A la COP23, l’hymne des Américains aux énergies fossiles
A la COP23, l’hymne des Américains aux énergies fossiles
Par Simon Roger (Bonn (Allemagne), envoyé spécial)
Le camp de Donald Trump et ses adversaires se sont affrontés publiquement à Bonn.
L’ancien maire de New York Michael Bloomberg et le gouverneur de Californie, Jerry Brown (photo), ont lancé, depuis Bonn, l’initiative « America’s Pledge » (« l’engagement américain ») afin d’évaluer les efforts de réduction de gaz à effet de serre du deuxième plus gros émetteur mondial après la Chine. / Martin Meissner / AP
C’était le premier débat organisé par la délégation américaine en marge des négociations officielles de la conférence sur le climat des Nations unies à Bonn, en Allemagne, et cela restera le seul de toute la COP23 pour le camp de Donald Trump. Car la rencontre programmée lundi 13 novembre en fin de journée, censée défendre « le rôle des énergies fossiles » dans la lutte contre le réchauffement climatique, a viré au cauchemar pour ses organisateurs, chahutés à plusieurs reprises par des adversaires du président républicain et submergés de questions hostiles.
L’intention de la Maison Blanche était pourtant claire. Alors que la COP23 s’apprête à accueillir, à partir du 15 novembre, une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement, Washington souhaitait réaffirmer son choix de tourner le dos à l’accord de Paris et de privilégier les énergies fossiles. L’événement était également une réponse à l’offensive menée depuis le début de la conférence par les partisans américains de l’accord conclu en décembre 2015.
Pendant le week-end, l’ancien maire de New York Michael Bloomberg et le gouverneur de Californie, Jerry Brown, ont lancé, depuis Bonn, l’initiative « America’s Pledge » (« l’engagement américain ») afin d’évaluer les efforts de réduction de gaz à effet de serre du deuxième plus gros émetteur mondial après la Chine.
Selon le rapport du World Resources Institute et du Rocky Mountain Institute, vingt Etats, 110 villes et quelque 1 300 entreprises affichaient, au 1er octobre, des objectifs chiffrés de baisse d’émissions. Cette large coalition (intitulée « We are still in ») tournée vers les énergies renouvelables assure déjà « la moitié du chemin » pour concrétiser l’engagement de Barack Obama de réduire de 26 % à 28 % les émissions américaines d’ici à 2025.
« Menteurs »
Les six invités du débat de lundi – George David Banks, assistant spécial de Donald Trump pour l’énergie et l’environnement, Francis Brooke, conseiller du vice-président Mike Pence, Barry Worthington, directeur de l’Association américaine de l’énergie, et les représentants des sociétés Peabody (charbon), Tellurian (gaz) et NuScale Power (nucléaire) – devaient, pour leur part, vanter les nouvelles technologies d’exploitation des fossiles et les petites unités de production nucléaire.
Mais les gouverneurs de Washington et de l’Oregon leur ont grillé la politesse, s’introduisant dans la salle avant le débat. « Le monde ne prêtera pas attention à quelqu’un qui affirme que le changement climatique est un canular, a lancé le premier, Jay Inslee. Donald Trump peut tweeter autant qu’il le veut, il ne nous arrêtera pas dans notre combat pour réduire les émissions de CO2. » Son homologue Kate Brown a enfoncé le clou, rappelant notamment l’objectif de l’Oregon de bannir dès 2020 toute énergie produite par le charbon.
Penser que le monde peut « atteindre des objectifs climatiques ambitieux, soutenir comme il le faudrait le développement des pays pauvres et assurer l’accès à l’énergie uniquement en déployant le solaire et l’éolien est naïf », a réfuté George David Banks. « Nous n’avons vraiment pas besoin de l’accord de Paris », a poursuivi Barry Worthington, vite interrompu par un chœur d’une quarantaine d’activistes de SustainUS. Durant de longues minutes, ce mouvement de jeunesse a entonné debout l’hymne américain, revisité en hymne anticharbon, puis a quitté les lieux.
La dernière salve est venue du public. « Vous êtes des menteurs, le charbon propre n’existe pas », ont crié plusieurs spectateurs de ce débat sous tension. En guise d’ultime question, une intervenante a demandé aux invités de dire s’ils étaient, à titre personnel, pour ou contre le retrait américain de l’accord de Paris. Plusieurs ont refusé de répondre, considérant avoir participé à « une conférence vraiment pas facile ».