Un compromis pour relancer le projet du canal Seine-Nord Europe
Un compromis pour relancer le projet du canal Seine-Nord Europe
LE MONDE ECONOMIE
Le gouvernement a proposé à la région un nouveau montage financier pour la réalisation de cette voie navigable d’une longueur de 107 kilomètres.
Xavier Bertrand, président (LR) de la région Hauts-de-Seine. / Stéphane Mahe/Reuters
Nouveau tournant, mardi 3 octobre, dans le dossier du projet du canal Seine-Nord Europe. A l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron dans sa ville natale, près de 500 personnes, essentiellement des élus, ont manifesté en faveur du canal devant le siège de région d’Amiens. Parallèlement, un compromis a été trouvé avec le gouvernement pour faire avancer cette Arlésienne.
Emmené par Xavier Bertrand, président (LR) de la région Hauts-de-France, le cortège d’écharpes tricolores a brandi des pancartes « Oui au canal » pour demander que soit enfin lancé ce projet de construction d’un canal à grand gabarit entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord). Cette infrastructure de 107 kilomètres de long est le maillon manquant entre la Seine et le réseau fluvial de l’Europe du Nord pour le transport de marchandises entre les pays du Benelux et la région parisienne.
Après les annonces successives du président Nicolas Sarkozy en 2011 puis de François Hollande en 2016, tout portait à croire que le chantier allait démarrer en 2017. Mais un nouveau coup d’arrêt a été porté au projet par Emmanuel Macron le 1er juillet. Pour le président de la République, l’état des finances de la France ne permet pas le lancement de nouvelles grosses infrastructures. La copie est à revoir.
« Déclaration de guerre contre la région »
Pendant l’été, les élus régionaux sont donc montés au créneau pour trouver un compromis avec l’exécutif. Le 15 septembre, M. Bertrand, fervent défenseur du canal Seine-Nord Europe, a lancé « l’appel de Péronne » : une opération politique et de communication qui a réuni dans cette ville de la Somme plus de 500 acteurs locaux, présidents des départements de la région, décideurs économiques, représentants des milieux agricole et portuaire, etc. Un coup de force pour montrer au gouvernement que la région ne lâchera pas ce projet, promesse de plus de 10 000 emplois pendant le chantier et plus de 30 000 ensuite. « A la mi-octobre, le gouvernement doit nous dire définitivement si c’est oui, déclarait alors Xavier Bertrand. Si c’est non, c’est une déclaration de guerre contre la région. »
M. Bertrand a donc provoqué, mardi 3 octobre, à Amiens un conseil de surveillance de la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) en présence du ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, et de la ministre des transports, Elisabeth Borne. Objectif de cette réunion : obtenir des garanties de l’Etat. Rappelons que sur les 4,5 milliards d’euros nécessaires à la réalisation du canal, l’Union européenne investit plus d’1,8 milliard d’euros, les collectivités 1 milliard, et l’Etat 1 milliard. A cela, il faut ajouter un emprunt de 780 millions d’euros.
La ministre des transports a accepté la régionalisation de la gouvernance de la société de projet, qui devient un établissement public local, même si l’Etat conservera une minorité de blocage. Lors de ce conseil de surveillance, M. Bertrand a été élu président de la SCSNE, succédant ainsi à l’ancien député socialiste Rémi Pauvros.
Emmanuel Macron se veut pour sa part rassurant
En plus de cette question de gouvernance, M. Darmanin a indiqué avoir « trouvé un compromis » avec la région pour le financement et l’emprunt, « qui sera garanti par les collectivités ». Pour démarrer le projet, tout en tenant compte des contraintes financières de la France, les collectivités territoriales ont en effet proposé de payer les premières années à la place de l’Etat, « sachant que l’Europe paye sur factures ». En échange, l’Etat a confirmé « le principe du financement d’un montant d’un milliard d’euros », a assuré M. Darmanin.
Comme pour le fonctionnement de la Société du Grand Paris, « il ne s’agira pas de crédits budgétaires mais de taxes affectées », dit-il. Lesquelles ? Mystère. « Je ne veux pas me faire imposer de nouvelles taxes car je ne veux pas pénaliser l’activité, a fait savoir hier soir M. Bertrand. Si l’Etat a en tête de remettre une éco-taxe pour bien tuer le transport routier et la logistique, c’est niet. »
Le président des Hauts-de-France attend désormais la confirmation du financement de l’Etat par écrit. « Tant qu’il n’y aura pas le premier coup de pioche et les premières péniches, on se posera toujours la question de savoir si c’est bon », a déclaré le président des Hauts-de-France. Emmanuel Macron se veut pour sa part rassurant : « Je crois que la décision qui a été prise est la bonne. C’est celle qui permet, de manière crédible et soutenable pour l’ensemble des collectivités publiques, de donner une visibilité à ce projet et d’avancer, sachant que nous avons jusqu’à mars 2018 pour finaliser tous les détails, les transmettre au niveau européen et sécuriser les financements européens. »