Aux Etats-Unis, le Parti républicain accumule les déconvenues
Aux Etats-Unis, le Parti républicain accumule les déconvenues
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Le chef de la majorité conservatrice au Sénat a dû renoncer à organiser un vote sur l’abrogation de l’Obamacare et le candidat soutenu par le président a perdu la primaire organisée dans l’Alabama.
Roy Moore le 26 septembre à Montgomery en Alabama. / MARVIN GENTRY / REUTERS
L’establishment républicain américain a accumulé les revers, mardi 26 septembre. En début d’après-midi, le chef de la majorité conservatrice au Sénat, Mitch McConnell (Kentucky) a tout d’abord dû renoncer à organiser un vote sur une nouvelle proposition de loi visant à supprimer la couverture sociale héritée de l’administration démocrate précédente, l’Obamacare, faute de disposer des voix nécessaires.
En soirée, le candidat que la direction républicaine soutenait dans la primaire organisée dans l’Alabama pour succéder à Jeff Sessions, devenu ministre de la justice, a été sèchement battu par un outsider.
Nommé en février par intérim à la place de M. Sessions par un gouverneur poussé à la démission deux mois plus tard à la suite de la découverte d’une liaison extraconjugale, Luther Strange, ancien procureur général de cet Etat du Sud, avait déjà été devancé par Roy Moore, ancien président de la Cour suprême de l’Alabama, au cours d’un premier tour organisé en août. Le soutien de M. McConnell et notamment la force de frappe financière mise à sa disposition ne lui ont pas permis de renverser la vapeur.
Un revers aussi pour Trump
Cet échec constitue également un revers pour le président des Etats-Unis, Donald Trump, qui s’est rendu sur place, le 22 septembre, pour le soutenir, et qui a multiplié également les appels à voter sur son compte Twitter. En plein meeting, M. Trump s’était cependant publiquement interrogé sur son choix. « J’ai peut-être commis une erreur », avait-il déclaré, avant d’assurer qu’il ferait campagne sans réserve pour Roy Moore lors de l’élection générale prévue en décembre si ce dernier venait à l’emporter.
Fondamentaliste chrétien revendiqué, l’ancien juge de 70 ans est un personnage particulièrement controversé en Alabama. Défenseur de la théorie du complot selon laquelle Barack Obama n’est pas un citoyen américain, il a aussi jugé possible que les attentats du 11-Septembre soient un châtiment divin.
Roy Moore a dû renoncer à deux reprises à ses fonctions à la suite de conflits avec sa hiérarchie. En 2003, il a été limogé une première fois pour avoir refusé de retirer une stèle monumentale représentant les Dix commandements qu’il avait fait installer dans le bâtiment où siégeait la Cour suprême. Ce choix avait été considéré comme incompatible avec le premier amendement de la Constitution américaine garantissant la liberté d’expression.
Douze ans plus tard, après avoir été réélu dans les mêmes fonctions, Roy Moore a à nouveau créé une polémique en refusant d’appliquer la décision de la Cour suprême des États-Unis légalisant le mariage homosexuel.
Ces décisions sanctionnant son indiscipline lui ont permis de faire fructifier un capital politique dans cet Etat particulièrement conservateur, qui a contribué à sa victoire de mardi. Ce comportement incontrôlable avait poussé la direction républicaine au Sénat à s’engager derrière Luther Strange.
Menace d’une nouvelle surenchère interne
La victoire de Roy Moore annonce vraisemblablement une difficile saison de primaires pour les républicains modérés, similaire à celles qui ont ponctué l’avènement du mouvement quasi insurrectionnel du Tea Party, en 2010 et en 2012. Des figures de l’establishment républicain ont alors été écartées par des nouveaux venus qui ont fait se déporter à droite le Grand Old Party et exacerbé les divisions partisanes au Congrès.
En 2014, l’establishment républicain s’était efforcé de contenir une vague qui avait également permis aux démocrates de tirer leur épingle du jeu dans de nombreux scrutins, compte tenu de l’effet repoussoir exercé par la candidature de radicaux. Trois ans plus tard, la menace d’une nouvelle surenchère interne républicaine est d’autant plus inquiétante que les débuts difficiles de l’administration Trump risquent de transformer les élections de mi-mandat prévues en novembre 2018, traditionnellement défavorables au parti au pouvoir, en référendum sur un président pour l’instant peu populaire.
De nombreux élus républicains modérés, comme le représentant Charlie Dent (Pennsylvanie) ont d’ores et déjà annoncé leur intention de ne pas se représenter. L’influent président de la commission des affaires étrangères du Sénat, Bob Corker (Tennessee), en a fait de même mardi. Ce dernier avait vivement critiqué M. Trump après des propos ambigus suite aux violences qui avaient opposé à Charlottesville (Virginie) des néonazis et des antiracistes, jugeant que le président n’avait pas fait la preuve de « l’équilibre » et de la « compétence » nécessaires pour réussir dans ses fonctions.
Le nouveau mouvement hostile aux cadres du Grand Old Party s’est donné un héraut en la personne de l’ancien conseiller stratégique de M. Trump, Stephen Bannon, venu soutenir Roy Moore lundi soir. Le patron du site ultranationaliste Breibart News s’est gardé de mettre en cause le président, mais les directions républicaines du Sénat et de la Chambre des représentants sont désormais dans sa ligne de mire. Il a d’ailleurs annoncé mardi le début d’une « révolution ».