Premières passes d’armes sur le projet de loi sécurité intérieure
Premières passes d’armes sur le projet de loi sécurité intérieure
Par Manon Rescan
Le texte se substituera à l’état d’urgence en vigueur depuis novembre 2015.
A ma droite, les opposants à un texte qui « désarme », selon eux, la France. A ma gauche, les pourfendeurs d’une loi qu’ils jugent « liberticide ». Les députés ont débuté l’examen du projet de loi sécurité intérieure, lundi 25 septembre. Ce texte entend préparer la sortie de l’état d’urgence, prévue pour le 1er novembre, près de deux ans après son instauration au soir des attentats du 13 novembre 2015, en inscrivant dans le droit commun une partie des prérogatives de cet état d’exception.
Dans l’Hémicycle, le débat verra s’affronter, jusqu’au vote solennel de la loi prévu le 3 octobre, les tenants d’une ligne sécuritaire, et ceux qui s’inquiètent des risques d’entraves aux libertés fondamentales. Les protagonistes en sont déjà connus depuis l’examen du texte en commission des lois. Chez Les Républicains (LR), le duo Eric Ciotti et Guillaume Larrivé est déterminé à en durcir les mesures. « C’est une loi de désarmement », a répété à mots affûtés M. Larrivé au moment de défendre une motion de rejet préalable de la loi. « Aucun peuple, jamais, n’a gagné une guerre avec des bougies », a-t-il ajouté, appelant au « réarmement » de la France. Les députés LR refusent la sortie de l’état d’urgence et en demandent sa prolongation pour un an.
« Démocrature »
« Chaque jour l’âme de la France est mise à rude épreuve par des barbares qui veulent détruire notre civilisation », a renchéri Eric Ciotti, accusant le gouvernement de ne pas voir la « gravité de la situation ». « Votre duo de claquettes (…), c’est une campagne politique pour soutenir la présidence de Laurent Wauquiez à la présidence des Républicains », leur a reproché Sacha Houlié, député de La République en marche (LRM).
De l’autre côté de l’Hémicycle, les députés de La France insoumise, emmenés par Ugo Bernalicis et Danielle Obono, ont voté avec les députés de droite les motions de rejet et de renvoi du texte, mais avec de tout autres arguments. « C’est un changement de nature de notre régime que vous nous proposez M. le ministre nous faisant entrer dans une “démocrature” autoritaire et discriminatoire », a lancé le député « insoumis » du Nord, qualifiant la loi de « liberticide et contre-productive ». « Les syndicats de magistrats, toutes les associations de défense des droits de l’homme, les spécialistes du droit, le défenseur des droits, Jacques Toubon, tous sont hostiles à ce projet de loi », a-t-il rappelé.
Voix médiane
Entre ces deux pôles d’opposition, Gérard Collomb a notamment renvoyé la droite aux économies budgétaires faites sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy dans la police, la gendarmerie et les services de renseignement. « Oui, à l’époque, on a désarmé », a souligné le ministre, prenant les députés de droite à leurs propres mots. Le ministre en a profité pour faire un état des lieux de la menace. « Depuis le début de l’année, ce sont plus de vingt attentats qui ont été fomentés, quatre ont abouti, quatre ont échoué, douze autres ont été déjoués », a-t-il indiqué.
Tout l’enjeu pour les députés qui soutiennent le texte sera de faire entendre la voix médiane qu’ils affirment incarner. Au premier rang d’entre eux, LRM qui avait peiné à monter au créneau lors de la défense des textes du gouvernement cet été. « Le projet de loi qui nous est soumis dote les forces de sécurité de notre pays de moyens utiles et pérennes face à la menace terroriste, dans un cadre juridique équilibré », a estimé la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, à la tribune.
Le MoDem, représenté par la magistrate Laurence Vichnievsky, défendra, lui aussi, un texte que le groupe juge « équilibré ». Seuls points d’achoppement : il souhaite que seul un juge des libertés et de la détention puisse décider de la prolongation d’une assignation à résidence et propose la mise en place d’un comité de suivi de l’application de la loi. Dans la même veine, le groupe Nouvelle Gauche demande que le contrôle parlementaire, qui oblige le gouvernement à communiquer toutes les décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence, s’applique également pour les quatre premiers articles de la loi. Olivier Dussopt, député socialiste de l’Ardèche, a averti le gouvernement que son groupe ne voterait pas un texte exempt de telles dispositions. Gérard Collomb n’a pas fermé la porte à sa proposition.