« Daniel Dezeuze bat en brèche la notion de tableau classique »
« Daniel Dezeuze bat en brèche la notion de tableau classique »
Propos recueillis par Claire Gilly
Selon Sophie Bernard, l’une des commissaires de « Daniel Dezeuze - une rétrospective ». L’exposition, qui ouvre au public vendredi 27 octobre, se tient au musée de Grenoble jusqu’au 28 janvier.
Sophie Bernard au musée de Grenoble lors de l’inauguration de la rétrospective consacrée à Daniel Dezeuze, le 27 octobre 2017. / Jean-Luc Lacroix
Le musée de Grenoble présente, jusqu’au 28 janvier 2018, les œuvres de Daniel Dezeuze, chef de file du mouvement Supports/Surfaces et figure marquante de l’art contemporain. Intitulée « Daniel Dezeuze - une rétrospective », cette exposition d’envergure rend compte de près de cinquante ans de création. Interview de Sophie Bernard, l’une des commissaires de l’exposition.
Une rétrospective Daniel Dezeuze à Grenoble
En quoi le mouvement Supports/Surfaces, et l’œuvre de Daniel Dezeuze en particulier, ont-ils influencé l’art contemporain ?
Chez Daniel Dezeuze, la soif d’absolu et de liberté ; de Supports/Surfaces, le caractère utopique du mouvement, la réflexion sur la peinture et ses constituants comme l’intérêt porté aux matériaux quotidiens et modestes, le décloisonnement des médias (peinture, sculpture, dessin), le sens de l’épure et du retrait ont influencé certaines démarches contemporaines comme nombre de mouvements nés dans les années 1960, du Nouveau Réalisme à l’Arte Povera.
Membre fondateur en 1970 de Supports/Surfaces, Daniel Dezeuze pose, avec le groupe, la question du devenir de la peinture…
Avec les membres du groupe, dans une perspective matérialiste, nourrie par la pensée structuraliste et le matérialisme dialectique, dans le contexte de mai 68, Dezeuze bat en brèche la notion de tableau classique.
Les membres de Supports/Surfaces s’attachent à sa mise à nu, à la mise en valeur de ses constituants : la toile, le châssis, la couleur. Défendus par le critique Marcelin Pleynet, ils annoncent en quelque sorte la mort du tableau de chevalet.
A Nîmes, regard sur les origines du groupe Supports/Surfaces
Mais pour eux, comme l’affirme Daniel Dezeuze, « la déconstruction ne veut pas dire un système définitivement clos, mais un questionnement. […] Elle ouvre un espace possible avec les autres disciplines : philosophie, politique, littérature, ethnologie, etc. ».
Il s’agit pour Dezeuze et ses compagnons de subvertir le système des Beaux-Arts et d’interroger des siècles d’histoire de la peinture.
Toute l’œuvre de Daniel Dezeuze depuis les années 1960-1970 jusqu’à aujourd’hui revient sur l’analyse de la peinture, son essence, dans un ensemble de séries emblématiques (Châssis, Treillis, Peintures sur panneaux extensibles, Peintures sur chevalet).
Les années 1980 et 1990 marquent un tournant important dans ses recherches, avec notamment certains modes de création liés à l’univers des jardins et des forêts. S’agit-il d’une rupture ou d’une continuité ?
L’œuvre de Daniel Dezeuze est volontiers prospective, où la répétition n’est jamais retour du même. Son travail agit par cycles. Au retour à la matière des années 1980 (Portes, Armes, etc.) – après l’« allégement de la peinture » privilégié dans les années 1960-1970 –, succède dans les années 1990 une attention portée à la nature, avec les Objets de cueillette et le cycle de la Vie amoureuse des plantes.
Cette symbiose avec la nature était en germe au temps de Supports/Surfaces (exposition dans la nature, hors du musée des Treillis), se poursuit avec ces cycles poétiques renvoyant aux pratiques des « gens de peu » dans les campagnes (série des Réceptacles et Objets de cueillette) et innerve les ensembles de dessins de la Vie amoureuse des plantes (fruit de l’observation attentive de la flore et de la faune de son jardin) et des graciles Papillons des années 2000.