Baptiste Serin, le 24 novembre 2017, à Marcoussis (Essonne). / FRANCK FIFE / AFP

Sic transit gloria rugby. Il y a un an, le XV de France croyait avoir trouvé son demi de mêlée sous les traits, plus frêles que la moyenne, de Baptiste Serin. Un an plus tard, titulaire pour le dernier match contre le Japon, samedi 25 novembre à la U Arena de Nanterre (Hauts-de-Seine), le n° 9 a surtout traversé la tournée automnale de test-matches dans le survêtement du remplaçant : à peine deux entrées en jeu contre la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud.

Deux défaites (38-18 et 18-17), deux de plus, et l’impression tenace que les maladresses du XV de France l’éloignent toujours plus des canons internationaux, même face à des Springboks pas beaucoup plus dégourdis. Contre l’Afrique du Sud, Serin s’offre un essai en fin de match mais aussi une expulsion temporaire pour tirage de maillot et, surtout, un ballon mal négocié dans les deux dernières minutes après un renvoi sud-africain.

La défaite consommée, les Bleus entreprennent un « tour d’honneur » devant un Stade de France déjà désert. « Les supporteurs recommencent à trouver le goût pour l’équipe de France », voulait pourtant croire le joueur de l’Union Bordeaux-Bègles avant la tournée, dans la résidence du Centre national de rugby, à Marcoussis (Essonne). Le Girondin incarne toujours cette promesse un peu folle : raviver par instants le « French Flair », ce concept d’Anglo-Saxons pour qualifier le jeu français d’autrefois, fait de mouvements et d’improvisations.

Il y a un an, d’« instinct », le demi de mêlée offrait d’une délicate « chistera » (passe dans le dos) un essai à un coéquipier. Insuffisant, toutefois, pour enrayer la défaite du XV de France en test-match contre la Nouvelle-Zélande. Un an plus tard, les défaites continuent, pas les « chisteras ». Car l’équipe de France se cherche, y compris à la charnière.

« Une équipe joueuse »

Le secteur exige son content d’automatismes entre demis de mêlée et d’ouverture, mais Guy Novès continue d’expérimenter à deux ans du Mondial au Japon. Le sélectionneur a d’abord fait confiance au duo Serin-Lopez pendant le Tournoi des six nations 2016. La blessure du second l’a incité à tester pour cette tournée d’automne la paire Dupont-Belleau, 21 ans chacun. Tout en laissant une chance à Baptiste Serin et François Trinh-Duc contre le Japon.

A peine plus âgé que la nouvelle promesse Dupont, Serin, 23 ans, promet à présent « une équipe joueuse qui arrive à tenir la possession, qui est capable de se créer des occasions, des décalages ». Bref, l’antithèse du rugby poussif version Philippe Saint-André (2012-2015), prédécesseur de Novès à la tête de la sélection. Approche différente, mais comptabilité toujours négative : sept victoires, treize défaites depuis 2016.

Baptiste Serin a perdu sa place de titulaire après les trois contre-performances de l’été, en Afrique du Sud. Mais il « relativise » et défend ses « convictions ». Lors de cette tournée en juin, insiste-t-il, « on a eu beaucoup de ballons, on s’est créé beaucoup d’occasions, on a percé pas mal de fois, mais on n’a pas été réalistes. » Délicat euphémisme pour ces 41 points marqués en trois matches contre plus de 100 encaissés.

Tentative de justification :

« On a tellement dépensé d’énergie avec nos ballons d’attaques là que parfois, en défense, on s’est troué parce qu’on n’était plus trop lucide sur ce qu’on faisait. »

Puis cette hypothèse : peut-être la sélection d’aujourd’hui se montre-t-elle « trop joueuse » là où elle s’avérait trop timorée hier. L’international français en fait une affaire de « yin et de yang », de « juste milieu » : jusqu’à quel point jouer, aller de l’avant, et donc s’exposer aux contre-attaques adverses ?

« Difficile de faire trois passes »

Bien sûr que Serin milite pour « essayer de tenter des choses ». Avec cette réserve immédiate :

« Mais si à un moment on perd le ballon, contre une équipe comme la Nouvelle-Zélande, ça finit pratiquement en essai à 50 % du temps. Donc, pour jouer, il te faut sélectionner quelques zones du terrain. »

Ainsi va le rugby actuel, qui incite à la parcimonie même les plus joueurs. D’accord, la Nouvelle-Zélande a des rugbymen « qui se trompent rarement au niveau technique, capables de faire des passes quel que soit le numéro qu’ils ont dans le dos », « talonneurs et piliers » compris. D’accord, « quand on voit les All Blacks, on se dit “l’équipe joue de partout”. Mais pas du tout. L’équipe reste très, très en place dans ses 40 mètres, et elle exploite les contre-attaques, les ballons de récupération, les pertes de balle. »

Baptiste Serin a grandi avec ces contraintes et s’en est parfois accommodé avec succès dans les équipes de France juniors : en 2014, grand chelem au Tournoi des six nations, catégorie moins de 20 ans. Il est conscient de pratiquer à une époque où « il est difficile de faire trois passes et de créer des décalages. Peut-être qu’avant il y avait plus d’espaces. Mais bon, j’ai envie que le rugby actuel me corresponde ».

Il s’y conforme à une exception près : les heures de musculation. Serin s’en tient aux séances obligatoires, « utiles pour éviter les gros qui nous viennent sur le râble », convient-il. Le sportif mesure 1,80 m et pèse 76 kg, selon le registre de son club. Un gabarit de plus en plus rare dans des vestiaires de plus en plus maousses : « J’ai envie de rester comme je suis. Je préfère passer trois heures à faire des passes et à taper dans le ballon plutôt que trois heures de muscu. » Face à une sélection japonaise moins musculeuse que les Springboks, il aura l’occasion de mettre en application ses préceptes.