Rendez-vous crucial pour les factions palestiniennes au Caire
Rendez-vous crucial pour les factions palestiniennes au Caire
Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)
La rencontre, préparée dans la confusion, vise poser les bases politiques d’un rapprochement entre Fatah et Hamas.
Affiche du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, au point de passage de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 1er novembre. / IBRAHEEM ABU MUSTAFA / REUTERS
Les factions palestiniennes se retrouvent au Caire, mardi 21 novembre, dans le cadre du processus de réconciliation mené sous le parrainage de l’Egypte. Cette rencontre très attendue a été préparée en secret et dans la confusion sur l’ordre du jour précis.
Après la signature de l’accord de réconciliation du 12 octobre entre le Hamas, maître de la bande de Gaza depuis 2007, et le Fatah du président Mahmoud Abbas, il s’agit de poser les futures bases politiques de ce rapprochement.
Mais les incertitudes demeurent nombreuses autour de ce processus, d’autant que, parallèlement, les spéculations sur une prochaine initiative diplomatique américaine ajoutent de la nervosité chez tous les acteurs.
Aucun signe tangible de réconciliation
L’ensemble des factions palestiniennes est attendu au Caire mardi pour ne pas permettre au processus de réconciliation de s’embourber. L’enjeu est capital, notamment pour le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, qui a engagé son prestige personnel dans cette médiation, permettant de démontrer l’importance régionale de son pays.
D’ici au 1er décembre, l’Autorité palestinienne (AP) est censée reprendre entièrement en main le gouvernement de Gaza, soit les ministères, les administrations, la police, les points de passage vers l’Egypte et Israël. Ces derniers ont bien été transmis le 1er novembre, comme prévu, obligeant tous les effectifs du Hamas à se retirer.
Mais, depuis, la réconciliation ne s’est manifestée par aucun signe tangible. Les paiements complets de l’électricité à Israël n’ont pas été rétablis par l’AP, de sorte que la consommation se limite à une poignée d’heures quotidiennes. De même, en attendant que le périmètre et la composition des administrations soient revus par un comité technique, d’ici à février, les salaires des employés demeurent amputés de 30 % par Ramallah.
En outre, personne ne sait ce qu’il adviendra, après le 1er décembre, des employés du Hamas invités à rester chez eux, comme les effectifs déployés aux points de passage. Leurs salaires seront-ils versés, en attendant la mise en place d’un processus d’accompagnement ou de reconversion ?
Gouvernement d’union nationale
Enfin, contrairement aux espoirs de la population, le point de passage de Rafah, vers l’Egypte, n’a toujours pas été rouvert de façon permanente. Seulement trois jours, à compter du 18 novembre, pour permettre notamment aux délégations de se rendre au Caire.
« Il n’y a pas de discipline, d’organisation, d’accord clair sur la transition, explique Daoud Shehab, porte-parole du Djihad islamique, plus importante faction à Gaza après le Hamas. Mais ces erreurs ne mettront pas la réconciliation en danger, même si elles augmentent la frustration populaire. »
La rencontre des 21 et 22 novembre doit notamment permettre d’évoquer la constitution d’un gouvernement d’union nationale. D’hypothétiques élections générales doivent aussi être discutées, ainsi que l’intégration du Hamas au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Mais le premier point de blocage se situe sur la question des forces de sécurité. Composées de cinq corps, regroupant environ 19 000 personnes, elles représentent un enjeu de souveraineté et de finances. Tandis que l’Egypte espérait repousser à plus tard les détails d’une transition, l’Autorité palestinienne a relevé ses exigences au cours des semaines écoulées.
« Le discours répété des officiels à Ramallah consiste à dire qu’il n’est pas raisonnable d’opérer un transfert d’autorité sans la résolution du problème de sécurité, résume un diplomate européen. Mais leurs demandes demeurent floues. »
Quant à la question des branches militaires du Djihad islamique et du Hamas, ces factions estiment que le sujet ne figure pas au menu des discussions. Selon elles, le préalable doit être la définition d’une stratégie nationale unitaire face à Israël.
Le coordinateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Proche-Orient, Nikolaï Mladenov, a mis en garde le Conseil de sécurité, lundi 20 novembre, sur les enjeux de la réconciliation. « On ne peut se permettre un échec de ce processus, a-t-il dit. Si c’est le cas, cela débouchera vraisemblablement sur un nouveau conflit dévastateur. Que ce conflit soit déclenché par un effondrement de l’ordre et de la loi à Gaza, par les actions irresponsables d’extrémistes ou par un choix stratégique, le résultat sera identique : la dévastation et la souffrance pour tous. »
Les velléités américaines
La rencontre du Caire va se tenir sur fond de tension accrue entre Washington et les Palestiniens. Les Etats-Unis viennent d’informer l’AP de leur intention de fermer la représentation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington. Ses bureaux pourraient rouvrir dans les trois mois suivants si les Palestiniens s’engageaient sans ambiguïté dans des négociations de paix avec les Israéliens.
Une pression publique contre-productive, qui a raidi les officiels palestiniens. Ces derniers se disent prêts à suspendre tout contact avec l’administration Trump, si la fermeture était mise à exécution. Mais ils mesurent aussi à quel point ils sont dépendants, financièrement, des donations internationales, notamment américaines. Dimanche, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, s’est mis en contact avec Washington pour essayer de calmer la situation.
L’administration Trump travaille dans le plus grand secret depuis des mois sur un projet de relance des négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Plusieurs fuites douteuses ont déjà alimenté les colonnes de journaux arabes et israéliens. A l’heure actuelle, aucune certitude n’existe sur le contenu de ce plan, qui pourrait être présenté à la fin de 2017, ou au début de 2018.
« Ma position vis-à-vis de ce plan sera déterminée par les intérêts sécuritaires et nationaux de l’Etat d’Israël, a prévenu sans surprise le premier ministre Benyamin Nétanyahou, dimanche 19 novembre. Et cela a été clairement exprimé à nos amis américains. »