La bande à Noah est menée vendredi soir 23 novembre deux points à zéro par la Croatie en finale de la Coupe Davis après les défaites de Jérémy Chardy (6-2, 7-5, 6-4 contre Borna Coric) et de Jo-Wilfried Tsonga (6-3, 7-5, 6-4 face à Marin Cilic) / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Six petits sets disputés, zéro set et même zéro break. Difficile de faire plus éloquent. La bande à Noah est menée vendredi soir 23 novembre deux points à zéro par la Croatie en finale de la Coupe Davis après les défaites de Jérémy Chardy (6-2, 7-5, 6-4 contre Borna Coric) et de Jo-Wilfried Tsonga (6-3, 7-5, 6-4 face à Marin Cilic).

Et une fois n’est pas coutume, le « Monsieur bonnes ondes » de l’équipe de France a versé dans le pessimisme, défait comme rarement : « Peut-être qu’on aurait pu jouer un tout petit mieux mais ils nous ont battus à la régulière. Maintenant, l’idée c’est de rester en vie pour pouvoir jouer dimanche mais ça va être dur… » Les belles envolées lyriques et les phrases habitées du capitaine ont laissé place à la sobriété et la lucidité.

La Croatie favorite depuis le début

Contrairement à la finale contre les Suisses en 2014, cette fois, personne n’avait prétendu le contraire : pour cette dernière finale dans son format historique, la Croatie fait depuis le début figure de favorite. Quand Noah composait avec une armée mexicaine pour établir sa sélection (« Notre nombre, c’est ce qui fait notre force », répétait-il encore jeudi), le capitaine croate, lui, n’avait que peu d’options. Mais le choix du pauvre était en fait le mets du riche, avec deux joueurs de simple bien mieux classés, Marin Cilic, n° 7 mondial, et son cadet Borna Coric, n° 12, quand le numéro un français, Jérémy Chardy, est 40e et Jo-Wilfried Tsonga… 259e.

« La logique a été respectée. Au niveau de la qualité des services, des retours, ils étaient vraiment supérieurs à nous dans plein de secteurs, a résumé Noah, qui a refusé de désigner cette journée comme la pire de son capitanat. Quand tu es proche de gagner et que ça se joue à un ou deux points, oui, tu peux avoir une énorme frustration. Là, on n’a jamais vu la ligne d’arrivée, on était toujours très loin derrière. »

Chardy, d’abord. Face à Borna Coric, le Palois n’a jamais su trouver son rythme. Ni mettre en place son schéma de jeu habituel : service canon puis décalage en coup droit. Une première balle fantôme, des choix peu perspicaces et un temps de retard quasiment à chaque fois, malgré quelques merveilles de revers slicés. Tsonga, ensuite. Même si le Manceau a rendu une copie un peu moins pâle : il s’est montré solide au service et en coup droit, s’est procuré des balles de break (cinq) contrairement à Chardy.

Jeudi, à la veille des hostilités, il assurait être prêt et capable de tenir la cadence malgré une saison tronquée. Ce match face à un Cilic, ni plus ni moins à son niveau de 7e mondial, l’a ramené à la réalité, et les larmes essuyées sur le banc sitôt la balle de match étaient sans doute là pour en témoigner. D’autant que le Manceau a dû faire une pause médicale à 3-2 dans le troisième set, victime d’une élongation à un adducteur. « Les médecins m’ont dit que je ferais peut-être mieux d’arrêter, mais il y avait 25 000 personnes dans le stade et encore plus devant leur poste de télévision. Si je devais perdre, c’était la tête haute. »

Le numéro deux croate, Borna Coric, a lui aussi fait appel au médecin pour une douleur au psoas alors qu’il avait presque match gagné. Mais autant la présence de Tsonga est incertaine pour dimanche, autant Coric s’est voulu rassurant : « Je joue avec depuis le tournoi de Shanghai donc j’y suis habitué, ça ne m’inquiète pas pour dimanche. Je peux jouer cinq ou six heures, ce ne sera pas un problème. »

Le pari de Noah sérieusement compromis

Au terme de la première journée, le pari de Noah n’est pas encore perdu mais sérieusement compromis. Le capitaine invaincu en trois finales (1991, 1996, 2017) avait fait le calcul de la terre battue : d’une part, pour contrer les qualités des deux joueurs croates, plus à l’aise sur dur et sans résultats exceptionnels sur ocre cette saison. Et d’autre part, en misant sur des difficultés d’adaptation de Cilic et Coric sur la plus exigeante des surfaces. Tous deux étant conviés au Masters de Londres (Coric en qualité de remplaçant) la semaine précédente, ils n’auraient le droit qu’à cinq jours de préparation quand son équipe disposerait, elle, de trois semaines. Ainsi, croyait-il, les compteurs des deux équipes seraient pratiquement à égalité. Sur le papier du moins.

Marin Cilic victorieux face à Jo-Wilfried Tsonga. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Sur le terrain, les deux joueurs croates ont déjoué tous les pronostics de leurs adversaires. Un revers chirurgical, des retours de service supersoniques, Coric a dominé Chardy dans tous les compartiments de jeu. Et c’est le Français qui a montré trop souvent des signes d’essoufflement quand Coric semblait se balader. Sur le banc, Noah multipliait les grimaces. En tribune officielle, la présidente croate, elle, frôlait la béatitude.

Question confiance aussi, les deux joueurs croates avaient une longueur d’avance. « Tout au long de l’année, ils ont fait de très bons résultats, il n’y a rien d’étonnant », a résumé Tsonga. Lui-même a été absent sept mois après son opération au ménisque gauche. Depuis son retour en septembre, il n’avait disputé que cinq matchs pour une seule victoire. Quant à Jérémy Chardy, il a certes fait une saison complète, mais sans grands résultats : hormis une finale sur gazon à ’s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc), il a surtout enchaîné des défaites au premier ou deuxième tour. Pas vraiment de quoi bomber le torse en arrivant sur le court vendredi.

Il reste le double, samedi, pour espérer ne pas couler, mais Noah lui-même ne semble pas y croire. « On va essayer de se raccrocher à ce qu’il nous reste de vie. On se voit dimanche, a-t-il apostrophé les journalistes. Quoi qu’il arrive, on se parlera et ce sera peut-être le moment de faire le point mais s’il y a des sentiments qui me traversent l’esprit, j’essaie de les mettre de côté. On va mettre toute notre énergie pour Nico [Mahut] et PH [Pierre-Hugues Herbert, qui affrontent la paire Pavic-Dodig], c’est un match qui va être difficile. »

Au moins autant que la bataille en tribunes. Car pour achever une journée noire, les Croates ont aussi gagné ce match. Seulement un gros millier sur les 19 500 spectateurs présents au stade Pierre-Mauroy, ils ont réussi à donner l’illusion d’être au moins le triple.