La chorale de « helpers », les Unsung Heroes, apparaît dans le documentaire de la réalisatrice britannique. / Joanna Bowers

À Hongkong, près d’un foyer sur sept dispose des services d’une helper, une employée qui vit à domicile. Pour la plupart philippines ou indonésiennes, elles forment une communauté d’environ 350 000 personnes, soit 5 % de la population totale. Leur rôle est aussi flou que leurs horaires de travail : courses, lessive, repassage et ménage, garde des enfants, promenade des chiens… Malgré ce rôle pilier au cœur même des familles, les helpers de Hongkong sont considérées comme des citoyennes de seconde classe et sont souvent exploitées : travail forcé, torture, physique ou morale, endettement usurier… Les voilà sujets d’un documentaire, sorti en salle le 12 octobre.

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Davantage que la description des abus dont elles sont victimes, la réalisatrice britannique Joanna Bowers a voulu, dans The Helper, mettre en valeur le sacrifice « héroïque » que concèdent ces femmes. Les helpers ont souvent en commun d’avoir laissé derrière elles leurs jeunes enfants, parfois même leur nourrisson. Elles ont renoncé à les voir grandir pour pouvoir leur envoyer de l’argent.

Le vrai visage des domestiques

Le choix est cruel, et part du principe que l’argent envoyé vaut mieux que la présence maternelle. Les enfants restés aux Philippines partagent rarement cet avis. Mais, face à la caméra de Joanna Bowers, les mères assument cette douloureuse décision, qui les mine, malgré tout, chaque jour. « On peut me reprocher d’éluder tous les abus et les manquements du cadre juridique de Hongkong. Mais mon but avec ce film était avant tout de montrer aux Hongkongais le vrai visage de ces femmes avec qui ils vivent mais que, souvent, ils connaissent mal », indique Joanna Bowers.

Le documentaire raconte plusieurs histoires qui s’imbriquent. À commencer par l’épique et émouvante préparation de la chorale des Unsung Heroes (« les héroïnes anonymes »), sélectionnée pour participer au grand festival de musique de Hongkong, Clockenflap. Le jour J, les helpers chantent à pleins poumons et le cœur serré un chant composé spécialement pour elles : « J’aimerais pouvoir te mettre au lit ce soir ». À quelques jours du concert, l’une des choristes apprend que sa fille de 5 ans a été agressée sexuellement par un voisin…

Séances à guichets fermés

Le film présente aussi l’histoire de Liza Avelino, arrivée à Hongkong il y a près de vingt ans. On voit d’abord cette femme cuisinant des scones avec les enfants d’expatriés anglo-saxons, puis on la retrouve dans l’Himalaya. En arpentant les collines de Hongkong avec un groupe de randonneuses, elle s’est découvert une passion pour l’alpinisme. Après un entraînement intensif et une tentative avortée, elle a réussi à atteindre Island Peak, à 6 189 mètres, au Népal. Elle voudrait que son exemple inspire les autres helpers. « J’ai parcouru un long chemin depuis que je suis arrivée ici, il y a dix-neuf ans, timide et soumise. Maintenant, je voudrais que les autres employées comprennent que c’est à chacune de s’imposer comme simple être humain, sur une base égalitaire. Notre travail n’est qu’un travail. Il ne nous définit pas. » Elle doit bientôt donner une conférence TED en direct et devant plusieurs centaines de personnes.

Les vingt premières séances de The Helper se sont tenues à guichets fermés dans la grande salle du cinéma AMC de Pacific Place, un centre commercial de grand luxe dans le quartier d’Admiralty. Cinquante et un pour cent des recettes du box-office iront à trois associations de soutien aux employées de maison de Hongkong. Et sur la page Facebook du film a démarré une campagne « Thanks a million », « simplement pour dire aux helpers que les Hongkongais leur sont reconnaissants ».

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