Interférence russe dans l’élection américaine : Facebook, Google et Twitter entendus au Sénat
Interférence russe dans l’élection américaine : Facebook, Google et Twitter entendus au Sénat
Par Morgane Tual
Les trois géants du Web seront notamment interrogés mardi et mercredi sur des publicités soupçonnées d’avoir été financées par la Russie pour influencer l’opinion publique.
Facebook et Twitter ont repéré des milliers de publicités politiques sur leurs plateformes, soupçonnées d’avoir été financées par la Russie. / DADO RUVIC / REUTERS
La Russie a-t-elle exploité les grandes plateformes du Web pour influencer l’opinion publique durant la présidentielle américaine ? Des représentants de Google, Facebook et Twitter doivent être entendus à ce sujet, mardi 31 octobre et mercredi 1er novembre, devant plusieurs commissions du Sénat américain et de la Chambre des représentants.
Depuis plusieurs semaines, le Congrès américain et un procureur spécial enquêtent sur une possible ingérence russe dans la dernière élection présidentielle américaine, qui aurait favorisé une victoire de Donald Trump. Parmi les moyens que la Russie est soupçonnée d’avoir mis en œuvre, l’usage des réseaux sociaux pour diffuser des messages visant à aiguiser les tensions au sein de la société américaine.
Des estimations revues à la hausse
Les tentatives de manipulation politique par des intérêts liés à Moscou sur les réseaux sociaux ont été beaucoup plus vastes qu’initialement estimé. Selon plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, Facebook devrait dévoiler mardi que jusqu’à 126 millions d’utilisateurs américains du réseau social ont pu visionner l’an passé des contenus mis en ligne par des intérêts russes dans le but d’influer les élections américaines. En septembre, le groupe a annoncé avoir identifié 3 000 publicités diffusées sur son site en 2016, vues par 10 millions d’internautes américains. Ces publicités avaient pour particularité d’évoquer des sujets très polémiques aux Etats-Unis comme l’accueil des réfugiés, le mouvement Black Lives Matter, le port d’armes, l’islam ou les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre). Certaines publicités visaient aussi directement Hillary Clinton, l’adversaire de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche.
Ces campagnes ont été achetées pour un total de 100 000 dollars – un montant relativement faible, surtout si on le compare aux 70 millions et 30 millions de dollars dépensés respectivement par Donald Trump et Hillary Clinton en publicités en ligne pendant la campagne.
Outre les publicités, Facebook a relevé que l’entité russe appelée Internet Research Agency avait également diffusé des contenus non-payants – des posts traditionnels – qui ont atteint un nombre beaucoup plus importants d’utilisateurs, selon le témoignage écrit préparé par Facebook en vue de ses auditions au Congrès, et cité par le Wall Street Journal et le Washington Post lundi. Selon ce document, entre 2015 et 2017, l’Internet Research Agency a publié 80 000 fois sur le réseau et 29 millions d’utilisateurs ont reçu ces publications sur leur fil d’actualités, portant ce chiffre à 126 millions en tenant compte des partages, des commentaires et des mentions « j’aime » dont ces posts ont fait l’objet.
Dans la foulée, Twitter a annoncé avoir repéré environ 200 comptes qui, selon l’entreprise, pourraient être liés aux mêmes personnes ayant commandé ces publicités sur Facebook. Les deux réseaux sociaux ont remis au Congrès les informations dont ils disposent sur ces campagnes, comme le contenu de ces messages et des détails sur leurs acheteurs.
Mais les achats de publicité ne représentent qu’une petite partie des questions qui seront vraisemblablement posées cette semaine aux principaux réseaux sociaux. De l’avis de tous les spécialistes, ce sont aussi et surtout les mécanismes mêmes de mise en avant des contenus dans les fils d’actualité, et les pratiques plus ou moins défaillantes de modération, qui ont permis la diffusion à grande échelle de fausses informations durant la campagne.
Les réseaux sociaux ont aussi été utilisés pour diffuser massivement de fausses informations durant la campagne, le plus souvent au détriment de la candidate démocrate – reste à définir si la Russie en est à l’origine, et à quel point cela a pu peser sur le résultat du scrutin.
Multiplication des annonces
Après avoir annoncé tout au long de l’année des mesures pour lutter contre ces « fake news », Facebook et Twitter ont multiplié les annonces, ces derniers jours, relatives aux publicités politiques. Les deux réseaux sociaux ont promis qu’ils se montreraient désormais plus transparents sur la provenance des publicités politiques et le public qu’elles ciblent – une transparence contre laquelle ils se battaient jusqu’à présent. Ils comptent aussi davantage contrôler les annonceurs publiant ces messages afin de vérifier leur identité – et éviter ainsi que des puissances étrangères n’exploitent ce système dans le cadre d’une élection. Pour cela, Facebook a annoncé l’embauche, dans les mois à venir, d’un millier de modérateurs supplémentaires pour examiner les publicités.
Une manière pour ces entreprises d’afficher leur bonne volonté face à l’enquête du Congrès. Mais aussi de prendre les devants, alors que plane sur eux la menace d’une loi – trois sénateurs ont déposé, le 19 octobre, une proposition de loi pour imposer aux réseaux sociaux davantage de contrôle sur les publicités politiques.
Les trois entreprises seront entendues devant la commission judiciaire du Sénat, et les commissions du renseignement du Sénat et de la Chambre des représentants. Les audiences seront retransmises en direct.