La commission des lois du Sénat doute de la politique migratoire du gouvernement
La commission des lois du Sénat doute de la politique migratoire du gouvernement
Par Maryline Baumard
Le budget 2018 ne permettra pas davantage de renvoyer les sans-papiers que d’intégrer les réfugiés, selon la commission des lois du Sénat.
Des CRS supervisent l’évacuation d’un camp de migrants près de la porte de Chapelle, à Paris, le 18 août 2017. / BERTRAND GUAY / AFP
Des paroles qui ne seront pas suivies d’effet. Au nom de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet a présenté, jeudi 23 novembre dans la matinée, un rapport sur le budget 2018 de la mission « Immigration, asile et intégration ». L’élu Les Républicains (LR) estime que la somme de 1,35 milliard d’euros allouée à ce triple poste ne donnera pas au gouvernement les moyens de ses ambitions. « Ni l’intégration des réfugiés ni la lutte contre l’immigration irrégulière ne seront à la hauteur des promesses » de la nouvelle mandature, avance-t-il au nom de la commission sénatoriale.
M. Buffet estime, notamment, que les 10,44 % d’augmentation du secteur des migrations ne permettront pas de réorienter la politique du précédent gouvernement. Selon lui, aucune des deux lignes force qui se dégagent des discours du président de la République, Emmanuel Macron, et de son ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, ne pourront être vraiment mises en œuvre. Et ce, même si le chef de l’Etat ne cesse de répéter qu’il va mettre en place un meilleur accueil et une meilleure intégration des réfugiés ; et si son ministre de l’intérieur rappelle, dès qu’il en a l’occasion, sa volonté de renvoyer dans leur pays les déboutés de l’asile et tous ceux « qui n’ont pas vocation à rester en France », selon la formule consacrée.
Moyens « insuffisants » pour tenir les objectifs sur l’éloignement
En présentant le travail parlementaire, M. Buffet a surtout insisté sur le fait que le gouvernement d’Edouard Philippe « sera dans l’incapacité de tenir ses engagements en matière d’éloignements » des migrants sans titre de séjour. « Je commence par ce sujet des retours forcés », a précisé l’élu LR, car « c’est le point le plus révélateur, à mes yeux, d’une absence de politique gouvernementale sur le sujet de l’immigration ». « Le budget 2018 table sur 14 500 éloignements forcés, rappelle-t-il. Pas mieux qu’en 2016, année où seuls 18 % des mesures d’éloignement prononcées ont été réellement exécutées. »
« Les moyens des services en charge de ces éloignements forcés » sont à ses yeux « insuffisants », puisque le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures a dévoré les effectifs, au détriment de la politique d’éloignement (environ 1 500 effectifs pour la gestion des centres de rétention administrative et 300 pour les reconduites à la frontière).
Pour M. Buffet, la loi que le gouvernement veut mettre en discussion au printemps 2018 n’y changera pas grand-chose. « La volonté de faire passer de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours la durée maximale de rétention, comme le prévoit le projet de loi, ne permettra pas d’augmenter de façon conséquente les retours. »
« Retard difficile à rattraper » en matière d’hébergement
Le sénateur estime qu’il faudrait en revanche travailler plus efficacement sur la signature d’accords bilatéraux afin que les Etats acceptent de reprendre leurs ressortissants. Le rapport note cependant que « moins de la moitié des laissez-passer ont été délivrés dans des délais utiles à l’éloignement en 2016 ». M. Buffet s’inquiète ainsi que le Mali, par exemple, ne délivre que « 11,8 % des laissez-passer consulaires demandés, l’Algérie 48 % ». Un ambassadeur a été nommé pour renégocier ces renvois avec les Etats.
L’avis budgétaire souligne aussi une distorsion entre le discours sur l’intégration de l’exécutif et ce que permettra la somme allouée à ce poste pour l’année à venir. D’abord, l’élu, qui ne commente pas directement le vœu présidentiel que plus un migrant ne soit dehors à la fin de l’année, remarque que « l’hébergement des demandeurs d’asile a un retard difficile à rattraper ». Dit autrement : il n’y a de la place à l’abri que pour 61 % des demandeurs d’asile et ceux qui attendent six mois pour déposer une demande en France alors qu’ils ont laissé des empreintes ailleurs en Europe (les dits « dublinés »).
L’empilement des structures de types très différents pour héberger les migrants à la rue crée également un puzzle difficilement lisible et peu économique.
L’intégration, parente pauvre
Par ailleurs, en ce qui concerne l’intégration, François-Noël Buffet s’émeut que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ne bénéficie que de 35 postes supplémentaires en 2018, alors qu’on multiplie les missions qui lui sont assignées. « Depuis la loi de 2016, l’OFII est en charge de l’asile. Cette surcharge de travail se fait forcément aux dépens de l’intégration, une des missions pourtant essentielles, sur laquelle le chef de l’Etat insiste beaucoup, mais qui ne bénéficiera pas de moyen à la hauteur des besoins », rappelle-t-il.
Si ce travail mené par la commission des lois du Sénat interroge avec profondeur le budget 2018, il ouvre aussi des interrogations sur le positionnement à venir des sénateurs LR lors du débat sur la loi migrations.
Par-delà le problème des moyens, M. Buffet apparaît, en effet, assez en ligne avec les intentions exprimées par l’exécutif en matière migratoire. Est-ce à dire qu’il soutiendra pour autant le projet de loi du gouvernement ? La question reste, pour l’heure, entière.
Elle se poserait même, aujourd’hui, pour certains députés La République en marche, qui trouvent le texte gouvernemental très répressif et très peu accueillant.