Officiellement, les deux événements n’ont pas de rapport. Si Emmanuel Macron a décidé d’écourter son séjour à Lyon entamé, mercredi 27 septembre, par un sommet franco-italien et qui devait se poursuivre jeudi par des rencontres avec des policiers et des gendarmes, c’est parce qu’« Angela Merkel a souhaité le rencontrer en tête à tête jeudi soir à Tallinn, en ouverture du sommet européen consacré au numérique », affirme-t-on à l’Elysée.

Rien à voir, donc, avec le boycott de la visite du chef de l’Etat annoncé par le premier syndicat de gardiens de la paix, Alliance, et le mécontentement des effectifs de voie publique, qui se plaignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de la vétusté de certains commissariats.

A l’origine, M. Macron devait prononcer, jeudi à la mi-journée, un discours à l’hôtel de police de Montluc (3e arrondissement), où il devait présenter « les grandes lignes » de sa politique en matière de sécurité.

Finalement, il s’est contenté d’échanger avec des patrouilles lors d’une « déambulation » le long des quais du Rhône, avant d’assister à un exercice de détection d’explosifs par des chiens à la gendarmerie de Sathonay-Camp, puis de déjeuner avec les forces de sécurité à la cantine du commissariat de Montluc.

Voir Merkel, « une priorité »

La chancelière allemande « a souhaité que nous puissions nous voir avant le dîner, ce qui m’a conduit, en effet, à réaménager mon agenda », cette rencontre bilatérale étant « une priorité », a justifié le président de la République lors d’une conférence de presse mercredi soir, tenue au côté du président du conseil italien, Paolo Gentiloni.

« J’ai préféré reporter le discours plutôt que d’écourter le temps qui avait été préparé avec les forces de l’ordre sur le terrain parce que je tenais aussi (…) à aller écouter. En aucun cas, le fait qu’une organisation syndicale ait pris la décision [de boycotter son discours] n’a un impact sur mon agenda », a précisé M. Macron, passablement énervé de voir une telle hypothèse envisagée.

Désireux, néanmoins, d’éteindre le début de polémique, l’entourage du chef de l’Etat a précisé qu’une rencontre serait rapidement organisée à l’Elysée avec l’ensemble des directeurs départementaux de la sécurité publique et des colonels de gendarmerie, au cours de laquelle M. Macron présentera les mesures qui devaient être initialement dévoilées jeudi. « Cela devrait se faire d’ici à dix jours, quinze au maximum », assure un proche du président.

Rendez-vous le 6 octobre, sur fond de colère des CRS

En attendant, Gérard Collomb, le ministre de l’intérieur, qui était présent à Lyon au côté du chef de l’Etat, tout comme plusieurs autres ministres, a été invité à recevoir rapidement les syndicats de policiers. Une rencontre a, d’ores et déjà, été inscrite à son agenda, le 6 octobre, sur fond de colère parmi les compagnies de CRS.

Ces derniers refusent la fiscalisation de leur indemnité de déplacement. Le 21 septembre, journée de manifestation contre la réforme du code du travail, ils étaient environ 2 000 à manquer à l’appel de leur prise de service, en signe de protestation, obligeant M. Collomb à recevoir dès le lendemain leurs représentants, réunis en intersyndicale (Alliance, UNSA-Police, Unité-SGP), pour ouvrir des négociations.

Difficile de ne pas voir dans ce front commun ou dans le boycott du discours présidentiel par Alliance une façon pour les syndicats de regagner en crédibilité et en autorité auprès de leur base. L’hiver 2016 a été marqué par un mouvement de mécontentement qui a prospéré en dehors des organisations représentatives. Celles-ci ont même fait l’objet d’un franc désaveu de la part des « policiers en colère », qui leur reprochent d’être dans un rôle dévoyé de cogestion de l’institution aux côtés de la hiérarchie policière.

Dans un peu plus d’un an, des élections professionnelles doivent, en outre, se tenir. Malgré l’annonce d’un budget préservé en 2018, garantissant la poursuite des efforts matériels et de recrutement, la colère est latente dans les rangs de la police.