« Numéro Une » : la solitude d’une femme de pouvoir
« Numéro Une » : la solitude d’une femme de pouvoir
Par Thomas Sotinel
Emmanuelle Devos campe une candidate à la direction d’une entreprise du CAC 40 dans un récit foisonnant.
La matière de ce film aurait suffi à nourrir toute une série. Cette réflexion, venue à la sortie de la projection de Numéro Une, est confirmée par la lecture du dossier de presse. Tonie Marshall y raconte que son idée de faire un Borgen à la française, situé dans le milieu des affaires, n’a pas rencontré la faveur des chaînes françaises. Tant pis pour elles, tant pis aussi, hélas, pour Tonie Marshall.
Confinée dans les 110 minutes d’un long-métrage, l’épopée d’Emmanuelle Blachey (Emmanuelle Devos), cadre supérieure qui accepte à l’instigation d’un groupe de femmes de pouvoir, de se lancer à l’assaut de la direction d’une entreprise du CAC 40, bascule souvent du côté de la démonstration express plus que du récit à suspense. Cette précipitation faite d’arguments empilés sous forme de scènes, dont on ne doute pas qu’elles aient été empruntées à la réalité du monde des affaires à la Colbert (Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, a contribué au scénario), ne suffit pas à masquer le beau travail d’Emmanuelle Devos.
Humour et fragilité
Elle fait de son personnage une femme puissante, disposant d’atouts (finesse d’analyse, promptitude de décision, humour…) que ses pair(e)s et ses supérieurs lui envient ou, dans le cas des hommes, lui reprochent. Quant à la fragilité de cette grande patronne en devenir, que le scénario surligne souvent, Emmanuelle Devos la transforme – en bonne gestionnaire de ses propres ressources humaines – en piège dans lequel tombent ses adversaires.
On aurait aimé que ceux-ci fussent à sa hauteur : Richard Berry n’a aucun mal à faire croire à la muflerie de son personnage de pilier des cercles du pouvoir mais peine à convaincre en Machiavel des affaires pendant que le grand patron paternaliste que campe Jérôme Deschamps reste une silhouette. Benjamin Biolay, à qui échoit le rôle du traître qui ne cesse de se vendre au plus offrant, s’en tire mieux.
Les figures féminines sont, elles aussi, inégalement développées. On discerne mieux la communicante sans scrupule d’Anne Azoulay que la militante qu’incarne Suzanne Clément. C’est le sort de leurs personnages qui fait regretter le temps plus élastique de la série. Mais ce déséquilibre sert aussi à souligner la solitude du pouvoir, qu’il échoie aux femmes ou aux hommes.
NUMÉRO UNE, Bande annonce, sortie le 11-10-2017
Durée : 01:44
Film français de Tonie Marshall. Avec Emmanuelle Devos, Richard Berry, Francine Bergé, Suzanne Clément, Benjamin Biolay (1 h 50). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/pyramide-distribution-catalogue/numero-une.html