Eili Harboe, la troublante révélation de « Thelma »
Eili Harboe, la troublante révélation de « Thelma »
M le magazine du Monde
La prometteuse actrice norvégienne est à l’affiche du thriller de Joachim Trier, en salle le 22 novembre. Elle interprète une étudiante corsetée par la religion qui découvre la passion au prix de spasmes inquiétants. Portrait.
Héroïne de Thelma, premier thriller surnaturel du cinéaste norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août et Back Home), Eili Harboe, 23 ans, mue littéralement à l’écran. « Je n’avais jamais vu un acteur aller aussi loin physiquement pour son rôle », assure Trier, qui a initié l’actrice à la méthode TRE (Tension & Trauma Release Exercises) pratiquée le plus souvent par des soldats pour évacuer un stress post-traumatique.
Car Thelma est avant tout l’histoire d’un corps ébranlé. Le corps engourdi d’une jeune fille éduquée dans la religion catholique la plus stricte qui, lorsqu’il découvre la passion dans les bras d’une autre jeune femme, devient la proie de crises violentes.
La bande annonce de « Thelma »
THELMA Bande Annonce ✩ Science-Fiction (2017)
Durée : 01:41
« Déjà, enfant, j’étais très agitée », sourit Eili Harboe. Après lui avoir fait essayer de nombreuses activités sportives, sa mère l’inscrit à 7 ans dans un groupe de théâtre amateur à la Maison de la culture de Stavanger, ville portuaire dans le sud-ouest de la Norvège, pour libérer son énergie débordante. Eili fait ses premiers pas sur scène en interprétant la veuve Åase dans Peer Gynt de son compatriote Henrik Ibsen. Mais c’est de manière plus turbulente qu’elle fait ses débuts devant la caméra, dans son jardin. « À 9 ans, j’ai écrit et réalisé un conte de fées dans lequel je jouais le rôle du prince », raconte-t-elle. Elle convainc son meilleur ami d’interpréter la princesse, son père (professeur de norvégien et d’anglais) le roi, et son frère, le dauphin. Sa mère, docteure en maladies infectieuses, s’occupe de la cantine. Et son oncle filme le tout.
Contre-courant et mauvais œil
Adolescente, Dr. Martens aux pieds et chemise pour homme trop large sur les épaules, Eili débarque aux auditions ouvertes de The Orheim Company, petit film indépendant d’Arild Andersen tourné dans sa ville. Choisie pour un rôle secondaire, elle enchaînera avec le teen movie Kiss Me, You Fucking Moron ou encore la comédie d’aventures Doktor Proktors Tidsbadekar, principalement projetés dans les pays nordiques.
Mais à Stavanger, centre de l’industrie pétrolière norvégienne, la plupart de ses professeurs voient la jeune actrice d’un mauvais œil. « Quand j’ai demandé un congé pour tourner Kiss Me, You Fucking Moron, ils étaient très sceptiques, se souvient la jeune femme. C’est étrange car si on leur demandait de s’absenter pour des raisons politiques ou des compétitions sportives, ils nous soutenaient. Seuls les projets culturels étaient mal vus alors que – ironie du sort – Stavanger avait été désignée en 2008 capitale européenne de la culture. Ils ont également supprimé la plupart des cours d’art de l’université locale. J’espère que ça va changer. » Après avoir obtenu un baccalauréat en littérature anglaise, Eili repique volontairement, section Art cette fois. Son cours préféré ? De l’art baroque aux années 1900, où elle apporte une attention particulière à Gauguin et à Cézanne.
Comme Thelma, Eili a quitté sa ville natale pour s’installer à Oslo où elle attend déjà des confirmations pour d’autres rôles. Héroïne déterminée de son propre roman d’apprentissage.
« Thelma », de Joachim Trier (1 h 56), avec Eili Harboe. En salle le 22 novembre.