Renault vient d’ajouter une nouvelle brique à l’édifice qu’il construit peu à peu dans les marchés émergents de l’automobile. La marque au losange a annoncé lundi 20 novembre, avoir conclu un accord avec Al-Futtaim, un conglomérat de Dubaï (Emirats arabes unis), pour fabriquer des Renault au Pakistan. Le groupe dirigé par Carlos Ghosn ne vend aujourd’hui aucune voiture dans ce pays. Il sera le premier constructeur automobile européen à y installer un site de production industrielle.

Al-Futtaim construira à partir de l’année prochaine, à Karachi, une usine d’assemblage – l’une des plus grandes du Pakistan, selon l’entreprise – aux standards du groupe Renault mais qui restera propriété de sa filiale automobile locale récemment créée. Les premières voitures siglées Renault devraient sortir de la ligne de montage en 2019. La montée en cadence permettra au site d’atteindre sa pleine capacité dès 2020 ont annoncé les deux partenaires.

Appétit pour le monde émergent

La société émiratie bénéficiera de l’exclusivité sur la distribution des véhicules produits grâce à « sa parfaite connaissance du marché », précise le communiqué diffusé pour l’occasion. « En s’associant à Al-Futtaim, un partenaire automobile de renom, réputé pour son professionnalisme, Renault entend devenir un acteur majeur au Pakistan », a confirmé Fabrice Cambolive, directeur des opérations de la région Afrique-Moyen-Orient-Inde de Renault.

Al-Futtaim, qui ne communique ni chiffre d’affaires ni bénéfice, est un groupe de près de 46 000 personnes présent dans 29 pays, essentiellement en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud, à travers plus de 200 sociétés locales. Active dans la distribution, l’immobilier, la finance et l’auto, l’entreprise possède déjà une usine au Pakistan qui fabrique des tracteurs. Elle détient aussi des participations dans des sites de production automobile en Egypte et au Kenya.

Même si elle est indirecte à travers une sorte de franchise, l’offensive pakistanaise vient confirmer l’appétit de Renault dans le monde émergent. Le Pakistan sera ainsi le onzième pays d’implantation industrielle du constructeur hors Europe occidentale et Asie développée. Dans la vaste zone, stratégique pour Renault, qui va du Maghreb au sous-continent indien, le Pakistan vient s’ajouter au Maroc, à l’Algérie, à l’Iran et à l’Inde. Dans cette partie du monde, Renault a écoulé 491 000 voitures en 2016 et vise 800 000 ventes à l’horizon 2022.

« Un vrai potentiel »

« L’idée n’est pas d’aller chercher des marchés partout aveuglément, précise-t-on au siège du constructeur français. Le Pakistan cumule des critères qui laissent deviner un vrai potentiel : une économie en croissance rapide, une classe moyenne elle aussi en forte hausse et un taux d’équipement automobile de 16 véhicules pour 1000 habitants, quand il atteint les 32 en Inde et 255 en Iran. »

Autre élément d’attractivité : le Pakistan s’est lancé, en 2016, dans une politique de développement automobile qui a pour but de faire passer le marché des voitures neuves de 200 000 véhicules aujourd’hui à 350 000 en 2021, soit une belle hausse (+75 %) mais un niveau qui reste modeste pour un pays de 200 millions d’habitants.

Le Pakistan, qui taxe les véhicules importés entre 60 et 150 % en fonction de la cylindrée, cherche désormais à attirer les constructeurs étrangers grâce à des mesures incitatives : franchise totale de droits de douane sur l’importation des machines-outils et de tout élément permettant la construction d’une usine nouvelle à partir de zéro, taxation limitée sur les pièces importées. Aujourd’hui, seuls trois constructeurs produisent localement : Toyota, Honda et Suzuki. Comme ils évitent les taxes à l’importation, ils dominent logiquement le marché.

Prix adaptés

Renault et Al-Futtaim n’ont pas encore indiqué quels modèles seraient produits dans la future usine de Karachi. « Les produits que nous mettrons sur le marché seront fabriqués avec les mêmes spécifications qu’en Europe », a toutefois précisé un porte-parole du conglomérat de Dubaï.

Renault a, à plusieurs reprises, montré ses capacités à produire des véhicules attractifs à des prix adaptés aux marchés locaux, comme la Kwid, petite voiture ultra-low-cost qui a connu un beau succès en Inde (même si elle est aujourd’hui en recul). On peut également citer les Logan (appelées Tondar en Iran), les Sandero, le 4x4 Duster ou encore la Captur (Kaptur en Russie) dans sa version pays émergents. Là-bas, elle n’est pas, comme en France, fabriquée sur la base d’une Clio mais à partir d’une plateforme technique de 4x4. De quoi faire avancer le constructeur sur tous les terrains.