Pollution : l’« impact limité » et mitigé de la fermeture de la voie sur berge à Paris
Pollution : l’« impact limité » et mitigé de la fermeture de la voie sur berge à Paris
Par Stéphane Mandard
Le rapport final d’Airparif sur la fermeture à la circulation de la voie Georges-Pompidou conclut à une amélioration de la qualité de l’air sur les quais au détriment de l’Est parisien.
Le périphérique parisien, le 21 septembre 2017. / CHARLES PLATIAU / REUTERS
Le rapport était très attendu. Et ses conclusions devraient continuer d’alimenter le débat entre ceux qui soutiennent la politique de la Ville de Paris de réduction de la place de la voiture dans la ville au nom des intérêts de santé publique et ses détracteurs qui critiquent la « méthode autoritaire » de sa maire, Anne Hidalgo, accusée de mener une guerre sans merci à la voiture.
Airparif, l’organisme indépendant chargé de surveiller la qualité de l’air en Ile-de-France doit publier, mercredi 11 octobre, le rapport définitif de sa campagne de suivi du projet le plus symbolique (et le plus critiqué) de la municipalité : la fermeture de la voie sur berge George-Pompidou, longue de 3,3 kilomètres sur la rive droite de la Seine. Et chaque camp trouvera dans l’étude, à laquelle Le Monde a eu accès, des arguments en sa faveur.
Ses résultats mettent en évidence « un impact sur les niveaux de dioxyde d’azote (NO2) qui reste limité aux abords des axes routiers ». Le NO2 est un gaz particulièrement toxique qui appartient à la famille des NOx (oxydes d’azote), rendus célèbres par le « dieselgate ». En Ile-de-France, 60 % des émissions de NOx sont issues du trafic routier et principalement des véhicules à moteur diesel.
Deux tendances contradictoires se dégagent du rapport :
- la première est une « amélioration globale de la qualité de l’air le long des quais » (jusqu’à – 25 %). La suppression totale de deux voies de circulation sur les quais bas compense les augmentations des quais hauts, dont le nombre de voies est resté identique. Toutefois, note Airparif qui a mené deux campagnes de mesures (une hivernale et une printanière), « malgré cette amélioration, les niveaux sont toujours supérieurs aux valeurs réglementaires », tout comme pour la majeure partie des axes de Paris et de la petite couronne ;
- la deuxième tendance est une « dégradation de la qualité de l’air marquée dans l’Est parisien », en sortie de la zone piétonne (jusqu’à + 15 %) : au niveau du quai Henri-IV puis le long du quai de Bercy. Cette dégradation est plus limitée (de + 1 % à + 5 %) aux carrefours des quais hauts dont la congestion s’est accrue, et sur les itinéraires de report comme le boulevard Saint-Germain.
« Légère baisse des niveaux de pollution chronique »
Dans son dernier bilan annuel, Airparif relevait une « légère baisse des niveaux de pollution chronique » en Ile-de-France pour 2016. Mais l’organisme note que les concentrations de NO2 et de PM10 restent « problématiques », avec « des dépassements importants des valeurs limites ». Ainsi, pour le NO2, plus de 1,4 million de Franciliens (contre 1,6 million en 2015) et près d’un Parisien sur deux sont toujours exposés à des niveaux qui ne respectent pas les normes européennes (40 µg/m3 en moyenne annuelle). A proximité du trafic, sur les axes les plus chargés, les moyennes sont mêmes deux fois supérieures à la limite fixée par Bruxelles.
Airparif fait le même constat pour les PM10 où les dépassements de la valeur limite journalière (trente-cinq jours supérieurs à 50 µg/m3 autorisés) concernent plus de 200 000 habitants de l’agglomération (contre 300 000 en 2015).
Une légère amélioration qui devrait conforter Anne Hidalgo dans ses choix d’autant qu’Airparif estime que l’extension de la zone à circulation restreinte (ZCR) à d’autres véhicules dans la capitale sur la base de la désormais fameuse vignette Crit’Air devrait logiquement renforcer ce mouvement.
Depuis le 1er juillet, en plus des véhicules (essence et diesel) de plus de 20 ans, ceux bénéficiant de la vignette Crit’Air 5 (les voitures diesel immatriculés avant 2001) n’ont plus le droit de circuler dans la capitale les jours de semaine entre 8 heures et 20 heures. Selon une étude prospective de l’organisme, cette restriction qui concerne désormais environ 3 % du parc automobile francilien va contribuer à baisser de 15 % les émissions d’oxydes d’azote de Paris et du boulevard périphérique issus du trafic routier et de 8 % pour les PM10. Une tendance qui devrait s’amplifier avec la prochaine interdiction des Crit’Air 4, à savoir les voitures diesel avant 2006.
Procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne
Si la politique d’Anne Hidalgo vis-à-vis de la voiture a subi les assauts du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, et du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui ont critiqué des « décisions unilatérales » ou sa « méthode autoritaire », elle a reçu le soutien de Nicolas Hulot. Le ministre de la transition écologique et solidaire avait réuni, lundi 9 octobre, les préfets des régions les plus exposées aux problèmes de pollution. La France est en effet dans le collimateur de Bruxelles pour ses dépassements répétés des valeurs limites pour le NO2 et les PM10. A l’instar de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de l’Italie, elle est visée par une procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 19 juillet, a enjoint au gouvernement de transmettre à la Commission avant le 31 mars 2018, un plan capable de ramener les concentrations en polluants sous les valeurs limites européennes.
C’est normalement l’objectif des plans de protection de l’atmosphère (PPA) que les préfets doivent mettre en branle dans chaque région. Le PPA d’Ile-de-France pour la période 2017-2020 est en cours de révision. Actuellement en phase de consultation publique, il a déjà reçu un avis défavorable de la région Ile-de-France et fait l’objet des critiques des associations de défense de l’environnement. Dans son scénario le plus optimiste, il n’envisage un respect des normes européennes qu’à l’horizon… 2025 et avertit déjà qu’au moins 200 000 Franciliens seront encore exposés à des « dépassements localisés » en PM10 et NO2 en 2020 près des principaux axes de circulation.