Il y a un an, Donald Trump battait la candidate démocrate, Hillary Clinton, et devenait le 45e président américain. | Aaron Favila / AP

En recherchant « Donald Trump » dans Google, c’est l’un des premiers mots-clés suggérés en lien : « impeachment ». Jamais locataire de la Maison Blanche n’est apparu autant concerné par cette procédure d’exception inscrite dans l’article 2 de la Constitution américaine, qui permet de juger et de destituer un président qui se serait rendu coupable de trahison, de corruption ou de « crimes et délits majeurs ».

Soupçons dans l’affaire d’ingérence russe, accusations d’agression sexuelle, complaisance avec des néonazis, accusations de conflits d’intérêts : les raisons sont nombreuses pour que plus d’un million de personnes aient signé une pétition visant à réclamer la destitution de M. Trump, élu voilà un an.

Chez les parieurs américains, la probabilité que le 45e président des Etats-Unis ne termine pas son mandat de quatre ans a grimpé ces derniers mois, jusqu’à atteindre 50 %. Mais M. Trump est-il pour autant sur un siège éjectable ?

Comment se déroule une procédure d’impeachment ?

Toute enquête sur une éventuelle procédure de destitution doit être lancée par le Congrès, qui rassemble le Sénat et la Chambre des représentants, l’équivalent de notre Assemblée nationale et de notre Sénat.

A l’issue de ses recherches, le comité judiciaire de la Chambre des représentants soumet une résolution au reste de l’assemblée. Si une majorité simple (plus de 50 % des voix) estime que les preuves sont suffisantes pour engager une procédure et vote pour l’adoption, un procès est ouvert devant le Sénat. L’impeachment est lancé.

Au moment de sa comparution devant le Sénat, l’accusé est suspendu de ses fonctions. Si la majorité aux deux tiers des sénateurs juge que le président des Etats-Unis est coupable, il est destitué et son vice-président le remplace immédiatement.

Sur quoi M. Trump peut-il être inquiété ?

« L’épée de Damoclès russe tient au-dessus de la tête du président par le plus fin des fils », a écrit, début novembre, l’historien et politologue Allan Lichtman, l’un des rares universitaires américains ayant prédit la victoire du candidat républicain le 8 novembre 2016. En cause notamment, une « intensification remarquable de faits litigieux » entourant le président, selon le professeur à l’American University (Ohio).

Car le travail du procureur spécial chargé d’enquêter sur les liens entre la Russie et la campagne présidentielle menace de plus en plus le chef de l’Etat. Cette enquête, dans laquelle trois personnes sont poursuivies, et dont l’une a décidé de collaborer avec le FBI, se rapproche dangereusement du président. Si l’un des témoignages permet de prouver une implication de M. Trump, sa situation deviendra compliquée.

Selon plusieurs constitutionnalistes américains, des preuves d’entrave à la justice pourraient également permettre le déclenchement d’une procédure d’impeachment. Or M. Trump est soupçonné d’avoir tenté d’étouffer l’enquête sur les possibles liens russes, menée par l’ancien directeur du FBI, James Comey.

Mais ces liens nébuleux avec la Russie ne sont pas les seuls éléments qui pourraient inquiéter le président. Des soupçons de conflits d’intérêts pèsent aussi sur la Maison Blanche, en lien notamment avec les activités de la « Trump organization » en Chine, qui pourrait violer la clause des émoluments présente dans la Constitution. C’est notamment pour mettre en lumière ces zones troubles que les démocrates ne cessent de demander la publication détaillée de la fortune du président américain.

M. Trump doit-il craindre l’impeachment dans les prochains mois ?

Dans son jeu, le président américain possède un atout de taille : un Congrès où le parti républicain est majoritaire. Il faudrait que 25 élus républicains s’allient avec les élus démocrates pour qu’une procédure d’impeachment soit lancée. Cela représente environ 10 % des élus républicains au Congrès. L’enjeu pour M. Trump est donc de s’assurer du soutien de son camp parlementaire.

Le risque de voir le parti imploser refroidit toutefois même les plus véhéments des opposants de M. Trump dans le camp républicain. Si certains s’opposent ponctuellement à certaines législations souhaitées par l’administration Trump, à l’image du sénateur John McCain sur l’abrogation de l’Obamacare, le parti reste pour l’heure largement solidaire du chef de l’Etat. La nouvelle présidente du parti, Ronna Romney McDaniel, affiche régulièrement son soutien inconditionnel à M. Trump.

Les élections de mi-mandat peuvent-elles changer la donne ?

De nouvelles élections parlementaires sont prévues le 6 novembre 2018. Les 435 sièges de la Chambre des représentants seront renouvelés ainsi qu’un tiers des sénateurs, à l’occasion de ces élections de mi-mandat. Pour conserver leur siège, les élus républicains ont tout intérêt à se montrer unis.

Côté démocrates, c’est peu dire que le parti peine à se réorganiser après le départ de Barack Obama et la défaite d’Hillary Clinton. Après avoir échoué aux cinq élections partielles ayant eu lieu depuis le début de l’année, les démocrates ont toutefois connu un signe encourageant, mardi 7 novembre, lors d’élections en Virginie et dans le New Jersey.

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Pour les « mid-terms », les premiers sondages montrent que les républicains devraient accroître leur domination au Sénat mais que les démocrates pourraient leur ravir la Chambre des représentants. Dans ce cas de figure, même si les démocrates lancent une procédure d’impeachment, elle se heurtera au Sénat, laissant de beaux jours devant lui à M. Trump. En résumé, le scénario de l’impeachment n’est crédible que si des motifs anticonstitutionnels, suffisamment solides pour convaincre des Républicains de lâcher M. Trump, sont établis.

Y a-t-il des précédents d’impeachment ?

Dix-neuf procédures d’impeachment ont été lancées depuis l’entrée en vigueur de la Constitution, en 1789, majoritairement envers des juges fédéraux. Seules trois d’entre elles ont concerné des présidents des Etats-Unis.

La Chambre des représentants a voté une mise en accusation en 1868 contre Andrew Johnson, soupçonné de n’avoir pas respecté une procédure de nomination des hauts postes de l’exécutif qui venait d’être votée, et en 1998 contre Bill Clinton, pour « parjure » et « obstruction à la justice » dans l’affaire Lewinsky. Le Sénat avait ensuite acquitté les deux présidents.

En plein scandale du Watergate, la préparation d’une procédure d’impeachment avait été enclenchée contre Richard Nixon en 1974, mais elle n’avait pas abouti non plus, le président ayant démissionné avant.

Donald Trump peut-il être destitué ?
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