Glyphosate : les Etats européens doivent se prononcer sur sa ré-homologation
Glyphosate : les Etats européens doivent se prononcer sur sa ré-homologation
Par Service planète
Les Etats membres doivent dire, mercredi, s’ils renouvellent la licence d’utilisation de l’herbicide. Mardi, la Commission européenne avait revu à la baisse la durée de son autorisation.
Le comité européen chargé d’examiner le dossier du glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au monde, se réunit mercredi 25 octobre dans la matinée, à Bruxelles. A l’ordre du jour de cette réunion rassemblant des représentants de chacun des Etats membres de l’Union européenne (UE) : une proposition de la Commission européenne pour renouveler l’autorisation d’utilisation de l’herbicide, principe actif du Roundup, marque du groupe américain Monsanto. Mais le sujet divise fortement les Européens.
Mardi, les députés européens ont voté une résolution, non contraignante, demandant la fin progressive du glyphosate d’ici à cinq ans, ainsi qu’une interdiction dès le 15 décembre des usages non professionnels et des usages dans les jardins publics. Quelques heures plus tard, l’exécutif européen a revu ses projets.
Le point de la situation en quelques questions.
Pourquoi la question se pose-t-elle maintenant ?
La licence européenne d’utilisation du glyphosate expire le 15 décembre. Il reste donc très peu de temps à la Commission européenne et aux différents pays européens pour s’entendre.
Que propose la Commission européenne ?
Jusqu’alors, Bruxelles proposait de renouveler, pour une durée de dix ans, la licence d’utilisation du glyphosate. Mais, mardi, le porte-parole de l’institution, Margaritis Schinas, a annoncé, lors d’une conférence de presse à Strasbourg, que la Commission compte proposer mercredi une ré-homologation pour une durée de cinq à sept ans.
Pourquoi la Commission a-t-elle revu à la baisse sa proposition ?
Bruxelles veut se donner les moyens d’obtenir un vote favorable de la part des représentants des Etats membres lors du comité programmé mercredi. Pour faire accepter sa proposition, la Commission a en effet besoin d’une majorité qualifiée, c’est-à-dire que 55 % des Etats, représentant 65 % de la population de l’UE, qui la soutienne.
Or la France et l’Allemagne, à elles deux, risquaient de faire échouer la précédente proposition de Bruxelles. Seuls les Pays-Bas et le Danemark avaient annoncé qu’ils voteraient pour les dix ans, l’Autriche et l’Italie se prononçant contre.
Quelle est la position de la France ?
En France, l’arbitrage entre le ministère de la transition écologique et solidaire et celui de l’agriculture et de l’alimentation s’est longtemps fait attendre. Nicolas Hulot souhaitait une réautorisation pour trois années au maximum, quand son collègue, Stéphane Travert, demandait une remise en selle du produit pour cinq à sept années. Matignon s’était fermement engagé à ne pas voter un renouvellement pour une autre décennie, sans plus de précision de durée acceptable.
« Je ne lâche pas l’affaire, tout se fera dans la période du quinquennat, j’essaye d’élaborer une stratégie de sortie dans un temps court, confiait, il y a quelques jours, le ministre de la transition écologique. Le contexte rend le sujet incontournable et son traitement tout autant. Plus personne ne peut esquiver. »
Que disent les études scientifiques ?
En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence des Nations unies, a conclu que le glyphosate était mutagène (qui endommage l’ADN), cancérogène pour l’animal et probablement cancérogène pour l’homme.
Mais en novembre, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est parvenue à la conclusion inverse. Et celle-ci a été confirmée au début de l’année par l’Agence des produits chimiques. Or c’est sur ces deux opinions que la Commission fonde sa proposition d’un point de vue légal.
Cette discorde scientifique autour du glyphosate entre les agences européennes et le CIRC a ouvert une crise de confiance dans l’expertise actuellement pratiquée en Europe. Certains parlementaires européens ont mis en cause les modalités de cette expertise.
Lors de son audition au Parlement européen, le 11 octobre, le responsable de l’évaluation des pesticides à l’EFSA, José Tarazona, a expliqué aux élus que les agences s’en remettent de manière routinière aux analyses des industriels pour rédiger leurs rapports officiels d’évaluation des risques.
Que proposent les députés européens ?
Les députés européens tentent d’avoir voix au chapitre. Après l’organisation d’une audition publique sur « Les “Monsanto papers” et le glyphosate », qui a fait salle comble le 11 octobre au Parlement de Strasbourg, la création d’une commission d’enquête est désormais en discussion.
Dans leur résolution adoptée mardi 24 octobre, les élus réclament aussi une réforme de l’évaluation européenne des pesticides. Ils demandent que les agences réglementaires prennent leurs décisions d’autoriser ou non les « produits phytosanitaires » uniquement sur la base d’études scientifiques revues par les pairs et publiées dans les revues, ou d’études indépendantes commanditées par les autorités.
Lors de la réunion des ministres de l’environnement de l’UE qui s’est tenue à Luxembourg le 13 octobre, Nicolas Hulot a demandé à la Commission de faire des propositions pour mieux protéger les Européens face aux pollutions chimiques diffuses (pesticides, perturbateurs endocriniens, etc.). Il a surtout demandé à Bruxelles de réformer les agences d’expertise européennes.
L’opinion publique européenne est-elle sensibilisée sur ce dossier des pesticides ?
Une initiative citoyenne, signée par plus d’un million de personnes et demandant à l’exécutif européen de proposer « une interdiction du glyphosate, de réformer la procédure d’approbation des pesticides et de fixer à l’échelle de l’UE des objectifs obligatoires de réduction de l’utilisation des pesticides », a été remise et enregistrée par la Commission le 6 octobre.
Que se passera-t-il si aucun accord n’est trouvé mercredi ?
La Commission pourrait encore proposer un ultime texte à un comité d’appel constitué de représentants des Etats membres dans un délai d’un mois. Mais elle peut aussi décider… de jeter l’éponge.
Cette éventualité ouvrirait la voie à une plainte de Monsanto, un « recours en carence », auprès de la Cour de justice de l’UE. Cette procédure est prévue dans les cas où une institution européenne n’a pas pris de décision dans les délais impartis par la loi. La firme américaine a explicité sa menace en mai.