Avis de cyclone sur Mayotte
Avis de cyclone sur Mayotte
Par Alain Beuve-Méry
Dans le documentaire « Mayotte : la dernière colonie ? » Anne-Charlotte Gourraud rend compte de l’extrême tension sociale qui règne sur l’île de l’océan Indien et dresse le constat de la légèreté de l’action publique, explique dans sa chronique télévisuelle le journaliste Alain Beuve-Méry.
« On ne sait pas forcément quand, ni comment l’explosion aura lieu à Mayotte, la plus grande île des Comores » (Taudis à Kaweni en 2015, agglomération attachée à Mamoudzou). / ORNELLA LAMBERTI / AFP
Replay. Ce ne sera pas la faute d’Emmanuel Macron. Quoique. Après avoir vu l’excellent documentaire d’Anne-Charlotte Gourraud, Mayotte la dernière colonie ?, diffusé lundi soir sur LCP, on en sort avec une conviction : là-bas, c’est le « bordel », comme dirait le président, mais là-bas, c’est aussi la France, mieux c’est depuis 2011, le 101e département de la République.
On ne sait pas forcément quand, ni comment l’explosion aura lieu à Mayotte, la plus grande île des Comores qui a voté en 1974 pour rester française, mais au vu de l’exposé, on se dit que le gouvernement n’échappera pas avant la fin de la législature, à une déflagration majeure, liée aux conditions de vie des Comoriens qui cherchent à quitter leurs îles et à l’absence de moyens de l’Etat pour y faire face. Car si Mayotte est le département le plus pauvre de France, le niveau de vie des Mahorais est dix fois supérieur à celui des îles avoisinantes.
En juin, alors qu’il se trouvait dans le Morbihan, Emmanuel Macron, déjà drapé dans ses habits présidentiels plaisantait au sujet des « kwassa-kwassa », les petites embarcations utilisées par les migrants pour rallier Mayotte. Sidération générale. « Il y a des tapouilles et des kwassa-kwassa », lui expliquait en aparté un officiel. « Ah non, c’est à Mayotte le kwassa-kwassa. Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent », avait répondu du tac au tac Emmanuel Macron. Une plaisanterie plutôt macabre : de 7 000 à 10 000 Comoriens se sont déjà noyés depuis 1995 après avoir embarqué sur ces frêles esquifs.
40 % de la population en situation irrégulière
Depuis, Emmanuel Macron s’est excusé. Un exemple suffisamment rare pour être relevé. Il n’empêche : les gaffes du président de la République commencent à intriguer. Sont-elles, chez lui, une habitude familière ? Traduisent-elles une propension naturelle du chef de l’Etat à la dent dure ? Expriment-elles son goût pour les « discours de vérité » ainsi qu’il l’a expliqué lors de son interview, dimanche 15 octobre sur TF1 ? Ou peut-être, disent-elles tout simplement qu’en politique, comme dans la banque d’affaires – les deux expériences professionnelles d’Emmanuel Macron –, mieux vaut être l’agresseur que l’agressé, attaquer plutôt que chercher à se défendre.
Pendant ce temps-là, sur l’île de Mayotte, où 40 % de la population vit en situation irrégulière – l’équivalent de 25 millions de réfugiés en métropole –, l’agressé prend le visage d’un Comorien, arrêté par la police et filmé par Anne-Charlotte Gourraud. « Pourquoi vous nous chassez ? On n’a rien fait de mal », demande-t-il.
Il s’agit de sa troisième expulsion, mais il explique qu’il reviendra une quatrième fois pour chercher du travail. Pas d’autre choix.
« Mayotte la dernière colonie ? », sur LCP. Rediffusion les dimanche 22 octobre et samedi 28 octobre.