Prélèvement à la source : le report à 2019 conforté
Prélèvement à la source : le report à 2019 conforté
Par Audrey Tonnelier
Le coût de la réforme serait de 310 à 420 millions d’euros pour les entreprises, et non 1,2 milliard comme évoqué précédemment.
C’est l’un des nombreux différends entre l’ancienne majorité et l’actuel exécutif. Mais aussi une réforme fiscale qui, une fois appliquée, bouleversera le quotidien des contribuables français. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, voté pour début 2018 dans le cadre du dernier budget du quinquennat Hollande puis reporté d’un an, à 2019, après l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, semble gagner en consistance.
Mardi 10 octobre, le gouvernement a remis au Parlement trois rapports d’évaluation du dispositif. Le premier, réalisé par l’Inspection générale des finances (IGF) avec le cabinet d’audit Mazars, conclut que la réforme n’aurait pu être mise en œuvre au 1er janvier 2018 sans « un risque de défaillance élevé ».
Il répond surtout aux inquiétudes formulées par les entreprises et les contribuables quant aux écueils du dispositif. Le prélèvement à la source consiste pour l’employeur à prélever directement l’impôt sur le revenu au moment du versement du salaire du contribuable, sur la base d’un taux d’imposition calculé et transmis par l’administration fiscale. Il est censé permettre de mieux adapter le montant de l’impôt aux changements de situations (chômage, retraite, etc.) tout en garantissant un meilleur taux de recouvrement pour l’Etat.
Mais les chefs d’entreprise s’inquiétaient du coût et du poids administratif de la mesure, ainsi que de l’effet « psychologique » sur les salariés – la réforme revient à verser un salaire inférieur, puisque net d’impôts. Le gouvernement a préféré reporter la mesure à 2019, notamment afin que les effets des baisses de cotisations prévues en 2018 dans le programme d’Emmanuel Macron soient visibles sur la feuille de paie. Côté contribuables, la crainte portait sur la confidentialité des données manipulées par l’employeur.
« L’IGF estime que la charge financière [du dispositif] se situerait entre 310 et 420 millions d’euros pour les entreprises, et non 1,2 milliard (…) comme évoqué au début de l’été dans un rapport pour la délégation sénatoriale aux entreprises », note Bercy. Plus de 70 % du coût correspondrait au paramétrage des logiciels, à la formation des utilisateurs et à la communication auprès des salariés. « Cette charge peut être atténuée par un plan de communication adéquat de l’administration », est-il suggéré. Seul bémol : le coût deux à trois fois plus élevé pour les très petites entreprises gérant en interne leur paie, que pour les autres entreprises. « Le bilan entre les coûts et les avantages est positif », conclut toutefois le rapport, qui juge « suffisant » le dispositif prévu pour protéger la confidentialité des contribuables.
Le deuxième rapport, demandé par le Parlement, détaille les résultats de la phase d’expérimentation menée de juillet à septembre 2017, avec 600 entreprises, collecteurs publics et éditeurs de logiciels de paie. Ce test a « permis (…) de détecter des difficultés qui n’avaient pas été identifiées auparavant et de concevoir des solutions. Le report d’un an permet ainsi de préparer une entrée en vigueur dans des conditions sécurisées au 1er janvier 2019 », souligne Bercy.
Enfin, le troisième rapport remis mardi analyse les dispositifs alternatifs au prélèvement à la source pour en montrer les « limites ». Notamment le système dit de « mensualisation contemporaine » dans lequel le fisc, et non les entreprises, se chargerait du prélèvement sur le compte bancaire du salarié, qui paierait un impôt calculé sur le revenu du mois précédent. Une solution prônée par les associations patronales et l’opposition. Mais cela « confronterait toujours l’Etat à la question des comptes bancaires insuffisamment approvisionnés » et engendrerait un coût trop important pour celui-ci, estime le rapport.
« Je déposerai un amendement sur la mensualisation contemporaine lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale » en novembre, indique au Monde Eric Woerth (Les Républicains), le président de la commission des finances de l’Assemblée. De son coté, Albéric de Montgolfier (LR), rapporteur général de la commission des finances du Sénat, a déploré « le caractère inabouti et coûteux de la réforme » soulignant qu’elle « représente un coût d’au moins 140 millions d’euros pour l’administration fiscale ».
L’exécutif prévoit de « tirer les conséquences » de ces rapports, et des ajustements suggérés, dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en fin d’année.