On a testé… « The Evil Within 2 », le bel air de la peur
On a testé… « The Evil Within 2 », le bel air de la peur
Par Corentin Lamy
Le nouveau jeu d’horreur du créateur de « Resident Evil » n’est peut-être pas son titre le plus angoissant, mais propose une série de tableaux aussi gores qu’esthétisants.
Si l’appareil photo observe le joueur, c’est par les développeurs que le joueur, lui, se sent épié. / Bethesda
On ne peut pas reprocher au Japonais Shinji Mikami de s’être reposé sur ses lauriers. Créateur dans les années 1990 des séries horrifiques Dino Crisis et surtout Resident Evil, il a pris sur lui, en 2005, d’amener le plus célèbre des jeux de zombies vers l’action avec Resident Evil 4. Un sillon qu’il n’a ensuite cessé de creuser, toujours plus profondément, avec God Hand puis Vanquish.
Et puis, il y a eu la création de son studio Tango Gameworks, sous l’égide de l’éditeur américain Bethesda. L’homme en avait fini, en apparence du moins, avec les expérimentations : son jeu suivant a été un retour aux sources, une sorte de nouveau Resident Evil 4, entre horreur hyper-référencée et action parcimonieuse.
The Evil Within – c’est son nom – se voit aujourd’hui doté d’une suite, disponible depuis vendredi 13 octobre sur PC, PlayStation 4 et Xbox One.
THE EVIL WITHIN 2 Gameplay Trailer (2017)
Durée : 03:41
Dans The Evil Within 2, Sebastian Castellanos n’en a pas terminé avec les ennuis. Trois ans après les événements de Beacon, hôpital cauchemardesque dans lequel il a failli perdre la raison et la vie, l’ex-flic, après avoir trouvé refuge dans un rade glauque, est en train de perdre pied au fond de son verre.
C’est le moment que choisit une ancienne collègue pour le retrouver. Evidemment, elle a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que la fille de Castellanos, qu’il croyait morte, est bien en vie. La mauvaise, c’est qu’elle a disparu au cœur d’un « STEM ». Pour notre policier mal rasé, pas vraiment le choix : il faut replonger au cœur de cette machine diabolique, capable de connecter entre eux les esprits (et les cauchemars) de plusieurs cobayes déjà passablement cabossés du bulbe.
Créatures impossibles
Voilà pour le pitch. Le STEM, on l’aura deviné, c’est autant une machine un peu magique qu’un dispositif narratif définitivement pratique. Comme dans le premier épisode, c’est le prétexte parfait pour explorer les divers territoires de la peur. Dans la réalité virtuelle dégénérée qu’il renferme se cachent en effet les traumatismes, les souffrances de ceux qui y sont connectés – soit autant de raisons de s’accrocher fermement à sa manette.
Comme le premier épisode, The Evil Within 2 est un jeu un peu foutraque, qui ne craint pas de faire se côtoyer phase d’action volontairement compliquée, où un héros un peu lourdaud tente de venir à bout de créatures impossibles, et des moments d’infiltration pure, course-poursuite renversée et ralentie durant lesquels il faut se faufiler hors de portée des ombres qui rôdent.
Des corps rapiécés, des membres surnuméraires, des cheveux longs qui cachent les yeux : autant de classiques du cinéma d’horreur. / Bethesda
Surtout, The Evil Within 2 multiplie les idées de mise en scène plutôt bien vues. On croisera, pêle-mêle, des personnages statufiés, scènes d’horreur figées pour l’éternité ; des monstres gigantesques qui occupent tout le décor, se confondant avec lui ; des fragments de villes volants dans les cieux ; des cadavres rapiécés traînants à terre. Et tout un cortège d’hallucinations, de visions apocalyptiques, de perspectives trompeuses, de couloirs qui disparaissent, et de bonnes vieilles portes qui claquent. Des classiques de l’horreur, rarement inédits, mais distillés avec un sens certain de la mise en scène.
Des séquences plus ouvertes
Comme dans son prédécesseur, il y a donc un peu de tout dans The Evil Within 2. Alors, pour prévenir le risque de dispersion, les développeurs ont eu une idée pas idiote : agencer ces vignettes non plus, comme dans le premier épisode, à la façon d’un grand huit, mais plutôt comme une ville fantôme. Et sévèrement hantée.
La ville d’Union est ainsi une petite bourgade typiquement américaine, avec son hôtel de ville, son dinner, son théâtre, ses entrepôts et ses quartiers résidentiels - si l’on oublie les corps mutilés de ses habitants devenus fous qui errent encore dans les rues.
Un destin capricieux et des développeurs facétieux vont évidemment imposer à Sebastian Castellanos de multiples allers-retours dans ses ruelles sombres, lui ouvrant progressivement la voie vers de nouveaux quartiers. L’idée : donner, entre chaque mission, l’occasion au joueur de se décrasser un peu en se confrontant à des séquences d’infiltration plus ouvertes, et d’action plus musclée.
Le premier adversaire de Sebastian se pique d’être un artiste. / Bethesda
Surtout, c’est l’occasion de faire dérailler un peu le train fantôme, en s’aventurant dans un garage mal fermé, en poussant une porte entrouverte. Il serait exagéré de dire que chaque maison réserve son lourd secret, mais l’on est surpris de la constance avec laquelle les volets des bicoques de The Evil Within 2 dissimulent de petits bouts d’histoire inédits, des flash-back angoissants, voire de véritables petits donjons avec monstres à affronter et surprises à la clé.
Horreur luxueuse
Passé à la moulinette Bethesda (Fallout, Skyrim), The Evil Within 2 est probablement le jeu récent qui se rapproche le plus d’un « survival horror » en monde ouvert. Un exercice délicat, à l’exécution globalement élégante mais pas non plus parfaite. Car en se décloisonnant, le jeu de Tango Gameworks semble renoncer à se faire oppressant, suffocant.
Le malaise n’est pas loin, certes, mais ne s’impose jamais totalement. Et au final, c’est moins comme un survivant ou un père errant à la frontière de la folie qu’on le parcourt, que comme un esthète du gore, un appréciateur de l’art de l’horreur.
Inventifs, ingénieux, luxueux même, ces sombres tableaux transportent plus qu’ils n’effraient, et c’est presque une jubilation retenue que l’on éprouve à visiter cette galerie sanguinolente à ciel ouvert.
L’avis de Pixels
On a aimé :
- Les missions principales variées et les tableaux gore qu’elles présentent
- Les balades en ville entre deux chapitres, et les surprises qu’elles réservent
- Des combats qui marchent bien, des phases d’infiltration où rien n’est pardonné
On n’a pas aimé :
- Presque un peu foutraque
- Deux chapitres d’introduction assez linéaires et un peu en deçà
C’est plutôt pour vous si…
- Vous cherchez une expérience autant horrifique qu’esthétisante
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Vous vous attendez à sauter de votre chaise toutes les trente secondes
La note de Pixels
4 litres de sang sur 5