Barack Obama à Paris, joli coup de pub pour les Napoleons
Barack Obama à Paris, joli coup de pub pour les Napoleons
M le magazine du Monde
Ce réseau d’acteurs de l’industrie de la communication a réussi à organiser une courte intervention de l’ancien président américain, le 2 décembre, dans la capitale.
Sur le marché des séminaires, conférences, « workshops » et autres « keynotes », c’est une prise exceptionnelle. Le 2 décembre, Barack Obama fera sa première apparition en France depuis son départ de la Maison Blanche. Il a choisi de la réserver aux Napoleons, un réseau professionnel jusqu’ici inconnu en dehors du monde de la pub et de la communication. Ses deux fondateurs jouent les modestes : ce serait le résultat de beaucoup de patience et d’un peu de chance.
L’ancien président américain, ici lors de la conférence inaugurale de la Fondation Obama, à Chicago le 31 octobre. / Scott Olson/Getty Images
« On bosse sur Obama depuis trois ans », explique Olivier Moulierac, 50 ans. Ce publicitaire a appris le métier avec Jacques Séguéla chez Euro RSCG, continué sa carrière avec Stéphane Fouks chez Havas, puis rêvé d’offrir à la profession son forum de Davos : un lieu et une ambiance propices à la fois aux affaires et à la réflexion. Le nom s’est imposé : « Dans le monde entier, s’il y a une personnalité qui incarne une forme d’audace à la française, c’est Napoléon. » Mondher Abdennhader, 55 ans, est passé lui aussi par Euro RSCG, puis chez Aegis et Carat. « On est des facilitateurs de rencontres, de relations, de business », résume-t-il.
François Hollande, l’invité de juillet
Lancés en 2015, les Napoleons sont l’occasion pour environ 300 professionnels de prendre l’air deux fois par an : à Val-d’Isère l’hiver, à Arles l’été. « Il y a un petit côté colonie de vacances », résume un participant. « J’ai fini en état de burn-out social car j’ai parlé à tout le monde », se souvient un autre. Grâce aux sponsors, on y est dorloté, du TGV privatisé (merci la SNCF) au service de conciergerie (merci American Express). Loin des salons à l’ancienne, on y fait des découvertes. Dans le programme de la prochaine édition, le neuropsychologue Francis Eustache et l’expert du renseignement Alain Juillet côtoient ainsi les patrons d’agence et les créateurs de start-up. « La quête de sens est à la mode, rigole un intervenant d’une précédente édition. Il y a un marché du “speaker” inspirant, et ça va du yogi joueur de flûte au patron de Nespresso. »
Les Napoleons apprécient aussi les chefs d’Etat à la retraite. En juillet, c’est déjà chez eux que François Hollande est sorti du silence. Les organisateurs le courtisaient depuis l’automne, quand il hésitait encore à se représenter. Il est finalement venu clore l’édition estivale à Arles, un vendredi soir de juillet dans un théâtre antique quasi vide. Qu’importe, les Napoleons avaient réussi leur coup. « Avoir Hollande nous a légitimés auprès d’Obama », veut croire Olivier Moulierac.
Pour convaincre l’entourage de l’ancien président américain, les deux publicitaires avaient d’autres arguments. Comme leur carnet d’adresses. On y trouve Stéphane Richard, le patron d’Orange : c’est lui qui aura l’honneur de poser des questions à Obama sur scène. Anne Méaux, patronne de l’agence Image 7 et conseillère d’une partie des plus gros patrons français, se définit comme « une grande sœur » des deux fondateurs. « Je les ai aidés à améliorer leur programme, à avoir des intervenants, à gagner en crédibilité, à gagner un peu de temps », nous explique-t-elle. Mais la communicante la plus puissante de Paris l’assure : pour Obama, « je n’y suis pour rien ».
Le plus difficile aura finalement été de trouver un créneau dans l’emploi du temps de l’ancien président. On ne le verra pas en Moonboot à Val-d’Isère en janvier : son équipe a décliné l’invitation, uniquement « pour des raisons d’agenda », assurent les organisateurs. Français et Américains sont tombés d’accord sur une intervention à Paris, une introduction de luxe aux festivités prévues le mois suivant à la neige. Le 1er décembre, Barack Obama sera à New Delhi : selon la fondation, il y débattra avec « plusieurs centaines de jeunes leaders indiens ». Le 5, on l’attend chez lui, pour un dîner de l’Economic Club de Chicago. Entre l’Inde et les États-Unis, il fera donc escale à Paris et interviendra pour les Napoleons le 2, dans l’après-midi, pendant une heure. Le lieu est encore tenu secret pour raison de sécurité. Il pourrait accueillir 800 personnes. La plupart, invitées par les sponsors, ne paieront rien. Les autres devront acheter leur passe pour les Napoleons à Val-d’Isère, vendu 3 400 euros.
Côté chiffres, « une grande discrétion »
Les Napoleons restent muets sur ce qu’ils ont eu à débourser, eux. En août, Barack Obama aurait facturé 400 000 dollars (340 000 euros) une intervention à New York devant les clients de la banque d’investissement Northern Trust, selon Bloomberg. Mondher Abdennhader tenterait presque de vous convaincre que votre question est vulgaire : « Si on a réussi à avoir le président Obama, c’est qu’on a été d’une grande discrétion et qu’on ne veut pas rentrer dans ces considérations. » Il faut croire que les publicitaires n’aiment pas parler de chiffres. Leur société commune, Momentum, ne publie pas ses comptes. Les documents disponibles révèlent simplement qu’en trois ans elle a levé 2,2 millions d’euros auprès de proches – et de quelques noms connus, comme Jacques Séguéla, l’animateur Olivier Chiabodo ou le consultant Olivier Fric, par ailleurs époux d’une autre puissante marraine des Napoleons, l’ancienne patronne d’Areva Anne Lauvergeon.
En bon publicitaire, Mondher Abdennhader aimerait qu’on ne retienne qu’une chose : « On peut créer de la valeur en ayant des valeurs. » C’est visiblement aussi ce que se dit le conférencier de luxe Barack Obama.