L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Et si on interdisait d’Oscar, de Bafta et d’Emmy toutes les interprétations de personnages issus de la dynastie Windsor ? Voilà qui dégagerait d’abondantes ressources, entre autres celles consacrées à ce Confident royal, qui ne semble avoir d’autre raison d’être que d’étoffer la collection de trophées de dame Judi Dench.

Elle reprend le rôle de Victoria, étrenné il y a vingt ans dans La Dame de Windsor, de John Madden qui mettait en scène la relation nouée entre la souveraine et John Brown, serviteur à la cour. Respectant le cours des années, Stephen Frears et le scénariste Lee Hall évoquent l’ultime fantaisie de la reine en deuil, qui lui fit choisir comme favori Abdul Karim (Ali Fazal) un Indien arrivé à la cour de Saint James au hasard des célébrations de l’un des jubilés qui ponctuèrent l’interminable règne.

Judi Dench ne masque rien des trahisons du corps, des atteintes de l’âge. Elle est la seule à mettre un peu de perversité

Judi Dench est formidable, aux deux sens du terme : sa Victoria, petite, obèse, goinfre, impatiente (elle mange si vite que les courtisans n’ont rien le temps d’avaler, puisque l’on dessert dès que la reine a fini son assiette) dépense le peu d’énergie qui lui reste à imposer sa royale volonté dans les quelques domaines que lui a laissés le passage à la monarchie constitutionnelle. Transformer un valet de pied en munshi (maître) relève de cet exercice. L’actrice ne masque rien des trahisons du corps, des atteintes de l’âge. Elle est la seule à mettre un peu de perversité dans cette histoire, suggérant qu’il y avait du caprice dans cette faveur accordée à un roturier indien.

Chronique mondaine

Stephen Frears se contente, lui, d’énoncer les données de la situation, d’esquisser ce qu’elle pourrait dire de l’impérialisme britannique, pour ensuite laisser son film suivre le cours d’une chronique mondaine. Les cérémonies, les royales migrations de Swansea à Balmoral, rien de ce qui peut faire plaisir aux amateurs de rites monarchiques, tout est livré en temps et en heure.

De la part de l’auteur d’un des films politiques (et monarchiques) les plus acérés de l’histoire du cinéma britannique, The Queen, on attendait un peu plus d’énergie, d’obstination à fouiller les contradictions d’une amitié qui s’est épanouie quarante ans après l’écrasement sanglant de la révolte des cipayes, cinquante ans avant l’indépendance de l’Inde. Cet antagonisme est ici traité avec le même optimisme enfantin que celui qui opposait le chien au renard dans Rox et Rouky.

CONFIDENT ROYAL / Bande-annonce officielle VF [Au cinéma le 4 Octobre]
Durée : 02:41

Film britannique de Stephen Frears. Avec Judi Dench, Ali Fazal, Eddie Izzard (1 h 52). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/confident-royal et www.focusfeatures.com/victoriaandabdul