Etats-Unis : pourquoi les républicains ne parviennent pas à abroger l’Obamacare
Etats-Unis : pourquoi les républicains ne parviennent pas à abroger l’Obamacare
Le Monde.fr avec AFP et AP
La majorité républicaine du Sénat américain a renoncé, mardi, à voter cette semaine sur un projet d’abrogation partielle de la loi sur la couverture maladie de Barack Obama.
Le sénateur Mitch McConnell, chef de la majorité au Sénat, au Capitole à Washington le 19 septembre. / ALEX WONG / AFP
Le rêve républicain de détricoter la loi sur la couverture maladie de Barack Obama avant la fin de l’année semblait s’envoler, mardi 26 septembre. La majorité républicaine du Sénat américain a renoncé à voter cette semaine un projet d’abrogation partielle de la loi, faute de consensus au sein du parti. La veille, la défection de trois sénateurs républicains avait déjà écorné la grande promesse de campagne du président Donald Trump, au bout de huit mois de tergiversations et de batailles internes au Congrès.
En quoi consiste cette loi d’abrogation de l’Obamacare ?
Vieille promesse d’un parti républicain sous présidence démocrate, réaffirmée pendant la campagne présidentielle de 2016, Donald Trump espérait bien pouvoir abroger l’Affordable Care Act de 2010, plus connu sous le nom d’Obamacare.
Le plan républicain consistait à transférer aux Etats une partie du budget fédéral de la santé, tout en réduisant les crédits et en autorisant les autorités locales à déréglementer le marché privé des assurances santé.
La proposition de loi Graham-Cassidy aurait réduit progressivement le budget fédéral de la santé sur la décennie prochaine et aurait permis aux Etats de s’affranchir des protections pour les patients inscrits dans l’Obamacare, notamment l’interdiction aux assureurs de faire payer plus cher les assurés en mauvaise santé, ce qui était possible avant 2010.
Pour les promoteurs de la réforme, il s’agissait de décentraliser la gestion du système de couverture santé pour en améliorer l’efficacité et en faire baisser les coûts. « Obamacare est un échec », a défendu l’un des coauteurs du projet, Bill Cassidy. « La réalité est que les classes moyennes ont vu leurs primes d’assurances exploser. »
Les républicains dominant les deux chambres du Congrès depuis cette année, l’abrogation de cette loi emblématique de la présidence de Barack Obama ne devait être qu’une formalité. Mais c’était oublier qu’Obamacare s’est ancrée dans le paysage, malgré ses lacunes et son coût.
Pourquoi la réforme bloque-t-elle de nouveau ?
Les Américains apprécient les nombreux garde-fous de l’Obamacare, qui empêche notamment les assureurs privés de discriminer les patients. De plus, environ 10 % des 273 millions d’Américains de moins de 65 ans vivent actuellement sans couverture maladie, un taux historiquement bas, alors que cette proportion était de 18 % en 2010.
Une coalition de médecins, d’associations de malades, de compagnies d’assurances et d’élus démocrates s’est mobilisée contre le plan républicain. A tel point que quelques membres du parti de Donald Trump semblent douter du bien-fondé de la réforme, dont trois sénateurs républicains, qui ont annoncé qu’ils ne voteraient pas l’abrogation de l’Obamacare. Ces trois défections ont contraint la courte majorité républicaine à reporter, mardi 26 septembre, le vote.
Les trois défections dans le camp républicain sont venues de John McCain, ancien candidat républicain à la Maison Blanche, du conservateur Rand Paul et de la modérée Susan Collins.
« J’estime que nous ferions mieux en travaillant ensemble, républicains et démocrates, alors que nous n’avons pas vraiment essayé », avait estimé M. McCain, dénonçant une tentative partisane et précipitée, le nouveau texte n’ayant fait l’objet d’aucune audition, ni d’aucun chiffrage précis officiel. Beaucoup de sénateurs attendaient, en effet, de connaître des estimations du nombre de personnes susceptibles de perdre leur assurance en raison de cette abrogation.
Susan Collins avait, pour sa part, annoncé lundi son opposition dans un communiqué sévère, reprochant à sa majorité une proposition de loi bâclée et aux conséquences graves pour les patients. Comme principale raison de son choix, la sénatrice du Maine a avancé les coupes importantes prévues par le projet républicain dans le financement de Medicaid, un programme d’accès aux soins destinés aux Américains les plus pauvres et aux enfants handicapés. Elle a précisé que 20 % de la population du Maine dépendait de ce programme.
Au contraire, Rand Paul a expliqué son refus de voter ce détricotage de l’Obamacare par le fait qu’elle n’allait pas assez loin : « Cela ne ressemble pas le moins du monde à une abrogation. »
Un précédent échec en juillet
Une mouture précédente de la réforme républicaine avait échoué en juillet à une voix près, provoquant la colère du président américain. Trois sénateurs républicains – John McCain, Susan Collins (qui s’opposent aujourd’hui à la nouvelle loi) et Lisa Murkowski – avaient alors joint leurs voix à celles des démocrates pour voter contre ce texte, rejeté par 51 voix contre 49.
Depuis lors, la majorité n’est toujours pas parvenue à élaborer un compromis capable de rassembler à la fois ses membres modérés et les plus conservateurs. Les démocrates, eux, martèlent que la nouvelle mouture de « Trumpcare » est « encore plus mauvaise » que la précédente.
Quel avenir pour la réforme ?
Les sénateurs républicains avait jusqu’au 30 septembre pour adopter le projet de loi en majorité simple, avant la fin de l’année budgétaire 2017. Mardi, la majorité républicaine du Sénat américain a, finalement, renoncé à voter cette semaine sur ce projet. « Nous avons décidé, puisque nous n’avons pas les voix, de reporter le vote », a déclaré Bill Cassidy, entouré de l’état-major républicain du Sénat. « Nous y arriverons un jour », a ajouté son collègue Lindsey Graham.
Le chef de la majorité, Mitch McConnell, a immédiatement tourné la page et confirmé que la priorité était, désormais, la réforme des impôts désirée à la fois par les républicains du Congrès et par le président américain.
Les républicains n’avaient, en réalité, guère le choix après la défection annoncée de trois des 52 sénateurs de la majorité, sur un total de 100 sièges, ce qui empêchait mathématiquement un succès.