Le documentariste Lech Kowalski à la sortie du tribunal correctionnel, le 15 novembre. / ODILE ALLARD

L’issue judiciaire de « l’affaire Kowalski » ne sera pas sans conséquence sur la liberté de filmer des cinéastes. Le 20 septembre, le documentariste anglais a été arrêté alors qu’il suivait des ouvriers qui occupaient la préfecture de Guéret, dans la Creuse. Il est accusé de « rébellion » contre les forces de l’ordre, pour avoir tourné des images de l’évacuation de la préfecture alors que les gendarmes lui demandaient de ranger sa caméra.

Le réalisateur, connu pour ses films sur les milieux underground new-yorkais, la pornographie – Sex Stars (1977), Walter and Cutie (1978) –, le punk – D.O.A. (1980), Born to Lose (1999) –, les junkies – Gringo (1987) –, les SDF – Rock Soup (1991) –, et plus récemment sur l’Amérique après les attentats du 11 septembre 2001 – Camera Gun (2003), Charlie Chaplin in Kabul (2003), Journal d’un homme marié (2005), Winners and Losers (2007) –, vit désormais en France. Son prochain documentaire retrace le combat des ouvriers pour maintenir l’activité de l’usine en difficulté GM&S, sur le site de Guéret. Coproduit par la chaîne Arte, il devrait être diffusé dans la case « Grand Format », explique la productrice du documentaire, Odile Allard (Revolt Film).

« Climat de désespoir et de colère »

Mercredi 15 novembre, Lech Kowalski a comparu devant le tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure dite du « plaider coupable ». A-t-il oui ou non agressé l’un des gendarmes lors de l’évacuation ? Il aurait donné un coup de pied qui aurait atterri dans le gilet pare-balles de l’agent. Selon une autre version, le coup serait allé dans le bas-ventre. L’avocat de Lech Kowalski, Me Jean-Louis Borie, résume ainsi la situation : « L’audience a duré trois minutes. On a plaidé non-coupable, on conteste l’infraction. Personne n’a été blessé dans cette histoire. A la fin, on nous a simplement dit : Vous serez convoqués ultérieurement, mais je ne désespère pas que le procureur abandonne ses poursuites », déclare-t-il au Monde.

L’avocat, qui représente aussi les ouvriers de GM&S, explique que l’occupation de l’usine a eu lieu dans un contexte très particulier : « L’usine a été reprise au mois de septembre : 120 postes ont été conservés sur un total de 277, et il y a donc 157 salariés qui sont sur le carreau. C’est dans ce climat de désespoir et de colère que l’occupation a eu lieu », poursuit Jean-Louis Borie.

Conditions « dignes d’un État quart-mondiste »

Une pétition de soutien réunit plus de 400 cinéastes, parmi lesquels Pedro Costa, Dominique Cabrera, Miguel Gomes, F. J. Ossang, Jean Douchet, Valérie Massadian, Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, etc.

Les signataires demandent « l’abandon de toute poursuite » contre Lech Kowalski, et dénoncent les conditions « dignes d’un État quart-mondiste » dans lesquelles il a été interpellé, le 20 septembre : « Pendant le trajet vers le commissariat, l’un des policiers lui a arraché sa caméra des mains (…) Après une nuit sans sommeil, on l’a mesuré, on a relevé ses empreintes, on a photographié son visage, son corps et son tatouage. On a aussi prélevé son ADN ; il a demandé pourquoi ; l’une des deux fonctionnaires de police chargées de ce prélèvement a répondu que c’était obligatoire” ».

A plus long terme, soulignent les signataires, c’est la question de la liberté des cinéastes qui est posée : « Nous demandons que les détenteurs de la force publique, quels qu’ils soient, respectent le travail des cinéastes et, s’ils le peuvent, entament une réflexion sur le caractère contre-productif de la censure en amont comme en aval des images, qui valorise ce qu’elle prétend interdire ».