Crise de la dette au Venezuela : cinq questions pour comprendre
Crise de la dette au Venezuela : cinq questions pour comprendre
Par Marie de Vergès
Le pays a été déclaré, mardi, en « défaut partiel » par l’agence de notation Standard & Poor’s face à son incapacité à rembourser une dette de 200 millions de dollars.
Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, le 17 octobre, à Caracas. / Ariana Cubillos / AP
Le président venezuelien Nicolas Maduro a beau assurer que son pays ne fera « jamais » défaut sur sa dette, l’agence de notation financière Standard & Poor’s (S&P) Global Ratings en a décidé autrement : lundi 13 novembre, elle a déclaré le pays en « défaut partiel », lui attribuant la note « SD » contre « CC » auparavant.
Pour la plupart des analystes, la question n’était pas de savoir si le pays pouvait faire défaut mais plutôt quand. En plein chaos économique malgré ses gigantesques réserves pétrolières, Caracas dispose de moins de 10 milliards de dollars (8,5 milliards d’euros) de réserves de change et peine à assurer le service de sa dette.
Qu’est-ce qu’un défaut partiel ?
Le Venezuela n’est pas en défaut sur l’ensemble de sa dette extérieure, estimée entre 100 et 150 milliards de dollars selon les sources. Mais S&P prend acte de l’incapacité du pays à honorer le remboursement de deux obligations de quelque 200 millions de dollars, à l’issue d’une période de grâce de trente jours. S&P estime en outre qu’« il y a une chance sur deux que le Venezuela fasse à nouveau défaut dans les trois prochains mois ».
Ce cas de figure n’est pas une première. En 2012, par exemple, Standard & Poor’s avait aussi placé la Grèce en défaut partiel, après une décision de l’Europe et du Fonds monétaire international (FMI) d’autoriser Athènes à racheter elle-même sa dette afin d’en alléger la charge.
Quelles sont les conséquences de la décision de S&P ?
Techniquement, si 25 % des porteurs d’obligations déclarées en défaut parviennent à se fédérer, ils peuvent exiger un remboursement intégral de leur mise. Des investisseurs pourraient aussi engager des poursuites judiciaires individuelles. Si le pays échoue à satisfaire leurs demandes, il risque la saisie de ses actifs à l’étranger et des filiales de son groupe pétrolier PDVSA.
Mais ce défaut n’est pas forcément définitif. Selon certains analystes, l’agence pourrait relever sa notation si le Venezuela arrive finalement à rembourser avant que les créanciers ne se soient organisés pour réclamer leur dû. Les investisseurs pourraient d’ailleurs renoncer à intenter quelque action que ce soit, dans l’espoir d’être finalement remboursés. Ils éviteraient ainsi de déclencher une opération qui s’annonce d’ores et déjà comme l’une des restructurations de dette les plus complexes jamais intervenue.
En théorie, le défaut d’un pays peut être décrété par les agences de notation financière, les investisseurs ou le pays lui-même. Caracas a exclu d’en passer par là. Mais la décision de S&P pourrait pousser les créanciers, réunis au sein de l’Association internationale des produits dérivés (ISDA), à emprunter le même chemin. Une réunion de ce groupe composé de 15 sociétés financières est prévue mardi après midi, afin d’évoquer les suites à donner à un retard de paiement du groupe PDVSA d’un montant de 1,161 milliard de dollars.
Quel peut être l’impact pour la région ?
Anticipé de longue date compte tenu de la situation dramatique du pays, ce défaut ne devrait pas entraîner de grosse secousse sur les marchés. Le mois dernier, le FMI avait dit prévoir « des effets minimes de cette crise sur les autres pays », écartant notamment le risque d’une contagion aux Etats de la région ou à d’autres émergents lourdement endettés.
Comment se déroulent les négociations entre le Venezuela et ses créanciers ?
Le président Maduro avait convié les créanciers internationaux à Caracas lundi pour discuter de la restructuration de la dette. Mais les plus grands fonds d’investissement détenteurs de dette vénézuélienne ont boudé cette réunion qui a duré moins de trente minutes. La petite centaine de participants est repartie avec un sac garni de café et de chocolats, mais sans aucune proposition concrète de la part des autorités.
Selon Bloomberg, le vice-président du Venezuela Tarek El Aissami – visé par des sanctions américaines pour trafic de drogue et chargé par le gouvernement d’animer la négociation – est le seul à s’être exprimé. L’essentiel de ses remarques a concerné la persécution financière orchestrée, selon Caracas, par Washington et les marchés financiers internationaux. L’officiel a promis que la République bolivarienne continuerait à honorer ses obligations. Il a renouvelé la volonté du gouvernement d’une restructuration, sans préciser comment s’organiserait le dialogue avec les créanciers.
Mais pour l’agence S&P, « toute restructuration (de la dette) » serait considérée « comme un échange de créances en difficulté et comme l’équivalent d’un défaut étant donné les liquidités extérieures limitées » du Venezuela. L’exercice serait d’autant plus compliqué que le président américain Donald Trump a imposé en août des sanctions financières contre Caracas, interdisant l’achat de nouvelles obligations émises par Caracas ou PDVSA.
Si le Venezuela fait faillite, quels sont les précédents ?
Les faillites d’Etat ont été nombreuses au cours de l’histoire. L’Argentine demeure l’exemple le plus emblématique et spectaculaire de l’histoire récente : plongé dans la récession, Buenos Aires décréta en 2001, un moratoire sur sa dette, entraînant un défaut de paiement d’environ 100 milliards de dollars auprès de créanciers privés. Après cette décision, le pays s’est retrouvé exclu des marchés financiers pendant quinze ans et a dû gérer une série de procédures judiciaires lancées par les créanciers refusant les opérations de restructurations organisées en 2005 et 2010. En 2016 seulement, le président Mauricio Macri est parvenu à solder les dernières dettes du pays avec une poignée de fonds vautours américains et permis son retour sur les marchés.
En Amérique latine, toujours, l’Equateur a suspendu en 2008 le paiement de près de 40 % de sa dette internationale, pour la troisième fois en quatorze ans, prétextant des « irrégularités » lors d’une précédente restructuration.
La cessation de paiement a également été déclarée au Mexique en 1982 et en 1998 en Russie.