Un logo de l’application WhatsApp, très populaire dans le monde entier, et dont les communications sont chiffrées de bout en bout. / DADO RUVIC / REUTERS

Dans une lettre ouverte, publiée jeudi 5 octobre, quatre procureurs spéciaux chargés de la lutte antiterroriste en France, en Espagne, au Maroc et en Belgique critiquent le développement des technologies de chiffrement, qui, disent-ils, « fragilisent
considérablement
[leurs] enquêtes, parfois au point de les rendre impossibles ». Le procureur de la République de Paris, François Molins, chargé des enquêtes sur les principaux attentats ayant touché la France ces dernières années, est l’un des signataires du texte.

Ce n’est pas la première fois que des enquêteurs ou des procureurs estiment que le développement du chiffrement, utilisé par la quasi-totalité des services de communication en ligne, dont WhatsApp, limite leurs capacités. Le chiffrement dit « de bout en bout » permet de s’assurer que le contenu d’un message ne soit lisible que par le destinataire et l’auteur du message. Tous les intermédiaires, qu’il s’agisse du fournisseur d’accès, de l’éditeur de l’application ou d’une personne qui « écouterait » la ligne utilisée, sont dans l’incapacité de le déchiffrer.

Pas de solution technique

Si le chiffrement limite les capacités des services d’enquête, il constitue aussi un outil indispensable pour protéger les utilisateurs de très nombreux services en ligne. Ces dernières années, plusieurs responsables politiques européens et américains ont suggéré d’affaiblir volontairement les protocoles utilisés, pour permettre aux Etats de se ménager une « porte dérobée » permettant de déchiffrer les communications.

Cette idée fait consensus contre elle chez tous les spécialistes du chiffrement, qui rappellent que toute faille peut être découverte et exploitée par des acteurs mal intentionnés.

« L’affaiblissement des moyens de chiffrement (…) aurait sans aucun doute une efficacité très limitée sur l’infime minorité d’utilisateurs qui les utilisent pour cacher des desseins criminels », jugeait en septembre le Conseil national du numérique, qui conseille le gouvernement français sur les sujets numériques, dans un rapport très critique.

Les quatre procureurs spéciaux ayant signé le texte ne s’aventurent pas à proposer un affaiblissement à dessein du chiffrement. Mais ils ne proposent pas non plus de solution alternative.

« [Le développement du chiffrement] nous amène à unir nos voix pour que, d’une part, nos gouvernements consentent les investissements nécessaires pour permettre à nos services de sécurité de suivre ces évolutions et, de l’autre, que les autorités nationales et internationales se mobilisent et mettent les sociétés commerciales impliquées face à leurs responsabilités », écrivent les auteurs.

« Il est aussi indispensable, ajoutent-ils, que des accords clairs soient pris avec les pays concernés et que nos législations permettent à l’autorité judiciaire, moyennant de strictes garanties procédurales, d’avoir accès à ces données lorsque des vies sont en jeu, comme en matière de terrorisme. »