Le retour de Bertrand Cantat passe par « L’Angleterre »
Le retour de Bertrand Cantat passe par « L’Angleterre »
Par Stéphane Davet
Quatre ans après l’album « Horizons », le chanteur de Noir Désir revient avec un nouveau single, véritable brûlot politique, annonciateur d’un album solo.
Avec le groupe Detroit, Bertrand Cantat sur la scène du festival des Vieilles Charrues à Carhaix-Plouguer (Finistère) le 19 juillet 2014. | FRED TANNEAU / AFP
Ce matin du vendredi 6 octobre, Bertrand Cantat a mis en ligne L’Angleterre, le single signant son retour, 4 ans après être revenu à la chanson avec le groupe Détroit, avec lequel il avait sorti l’album Horizons (2013). Publié cette fois sous son nom, ce nouveau titre annonce un album solo (prévu début décembre), enregistré entre le Chili, l’Allemagne et la France, dans lequel on retrouvera plusieurs musiciens de Détroit (le bassiste Pascal Humbert, le réalisateur artistique et multi-instrumentiste Bruno Green).
Si, en 2013, la valse sombre de Droit dans le soleil, le premier single à annoncer Horizons, creusait une veine intimiste évoquant le remord et des fantômes liés au drame de Vilnius, L’Angleterre s’affirme comme un brûlot politique dénonçant l’égoïsme occidental – particulièrement celui de la Grande-Bretagne – face au drame des migrants attirés par un pseudo-Eldorado les condamnant, d’après Bertrand Cantat, à un esclavage moderne.
Si, à l’époque de Noir Désir, le chanteur revendiquait publiquement son engagement politique contre, par exemple, le Front National ou les méfaits du libéralisme, son alter-mondialisme ne s’exprimait jamais aussi littéralement dans ses textes que dans cette nouvelle chanson : « On dit que les temps ont changé/Ce n’est pas le cas des Anglais/I want my money back. »
Le Brexit et le drame des migrants stigmatisés
Evoquant le Brexit, les premiers mots du morceau donnent à L’Angleterre des faux airs de Miss Maggie, le tube de Renaud qui, en 1985, égratignait Margaret Thatcher. Une impression accentuée par une tournerie de guitare assez similaire à celle qui portait la chanson de Renaud, même si la six-cordes se distord ici dans un registre acide rappelant aussi les Américains des Pixies (période Where Is My Mind ?) ou les Anglais des Libertines.
Si l’insoumis bordelais stigmatise aussi le gouvernement français – « ça donne des idées aux Français/On a mieux que Theresa May/Et les vaches sont bien gardées » –, le morceau met surtout en scène des êtres humains dont les rêves de survie se brisent sur les frontières et l’indifférence (« Tu peux crever dans la jungle/On n’a rien à foutre de ta gueule/Tu vas rester planté là »).
Loin des ambiances de « road-movie » à l’américaine qui baignaient l’album de Détroit, la guitare acidulée de L’Angleterre se pare aussi de chœurs presque pop et d’arrangements de cordes contrastant avec le drame se jouant de la Méditerranée à la Manche. « Tu veux traverser le channel/Tu veux voir le bout du tunnel/C’est l’Angleterre, mon petit frère/Il n’y a rien à y faire », chante Bertrand Cantat, d’une façon que certains pourront juger un brin paternaliste.