pas oublier que l’une des figures tutélaires de son histoire est Hans-Dietrich Genscher, le grand ministre des affaires étrangères d’Helmut Kohl. Ca peut paraître lointain, mais le FDP se veut l’héritier de cette histoire. Pour l’anecdote, il a récemment réclamé qu’une rue de Berlin soit baptisée du nom de Genscher…
Reste que ces dernières années, le FDP, sous la houlette de son nouveau président, Christian Lindner, a pris des positions qui paraissent aujourd’hui peu compatibles avec les idées avancées par Emmanuel Macron par exemple, sur l’idée d’un budget de la zone euro ou d’un ministre des finances de la zone euro. Par ailleurs, Christian Lindner s’est dit favorable, il y a quelques mois, à la sortie de la Grèce de la zone euro.
geoffrey : Sur quels points programmatiques les Verts et le FDP s’opposent-ils ?
Sur l’Europe, le FDP est opposé à un budget de la zone euro, que réclament les Verts ; en matière de défense de l’environnement, ces derniers réclament notamment la fermeture de vingt centrales à charbon, ce dont le FDP ne veut pas entendre parler. C’est aussi entre les Verts et la CSU que les négociations pourraient être difficiles, en particulier sur la politique migratoire. Les Verts sont en effet très hostiles à la mise en place d’un « plafond » annuel du nombre de demandeurs d’asile, une idée que la CSU réclame en vain à Mme Merkel depuis 2015 et qui pourrait très vite revenir dans le débat compte tenu du mauvais score obtenu par la CSU en Bavière dimanche.
D’une façon générale, sur la politique économique et environnementale, les libéraux et les Verts ont deux cultures politiques très différentes, et en particulier avec l’aile gauche des Verts qui, certes, compte moins qu’avant, mais qui pèse quand même beaucoup.
Xav : Comment expliquer que l’AfD soit aussi forte en ex-Allemagne de l’est ?
Les raisons sont diverses. Elles sont en partie liées au sentiment d’abandon éprouvé dans certains territoires de l’ex-Allemagne de l’Est, moins connectés aux grandes aires urbaines. Il y a des raisons liées à l’histoire qu’entretiennent ces territoires avec le monde extérieur : jusqu’à la chute du mur de Berlin, cette partie de l’Allemagne était peu ouverte sur l’étranger, très peu multiculturelle. Là, plus qu’ailleurs, l’arrivée des réfugiés a pu être perçue comme une invasion. Il y a dans certaines zones un sentiment identitaire très fort qui se manifeste sous la forme d’une islamophobie parfois violente.
Max44300 : Peut-on, idéologiquement, comparer l’AfD au FN ?
A de multiples égards, oui. Les deux partis appartiennent à l’univers des droites populistes, nationalistes et anti-européennes. Une fois qu’on a dit cela, il faut rentrer dans le détail. Au sein de l’AfD, le rapprochement qu’avait tenté en 2016 Frauke Petry d’alors, sa présidente, avec la présidente du FN, Marine Le Pen, n’avait pas fait l’unanimité. Toute une partie de l’AfD, issue d’une droite conservatrice et libérale, estimait en effet que le programme de Mme Le Pen était trop « socialiste ».
En fait, il existe au sein de l’AfD diverses sous-familles, comme c’est le cas au FN. Ce qu’on peut dire, en tout cas, c’est que l’AfD n’a pas fait montre, ces derniers mois, d’une volonté de « dédiabolisation » comparable à ce qu’a voulu faire le FN depuis l’accession de Mme Le Pen à sa présidence en 2011. Au contraire, la campagne de l’AfD a été marquée par des coups d’éclat et des provocations à caractère xénophobe et raciste, ainsi que par une complaisance vis-à-vis du passé nazi de l’Allemagne.
Fanny : Quelles conséquences pour le couple franco-allemand ? Quelles conséquences sur la gestion de la question migratoire au niveau européen ?
C’est une grande inconnue. Quand Angela Merkel a reçu à Berlin le premier ministre français, Edouard Philippe, le 15 septembre, elle a assuré que les élections ne remettraient pas en cause le partenariat très étroit entre la France et l’Allemagne. Toute la question va être de savoir comment l’Allemagne accueillera les propositions que fera, mardi 26 septembre, Emmanuel Macron sur l’Europe. A mon avis, on ne saura pas grand-chose, les Allemands vont rester très prudents, considérant – c’est d’ailleurs comme ça depuis des semaines à Berlin – qu’il est surtout urgent d’attendre.