Chassées par la vague macroniste des élections de 2017, condamnées à l’exil par leur propre parti ou simplement lassées, de nombreuses figures de la vie politique française ont fait le choix de disparaître des radars. Elles incarnent les dommages collatéraux d’une année qui a bouleversé le paysage politique.

En mettant fin à presque vingt ans d’engagement politique, Cécile Duflot emboîte ainsi le pas à des personnalités de tous bords. Sa future fonction au sein d’Oxfam, une ONG spécialisée dans l’humanitaire, détonne cependant avec le choix de ses anciens collègues, qui se sont essentiellement tournés vers le secteur privé et les médias.

Dernière retraite en date, celle de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a annoncé en février son recrutement par le géant des services informatiques Capgemini. L’ex-secrétaire d’Etat chargée du développement numérique (poste qu’elle a occupé de 2009 à 2010) s’est spécialisée dans la cybersécurité des entreprises. Une décision commune à d’autres ténors de la droite : Luc Chatel, ministre de l’éducation sous Nicolas Sarkozy, affirmait en novembre au journal Le Point avoir rejoint « un fonds d’investissement qui aide les PME à se développer » ; Henri Guaino, lui, a tenu durant quelques mois une chronique sur Sud Radio ; François Fillon est devenu l’un des 30 associés de Tikehau Capital… la liste est longue.

« Politique par parenthèse »

A gauche, l’ancienne ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem assure conjointement la direction d’une collection chez Fayard et un poste de directrice générale déléguée chez l’institut de sondage Ipsos. Christophe Sirugue, ancien secrétaire d’Etat à l’industrie, est quant à lui entré dans le cabinet de conseil en communication Tilder comme directeur associé ; Axelle Lemaire (ex-secrétaire d’Etat au numérique) a rejoint le cabinet de conseil Roland Berger ; Fleur Pellerin (ex-ministre de la culture) a créé un fonds d’investissement, Korelya Capital…

Ces reconversions traduisent une réelle tendance de fond, qui a débuté il y a quelques années pour accélérer en 2017. « Avant il y avait des carrières politiques qui se construisaient sur le long terme, à partir du local pour se diriger vers le national, ou du national vers le local. C’est ce type de carrière qui est en train de disparaître, parce que tous les présidents de la République jusqu’à Emmanuel Macron, sauf le général de Gaulle, étaient des hommes qui avaient connu des grandes carrières », explique Pascal Perrineau, spécialiste de sociologie électorale. « A l’avenir, on fera peut-être de la politique par parenthèse, de manière plus temporaire : on est dans le privé, on fait de la politique, on revient dans le privé. »

A l’inverse, bon nombre de profils entrés tôt en politique veulent s’extraire de leur costume d’apparatchik. « Au bout d’un moment ils ressentent le besoin d’acquérir des bases solides. C’est un peu ce que fait Marion Maréchal-Le Pen aujourd’hui », indique le politologue.

Et le mouvement n’est pas près de s’arrêter. Le gouvernement a annoncé hier les principaux éléments de sa réforme institutionnelle, qui comprend une limitation des mandats dans le temps. De quoi contraindre bon nombre de parlementaires à imiter leurs prédécesseurs.