Smart city : certains investissements publics plus rentables que d’autres
Smart city : certains investissements publics plus rentables que d’autres
Par Jessica Gourdon
Mieux vaut mettre en place des lampadaires intelligents plutôt que des guichets virtuels, montre une étude, financée par la Caisse des dépôts, sur la rentabilité et l’impact de cinq technologies appliquées aux villes.
Eclairages intelligents, poubelles connectées, guichets virtuels pour accéder aux services publics, capteurs de fuites d’eau…, les nouvelles technologies appliquées aux villes sont souvent accusées d’être de coûteux dispositifs clinquants.
Quels sont les projets qui tiennent plutôt du gadget et ceux qui créent de la valeur, non seulement pour la collectivité locale, mais pour la société ? Cette question fait l’objet d’une évaluation comparative de cinq dispositifs, menée par les cabinets Citizing et Opencitiz, financée par la Caisse des dépôts, le Syntec numérique et les pôles de compétitivité Systematic et Advancity. Au-delà du calcul de la rentabilité financière nette de ces investissements, l’étude utilise divers outils académiques pour mesurer les externalités (sociales ou environnementales, notamment).
Résultat ? Trois dispositifs sont directement rentables, au bout d’un certain temps, pour les institutions publiques qui les financent. « La smart city est alors au service de l’utilisation avisée des deniers publics », résument les auteurs.
L’éclairage intelligent, très rentable
Le grand gagnant de ce banc d’essai : l’éclairage intelligent, évalué pour l’étude à Rillieux-La-Pape. Dans cette commune de la métropole de Lyon (35 000 habitants), les lampadaires fonctionnent grâce à des LED et sont équipés de détecteurs de présence, permettant de varier l’intensité lumineuse selon le passage.
Avec un investissement de trois millions d’euros, la ville rentre dans ses frais au bout de onze ans, grâce à d’importantes économies sur ses factures d’énergie et sur la maintenance. Elle économise ainsi 2,5 millions d’euros jusqu’à la fin de la durée de vie des lampadaires. Et lorsque l’on intègre l’impact socio-économique de ces lumières (baisse des émissions de CO2, de l’accidentologie, de la criminalité, grâce à des rues mieux éclairées), les gains sont encore plus élevés.
Des capteurs pour détecter des fuites
Autre dispositif efficace : la « gestion intelligente » des fluides (eau, électricité, gaz) grâce à des capteurs posés sur les tuyaux, qui rendent compte en temps réel des consommations. Ils peuvent surtout permettre de détecter des fuites et de gérer plus finement les temps de chauffe.
Ce système a été évalué dans le Nord, dans les collèges qui en sont équipés. Le département y a investi deux millions d’euros. D’après l’étude, le projet atteindra l’équilibre au bout de la sixième année, et générera des bénéfices net de l’ordre de 3,7 millions d’euros sur dix ans, grâce à des factures moins élevées et à divers coûts évités.
L’étude juge également positif un système d’information sur les places de parkings mis en place à Strasbourg, qui se fonde sur l’intégration de diverses données (paiements d’horodateurs, places libres, fréquentation des rues, etc.). La plate-forme, dont le coût initial est estimé à 350 000 euros, permet à la mairie de mieux connaître l’utilisation de sa voirie, de mieux détecter les véhicules en infraction, et aidera en 2018 les conducteurs à localiser les places libres. A la clé : des recettes supplémentaires, et une baisse des émissions carbone, grâce à la diminution du nombre de voitures qui circulent pour chercher une place.
Externalités positives pour les poubelles connectées
Le cas des « poubelles connectées » est plus complexe. Depuis 2012, dans le Grand Besançon, la redevance liée aux ordures ménagères est fonction de la quantité de déchets produite par les habitants. Des capteurs ont été installés sur les bacs, tandis que les bennes à ordures ont été équipées de dispositifs de pesée. Le Grand Besançon a investi 7 millions d’euros dans ce système et les campagnes de communication qui y sont liées. Mais l’agglomération ne rentrera pas dans ses frais : la perte nette est évaluée à 4 millions d’euros sur vingt ans.
Toutefois, l’impact socio-économique de cette mesure « justifie pleinement une action publique dans ce domaine », affirme Fanny Brûlebois, associée chez OpenCitiz. Pour faire baisser leur facture, des habitants se sont mis à jeter moins, à recycler plus, à fabriquer leur compost… et ont gagné du pouvoir d’achat. En récupérant moins de déchets, les camions ont réduit leur impact sur l’environnement, tandis que les coûts liés à la collecte ont baissé. Les usines d’incinération ont diminué leurs coûts de traitement, et leurs émissions. La valeur sociétale créée, nette des coûts du projet, a été chiffrée à 21 millions d’euros sur vingt ans.
En bas de ce banc d’essai figurent les « visio-guichets » pour accéder aux services publics de manière virtuelle, mis en place dans une vingtaine de sites des Hautes-Alpes. Le dispositif permet aux habitants ruraux de limiter leurs déplacements en voiture vers la préfecture, et les émissions de CO2 qui y sont associées. Toutefois, même si le dispositif n’a coûté « que » 70 000 euros, le projet, qui ne génère pas de recettes, est finalement « plus coûteux qu’il n’apporte de bénéfices socio-économiques », car il ne compte qu’une centaine d’utilisateurs par an. « Ce résultat alerte sur le besoin de bien estimer en amont le nombre potentiel d’usagers », écrivent les auteurs.
« Le message principal de l’étude, c’est de montrer l’importance de l’évaluation de ces dispositifs expérimentaux », résume Fanny Brûlebois. « Il ne faut pas être naïf sur la smart city : il y a des projets qui marchent et d’autres pas. »