DJI propose un système de détection de ses drones
DJI propose un système de détection de ses drones
Par Jean-Michel Normand
Leadeuse mondiale, la firme chinoise commercialise un système permettant aux forces de police de repérer ses drones à proximité des zones sensibles
DJI
Une image chahutée - L’essor des drones a créé en retour une demande, émergente mais insistante : la possibilité de les détecter. La réglementation française, qui sera mise en place dans les prochains mois, prévoit, comme les futures normes européennes, que chaque appareil devra disposer d’une immatriculation sous forme de signature électronique. En parallèle, les zones sensibles, situées autour des aéroports, des centrales nucléaires ou des grandes manifestations publiques, commencent à s’équiper de systèmes de détection sophistiqués. Numéro un mondial des drones de loisir, le chinois DJI veut occuper ce terrain en proposant aux pouvoirs publics un équipement capable de repérer ses propres drones, AeroScope, dévoilé le 12 octobre à Bruxelles. Un moyen d’élargir son activité, mais aussi de veiller à son image, quelque peu chahutée ces derniers mois, de firme respectueuse des données sensibles.
Deux tiers du marché mondial - AeroScope est un système de repérage limité, pour l’instant, aux drones DJI. La firme de Shenzhen détenant entre 60 et 65 % du marché des appareils de loisir, cela constitue une base non négligeable. En outre, cette fonctionnalité, qui permet d’identifier – mais pas de neutraliser – un aéronef, ne réclame aucune mise à jour de la part du pilote. AeroScope est un récepteur, disponible en mode mobile (une valise de taille moyenne) ou fixe, capable de repérer – « jusqu’à une distance de 5 km », assurent ses concepteurs – un petit drone, en identifiant la liaison wifi qui le relie à la radiocommande du pilote. Une fois localisé, l’écran de l’AeroScope reçoit des données de télémétrie du drone : la position GPS, l’altitude, la vitesse, mais aussi le numéro de série de l’engin ainsi que sa direction et l’endroit d’où il a décollé. Ultérieurement, il sera possible d’intégrer un éventuel numéro d’immatriculation, rendu obligatoire par la réglementation. « Nous avons utilisé la technologie existante pour mettre au point un outil accessible et en aucun cas intrusif », fait valoir Vincent Richir, chargé des relations de DJI avec les pouvoirs publics pour la France et l’Europe du Sud. Impossible, selon lui, de neutraliser l’envoi de données vers l’AeroScope sans interrompre la liaison entre la radiocommande et le drone.
Avec ces couleurs, le Phantom 4 de DJI est facilement repérable... / DJI
Deux aéroports en test - DJI, qui ne donne pas d’indication sur le prix de l’équipement (qui devra, pour être diffusé à une large échelle, être bien moins cher que les détecteurs sophistiqués, dérivés des radars militaires), indique seulement qu’il sera disponible dans les prochaines semaines. Outre les aéroports – deux sont actuellement en phase de test – AeroScope est destiné à la police, par exemple pour assurer la surveillance d’un événement, ou encore aux prisons, afin de détecter l’approche de drones suspects. L’enjeu, désormais, est de convaincre la concurrence – Parrot, Yuneec, GoPro… – d’intégrer une signature wifi compatible (DJI se déclare disposé à « ouvrir son protocole ») pour rendre ses drones identifiables. En revanche, ce sera plus difficile pour les quadricoptères « faits maison » par des amateurs éclairés. « Afin de protéger la vie privée des consommateurs, l’AeroScope ne transmettra pas automatiquement de données personnelles identifiables avant que la réglementation l’impose », précise DJI.
Les militaires - ici un représentant des forces lybiennes alliées avec les puissances occidentales - utilisent de plus en plus les drones DJI. / GORAN TOMASEVIC / REUTERS
Les doutes de l’US Army – Les risques de piratage, assure aussi le numéro un mondial, sont très limités, car l’AeroScope n’exige pas de liaison internet. Depuis quelque temps, ce sujet est particulièrement sensible chez DJI. En mai 2016, l’un de ses porte-parole avait indiqué à Bloomberg que la société était disposée à transmettre aux autorités chinoises – si celles-ci lui en faisaient la demande – les données de vol (localisations, photos, vidéos) d’utilisateurs situés à Hong Kong. En août 2017, une autre polémique a surgi lorsque le site américain Suas News a rendu publique une circulaire interne de l’armée américaine. Celle-ci donnait pour consigne « de cesser toute utilisation et de désinstaller les applications DJI, de retirer les batteries et les unités de stockage des appareils ». Une décision imposée par « la prise de conscience des vulnérabilités des produits DJI aux cyberattaques », selon la note de l’US Army, qui a depuis confirmé cette décision.
Cybersiphonnage – La question centrale porte sur l’accessibilité des données enregistrées lorsque l’on fait voler les drones de la marque chinoise, connectés à internet par l’intermédiaire de l’application DJI GO 4. Le pilote peut, de son plein gré, transmettre ses données de vol et même ses images ou ses vidéos en utilisant le réseau social SkyPixel. Certains experts redoutent cependant que ces données puissent être « siphonnées » sans l’accord du pilote. Un risque pour les particuliers, mais plus encore pour les nombreux utilisateurs professionnels (y compris militaires, dont l’armée française) qui ont entrepris ces dernières années de recourir à des drones DJI pour réaliser des missions d’inspection ou de reconnaissance. « On peut détourner un flux de données qui transite pas une application. Or, les constructeurs chinois de drones n’utilisent pas de logiciels en open source et il existe un doute sur la transparence de leur système d’exploitation », assure le dirigeant d’une entreprise européenne habituée à faire voler des drones pour les administrations.
Un mode sans Internet – Même si rien, jusqu’alors, n’est venu étayer ces craintes, les dirigeants de DJI ont décidé de réagir sans tarder. Quelques jours avant de présenter AeroScope, ils annonçaient la sortie d’un mode « Local Data » permettant d’interrompre la connexion internet de l‘application DJI GO 4 afin de garantir qu’aucune donnée ne quitte le drone ou la tablette utilisée pour le faire voler. Quitte à se priver de certaines informations, comme les restrictions locales de vol. Cet attirail électronique, dont nul ne peut assurer qu’il sera complètement efficace – notamment contre les drones volant en mode programmé –, permet aussi à DJI de prendre les devants en attendant l’entrée en application de dispositifs d’immatriculation et d’identification qui seront prochainement imposés aux utilisateurs de drones de loisir.