L’avis du « Monde » – à voir

Deux ans après le vertige cognitif de Vice-Versa (2015) et en attendant Les Indestructibles 2 et Toy Story 4, prévus respectivement pour 2018 et 2019, les studios Pixar poursuivent leur rêve d’une réinvention permanente du cinéma d’animation mêlant expérimentations visuelles et vertiges narratifs d’une puissance émotionnelle rarement égalée.

Wall-E (2008), diamant expérimental et kubrickien, montrait à quel point Pixar était soucieux de pousser toujours plus loin les limites jusqu’à faire de chaque nouveau film une aventure métaphysique. Si le studio a toujours été intimement lié à Disney, c’est assez naturellement qu’en 2006, le groupe américain de divertis­sement le rachète : les enfants de Pixar se situent dans le prolongement de la génération qui a grandi avec les films Walt Disney. C’est ce mélange d’émerveillement et de terreur enfantine qui lie des œuvres comme Dumbo et Pinocchio à Toy Story et au Monde de Nemo. Une façon commune d’évoquer frontalement des notions aussi violentes que la mort, la disparition ou la perte d’un proche en les plongeant dans un univers féerique.

« Coco » est le parfait alliage de la signature Pixar et de la recette Disney

On retrouve cette même féerie morbide dans Coco, parfait alliage de la signature Pixar et de la recette Disney, dont cette habitude de parsemer le récit de chansons entêtantes. Le film suit les aventures d’un jeune garçon mexicain prénommé Miguel, dont le rêve ultime est de devenir musicien. Mais l’enfant est né dans une ­famille où la musique est bannie depuis qu’un ancêtre a aban­donné femme et enfant pour se consacrer entièrement à sa carrière musicale. D’un tempérament obstiné, Miguel est pourtant résolu à prouver son talent le soir de la Fête des revenants. Décidé à voler la guitare qui trône au-dessus du tombeau d’une idole nationale, Ernesto de la Cruz, il se retrouve propulsé dans le monde des morts.

Virtuosité narrative

Ce récit aussi élaboré que labyrinthique rassemble toutes les humeurs et les motifs pixariens. Mais, sous ses atours carnavalesques et la figuration du monde des morts en univers splendide et chatoyant, se dissimule un long voyage vers la mélancolie. Le folklore mexicain devient le moyen d’invoquer les disparus apparaissant sous la forme de squelettes parés de détails et d’accessoires qui les caractérisaient dans le monde des vivants.

Le baroquis­me narratif et visuel de Coco témoigne d’une liberté créative absolue et d’une vir­tuosité tellement illimitée qu’elle risque parfois de perdre ses spectateurs, notamment les plus ­jeunes, au détour d’une circonvolution de son récit. Exemple parmi d’au­tres : si l’on pensait qu’un voyage dans le monde des morts suffisait à conférer au film sa dose de frayeur, on découvre que les morts peuvent mourir une seconde fois s’ils sont oubliés par les vivants.

Mémoire et oubli ont toujours été les thématiques récurrentes des intrigues pixariennes, traitées sur une tonalité proustienne déjà éprouvée dans des films comme Ratatouille (2007) ou Le Monde de Nemo (2003). Le fredonnement d’une mélodie suffit à raviver des souvenirs d’enfance qu’on pensait définitivement perdus dans la mémoire endormie de Coco, l’arrière-grand-mère de Miguel.

Coco - Bande-annonce officielle
Durée : 02:42

Film d’animation américain de Lee Unkrich et Adrian Molina (1 h 40). Sortie le 29 novembre. En avant-première le 15 novembre au Grand Rex, 1, boulevard Poissonnière, Paris 2e. Sur le Web : disney.fr/films/coco et www.facebook.com/DisneyPixarFR