Manifestation d’opposants au Brexit devant le Parlement de Londres, le 14 novembre. / PETER NICHOLLS / REUTERS

C’est l’autre élection de 2016 que la Russie est soupçonnée d’avoir tenté d’influencer par le biais de campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux : le référendum sur le Brexit, qui s’est soldé par la victoire du oui à la sortie de l’Union européenne.

Aux Etats-Unis, Facebook comme Twitter ont, après enquête interne, reconnu que de faux comptes liés à une agence proche du Kremlin ont été utilisés durant la campagne présidentielle pour diffuser de fausses informations ou faire de la propagande. Facebook a également reconnu qu’environ 100 000 dollars de publicités ciblées, ayant touché plusieurs millions d’électeurs, ont également été achetées par les mêmes acteurs et dans le même but.

La campagne pour le Brexit a-t-elle également bénéficié d’un « coup de pouce » russe ? Sans évoquer la campagne électorale de 2016, la première ministre Theresa May a estimé ce lundi que la Russie « cherche à faire de l’information une arme. En déployant ses médias d’Etat pour diffuser de fausses informations et des images photoshopées dans le but de semer la discorde à l’Ouest. » « Nous savons ce que vous faites. Et vous ne réussirez pas », a affirmé Mme May.

Facebook a, de son côté, affirmé au site Buzzfeed n’avoir pas constaté de « coordination significative » de publicités pour des comptes russes ou pro-russes. « A cette date, nous n’avons pas observé les mêmes groupes russes qui se seraient coordonnés pour acheter des publicités ou publier de la désinformation politique visant la campagne du Brexit », a affirmé un porte-parole de l’entreprise.

En creux, le premier réseau social au monde n’affirme donc pas n’avoir constaté aucune activité de la part de comptes russes ou pro-russes, mais que, si cette activité a eu lieu, elle ne visait pas spécifiquement le vote sur la sortie de l’Union européenne.

Des messages repris par la presse pro-Brexit

Aux Etats-Unis, si les comptes pro-russes identifiés ont publié des messages soutenant Donald Trump ou dénigrant sa rivale Hillary Clinton, la majorité des messages identifiés ne concernaient pas directement l’élection présidentielle. La plupart d’entre eux cherchaient à provoquer des dissensions au sein de la population américaine, en publiant des messages agressifs sur des sujets de société qui font débat outre-Atlantique, comme les réfugiés, l’islam ou les droits des personnes LGBTQ.

La semaine dernière, le site Wired avait montré que des comptes Twitter russes avaient suivi la même stratégie au Royaume-Uni, en publiant de nombreux messages anti-islam ou racistes. L’un des comptes identifiés dans le cadre de l’enquête américaine sur l’influence russe avait notamment publié une image sortie de son contexte et devenue virale, montrant une jeune femme portant un voile passant devant des victimes de l’attentat de Londres. Le compte se présentait comme celui d’un conservateur américain, « Texas Lone Star ».

L’influence réelle de ces campagnes reste très difficile à mesurer. « Que pèsent ces tweets russes dans le Brexit, comparés à ce que les propres journaux britanniques ont fait et continuent de faire ? », s’interroge le journaliste Wolfgang Blau. Si le tweet de « Texas Lone Star » sur l’attentat de Londres a connu une telle diffusion, c’est notamment parce qu’il a été repris par la presse populaire conservatrice et publié par le Mail Online et le Sun.

La commission parlementaire britannique qui enquête sur la diffusion de fausses informations au Royaume-Uni souhaite, cependant, avoir plus de détails sur les données collectées par Twitter et Facebook – leurs homologues américains ont reçu des listes détaillées des comptes, des messages et des publicités identifiées comme étant d’origine russe. « Je ne vois aucune raison pour lesquelles notre commission ne pourrait pas recevoir les mêmes informations », a dit le député Damian Collins, qui la préside. Il a écrit à Twitter, Google et Facebook pour leur demander l’ensemble des informations en leur possession.