Avec le projet AllttA, le DJ 20syl « ne se donne pas de limite »
Avec le projet AllttA, le DJ 20syl « ne se donne pas de limite »
Propos recueillis par Solène Lhénoret
Le duo AllttA, constitué du DJ nantais 20syl (Hocus Pocus, C2C) et du rappeur américain Mr. J. Medeiros, sort, mercredi, le neuvième et dernier titre de leur nouvel album, « Facing Giants ».
Le DJ 20syl (Hocus Pocus et de C2C) et le rappeur Mr. J. Medeiros (The Procussions, du duo AllttA. / MATHIEU RENOULT
Le duo AllttA, constitué du DJ nantais 20syl (cofondateur de Hocus Pocus et de C2C) et du rappeur américain Mr. J. Medeiros, sort, mercredi 22 novembre, le neuvième et dernier titre de leur nouvel album, Facing Giants. Pour le clip de l’une des chansons, « Muggsy Bogues », ils ont choisi d’aborder, avec justesse, le thème de la surdité.
Comment l’envie de travailler avec Mr. J. Medeiros est-elle née ?
20syl : Le groupe de Mr. J. Medeiros, The Procussions, était en tournée en Europe en 2004. Je les ai découverts pendant un de leurs concerts et j’ai pris une bonne claque. Le lendemain, on les a invités dans notre émission « Vinyl addict » à la radio locale Jet FM, à Nantes. Le contact est bien passé et depuis on est restés en contact. The Procussions a participé au premier album 73 touches d’Hocus Pocus, sur le morceau « Hip-Hop ». Ensuite, ils ont toujours été présents sur chacun des albums. Je faisais aussi des compos à Mr. J. Medeiros pour ses albums aux Etats-Unis. On a toujours eu envie de collaborer, mais on n’en avait jamais eu l’occasion. J’étais occupé sur Hocus Pocus, puis sur C2C. Le temps que tous ces projets terminent leur cycle. On s’est dit que c’était le moment. Et il m’a proposé ce nom AllttA, « A Little Lower Than the Angels » (« Un peu plus bas que les anges »), qui est d’abord une métaphore de l’humilité. C’est aussi un jeu sur la dualité et la symétrie, d’où le A majuscule à la fin.
Entre votre premier album homonyme, AllttA, et le second, Facing Giants, très différent, comment votre collaboration a-t-elle évolué ?
Ce sont nos parcours respectifs entre Boombap et musiques électroniques qui ont permis de construire le style d’AllttA. On est assez autonome chacun dans notre discipline. On se fait entièrement confiance. Il s’occupe de toute la partie vocale, et moi, de toute la partie musicale. On n’interfère pas forcément dans ce que l’autre peut développer. Chacun de nous peut vraiment aller au bout de ses idées. C’est ce qui fait aussi la force de ce projet-là.
On se pousse aussi un peu dans nos retranchements. Lui en me proposant des rythmiques, des flows, des textes assez différents des choses avec lesquelles j’ai l’habitude de travailler. Et moi, en lui proposant des styles de musique un peu plus électroniques que ce qu’il a l’habitude d’aborder en rap. Avec le premier album, on est restés sur des rythmiques un peu plus classiques, même si on avait déjà l’habitude de mélanger des sons organiques et électroniques. Avec le second album, on a affirmé ça un peu plus et on a également essayé d’autres choses.
J’ai beaucoup poussé Jason [Mr. J. Medeiros] à chanter, car il a un potentiel vocal intéressant. Dans certains morceaux, il ne rappe quasiment pas, c’est principalement du chant. Et puis l’envie de s’amuser tout simplement, de faire des choses plus surprenantes : il y a un morceau un peu électro, house, un peu french touch des années 1990, sur lequel il rappe ; un autre avec juste un gimmick et très peu de partie rap… On ne se donne pas de limite.
Le neuvième et dernier morceau sort mercredi. Pourquoi avoir choisi de sortir un titre par semaine ?
A la base, on pensait sortir ces neuf titres séparément, sans en faire un album. Puis on a eu l’idée de créer une sorte de puzzle graphique, avec ces formes qui viennent construire le logo au fur et à mesure. C’est aussi venu pour répondre à la manière dont les gens et nous-mêmes consommons la musique : on fonctionne par playlist en allant se construire des mix, en piochant à gauche et à droite. Puis, quand tu sors un album, un ou deux titres sont mis en avant et le reste des morceaux passent un peu à la trappe. C’est frustrant. Là, on avait envie de promouvoir au maximum chacun des titres, que le public ait le temps de les écouter, et de créer d’une semaine à l’autre une sorte d’attente, de rendez-vous. C’est devenu un jeu au fil des semaines.
Comment s’est construit le projet Facing Giants ?
On a composé le second album pendant la tournée du premier. Tout le concept de Facing Giants vient du morceau « Muggsy Bogues », qui parle d’un joueur de NBA qui mesurait 1 m 60. Le concept de devoir affronter nos géants dans la vie quotidienne est parti de là. De manière anecdotique, c’est la taille de Mr. J. Meideros. Il s’est identifié à Muggsy Bogues quand il était môme, en rêvant d’être lui aussi joueur de basket. Mais bon, quand on mesure 1 m 60, ce n’est pas gagné ! Ce titre a donné le point de départ conceptuel pour l’écriture des textes. Derrière, en a découlé le clip de « Muggsy Bogues », dont le concept nous a été proposé par Mathieu Renoult, un réalisateur montréalais qui était en contact avec une association de malentendants.
AllttA (20syl & Mr. J. Medeiros) - Muggsy Bogues { fg. V }
Durée : 04:36
A propos de ce clip, pourquoi avoir choisi le thème de la surdité ?
Ça nous a semblé intéressant de prendre un angle décalé pour traiter le sujet : raconter l’histoire de trois jeunes sourds qui ont pas mal de difficulté au quotidien. Puis, il y a ce clin d’œil à la fin, lorsqu’on essaye de leur faire partager notre musique à l’aide d’un gilet vibrant et des visuels animés dans ce dôme vidéo à Montréal. On a aimé l’idée de traiter ça de manière documentaire dans un clip. On cherche toujours à avoir des angles originaux dans nos vidéos, et c’était intéressant de mettre la lumière sur un sujet dont on n’entend pas souvent parler.
J’avais déjà travaillé avec Mathieu Renoult pour la chanson « Kodama », pour mon premier EP, et je savais qu’en faisant appel à lui, on n’aurait pas un truc attendu. Après, il ne fallait pas tomber dans le pathos, le larmoyant. Mais je pense que ça a été réalisé avec simplicité. Au final, on a quelque chose d’assez touchant.
La surdité est aussi quelque chose qui nous fait peur en tant que musiciens. Se confronter à ce sujet en faisant un clip, c’était intéressant pour nous. Perdre l’ouïe est probablement l’une de nos plus grandes phobies. C’est tout ce dont on se sert au quotidien pour travailler. Il y a aussi cette mise en abîme quelque part. Et puis j’aime bien les clips qui racontent l’histoire de vraies personnes. Je trouvais l’angle assez malin pour ce morceau.
Après deux albums en un an, vous avez d’autres projets ?
Le projet AllttA, c’est d’abord la rencontre avec Jason. J’étais super admiratif de son travail en tant que rappeur, musicien et producteur. Et au-delà de ça, c’est une vraie bête de scène, il envoie une grosse énergie. Mais c’est un hyperactif, il est en tournée sur d’autres projets en France en tant que rappeur et participe à différents albums. Tous les jours, on s’envoie plein d’idées de nouveaux morceaux, mais on n’a rien en boîte pour le moment. On termine la série Facing Giants, on a un nouveau clip dans un univers 3D qui va arriver dans les mois qui viennent, « Bucket », de l’album précédent.
De mon côté, je prépare un projet solo en tant que beatmaker/DJ. Mais on va sans doute retravailler ensemble sur un album de C2C, peut-être du live pour Hocus Pocus. Chaque projet vient nourrir le suivant. Ça ne suit pas vraiment de logique, c’est à l’instinct, au moment, aux opportunités qui se présentent.
AllttA sera en concert à la Cigale à Paris le 4 avril.