« L’Œil du cyclone » : l’Afrique de l’Ouest minée par la violence
« L’Œil du cyclone » : l’Afrique de l’Ouest minée par la violence
Par Thomas Sotinel
Le réalisateur Sékou Traoré dépeint la sombre réalité des enfants soldats et de leur devenir.
Présenté en février 2015 au Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou, L’Œil du cyclone n’a rien perdu de son actualité : il y a deux ans, l’impossible procès d’un enfant soldat devenu tueur de masse pouvait encore sembler exotique, éloigné des préoccupations immédiates d’un public qui ne se posait pas la question du sort de jeunes qui se sont retournés contre les leurs, au point d’en devenir les assassins.
Adapté d’une pièce du comédien français Luis Marques, qui s’est inspiré de la situation en Côte d’Ivoire au début du siècle, L’Œil du cyclone prend à bras-le-corps les maux qui ont gangrené l’Afrique de l’Ouest, et tente d’en cerner les évolutions. Cette ambition fait le prix du film, porté par la mise en scène rageuse et souvent mélodramatique de Sékou Traoré et l’interprétation de Fargass Assandé, dans le rôle du colonel « Hitler Mussolini », enlevé à l’âge de 8 ans, devenu chef d’un millier de rebelles dont quelques centaines d’enfants, qu’il a transformés en tueurs sanguinaires.
L’acteur ivoirien ramène son personnage à une brutalité élémentaire, suggérant toutes les séquelles d’une enfance consacrée à la destruction et à la souffrance. Face à lui, Maïmouna N’Diaye compose une figure d’abord arrogante puis désemparée de jeune bourgeoise convaincue d’être en mesure de ramener l’ordre dans un monde où le chaos est la règle.
Méfiance universelle
Méthodiquement, le scénario plonge chaque protagoniste, chaque événement, dans une pénombre propre à la paranoïa. La mise en scène renchérit, parfois brutalement, pour imposer cette sensation de méfiance universelle. Ce qui semblait simple au début – le procès pour l’exemple d’un tueur de masse – se transforme en un labyrinthe politique dont chaque détour permet aux protagonistes de changer de costume, pour préserver les intérêts des puissants.
On pourrait s’étonner de ce pessimisme radical, mais il suffit de lire la chronique de la fin de règne de Robert Mugabe pour se souvenir que L’Œil du cyclone ne peut se prévaloir de beaucoup d’imagination. Il y a là, simplement, énoncée aussi clairement que peuvent le permettre des mécanismes de prédation aussi tortueux, la représentation à peine exacerbée d’une réalité quotidienne.
L'OEIL DU CYCLONE Bande annonce (2017)
Durée : 02:00
Film franco-burkinabé de Sékou Traoré. Avec Fargass Assandé, Maïmouna N’Diaye (1 h 43). Sur le Web : www.destinydistribution.com/distribution/l-oeil-du-cyclone