Les Français ont pris conscience de la nécessité d’intégrer les migrants
Les Français ont pris conscience de la nécessité d’intégrer les migrants
Par Maryline Baumard
Une enquête de l’IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès montre que la crise migratoire n’est plus perçue comme temporaire.
Vivre avec la migration… Ce qui était perçu comme une crise ponctuelle en 2015, s’installe dans l’opinion publique comme un phénomène structurel, selon une enquête de l’IFOP commandée par la Fondation Jean-Jaurès et intitulée « Les Européens et la question des migrants ». Ses résultats devaient être présentés lors d’un débat sur les préjugés face aux migrants, au Musée national de l’histoire de l’immigration, à Paris, jeudi 12 octobre.
Les mêmes questions posées à intervalles réguliers, en France, à un panel représentatif de la population, sur deux années, permettent à Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP, d’observer comment la société a pris la mesure de ce changement. En 2015, 43 % des personnes interrogées estimaient que les arrivées qui avaient fait la « une » des journaux télévisés tout au long l’été sur les îles grecques allaient durer « un an ou deux ». En septembre 2017, ils sont 56 % à tabler sur « trois, quatre ans ou plus ».
« Si l’on y ajoute le fait que six Français sur dix répondent aujourd’hui que ces nouveaux venus vont rester, cette inscription du phénomène dans le temps conduit inévitablement à se poser la question de leur intégration », estime le politologue.
Et justement ! Intéressée de longue date par cette thématique, la Fondation Jean-Jaurès (et la Fondation Friedrich-Ebert en Allemagne) a demandé à l’IFOP d’ajouter de nouvelles questions pour « dégager des pistes permettant l’intégration », comme le résume Chloé Morin, directrice de l’Observatoire de l’opinion du think tank. Le sujet est d’autant plus important que les personnes interrogées font part d’un vrai doute sur la capacité de la France à intégrer, eu égard aux générations d’étrangers, ou de fils d’étrangers qu’elle a laissé grandir dans des ghettos urbains. « Sept sondés sur dix estiment que les personnes issues des vagues précédentes d’immigration sont mal intégrées dans la société française », révèle Jérôme Fourquet, qui observe au passage que ce taux n’a pas fluctué depuis deux ans.
Se familiariser avec notre culture
L’étude de l’IFOP montre également que 44 % des Français jugent urgente la mise en place de dispositifs efficaces pour que les migrants nouvellement arrivés apprennent rapidement la langue française. 42 % sont favorables, eux, à un dispositif permettant réellement de se familiariser avec notre culture.
La reconnaissance du diplôme d’origine est aussi jugée importante par 23 % des personnes sondées. Un levier que la Fondation sait difficile à manier, car, comme le rappelle l’IFOP, il faut en même temps rassurer les travailleurs français les moins diplômés qui craignent de voir les nouveaux venus prendre leur place sur le marché du travail. 48 % des ouvriers confient cette angoisse partagée également par 46 % des artisans.
Les études économiques qui montrent le peu de chevauchement des nouveaux venus sur les plates-bandes des nationaux, et celles qui rappellent que le marché du travail s’agrandit de fait quand la population augmente, ne trouvent pas un grand écho. Une partie de la population, massivement fragilisée par le chômage depuis des décennies, pense que l’étranger passe avant lui.
« Lien fait entre terrorisme et migration »
L’étude de l’IFOP montre d’ailleurs une très grande constance dans le temps. La ligne de démarcation entre les « pros » et les « anti »-migrants reste immuable. Entre septembre 2015 et septembre 2017, 63 % des personnes interrogées restent convaincues que « notre pays compte assez d’étrangers ». En parallèle, 56 % estiment aujourd’hui comme hier (54 %) de notre devoir d’accueillir les personnes qui fuient la guerre et la misère.
Plus globalement, « la représentation des migrants reste anxiogène en France », observe M. Fourquet qui constate que « le lien fait entre terrorisme et migration par 79 % des personnes sondées est antérieur aux attentats ». Le politologue qui avait mené sa première phase de son sondage avant les attentats du 13 novembre 2015 observait déjà que la population ne craignait pas seulement des petits actes de délinquances, mais aussi l’infiltration de terroristes dans les groupes entrants.