TV – « American Crime », trilogie d’exception
TV – « American Crime », trilogie d’exception
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. La troisième et dernière saison de la série créée par John Ridley, politique et très critique envers la société nord-américaine d’aujourd’hui, traite de l’esclavage (sur Canal+ Séries à 22 h 45).
American Crime 3x02 Promo (HD) Season 3 Episode 2 Promo
Durée : 01:01
American Crime, la série créée en 2015 par le romancier, scénariste et réalisateur américain John Ridley, a pour malheur d’avoir un titre que l’on confond souvent avec celui de la série de Scott Alexander, Larry Karaszewski et Ryan Murphy, American Crime Story. De surcroît, chacune d’elles traitede faits contemporains ou récents, et relève du genre anthologique, qui voit chaque saison sa trame renouvelée. Mais, en dépit de tout le bien qu’on peut penser de la première saison d’American Crime Story, qui revisitait de manière stupéfiante la réalité du procès du footballeur américain O. J. Simpson, American Crime interroge de manière beaucoup plus profonde et politique la société américaine d’aujourd’hui.
Aux thèmes ressassés par les tabloïds (autant pour Simpson que pour le couturier Gianni Versace, dont l’assassinat sera le sujet de la saison 2 d’American Crime Story, diffusée aux Etats-Unis à partir du 17 janvier 2018), American Crime préfère les failles et les faillites sociétales qui défraient moins la chronique. La saison 1, probablement la moins forte des trois, révélait quelques perturbantes vérités aux parents de la victime d’un crime crapuleux.
Lili Taylor et Timothy Hutton dans « American Crime » / DISNEY/ABC
La suivante abordait subtilement le sujet du viol présumé d’un jeune lycéen par l’un de ses camarades. A partir de cet axe central, John Ridley dévidait un récit polyphonique d’une grande adresse où se mêlaient les problématiques des Afro-Américains aisés et des établissements privés au système de financement fragilisé par un tel scandale.
La saison 3 narre le voyage d’un Mexicain (Benito Martinez, aussi formidable que dans les deux saisons précédentes) qui rejoint illégalement, mais de manière organisée par les Nord-Américains, une exploitation agricole en Caroline du Nord dans laquelle son fils a travaillé avant de disparaître.
Il va y trouver un lieu de véritable esclavagisme où les passeurs et patrons assujettissent les travailleurs illégaux mexicains. La comparaison avec les maîtres (blancs) et esclaves (noirs) de la série Underground (2016) de Misha Green et Joe Pokaski, diffusée en mai sur France Ô, est frappante. John Ridley connaît d’autant mieux cette problématique qu’il l’a traitée dans son film Twelve Years a Slave (2013).
Trailer: «American Crime» sesong 3
Durée : 02:21
Un deuxième axe traverse la saison 3 d’American Crime : la vie chaotique et la trajectoire tragique d’une jeune fille mineure, prostituée et enceinte, que tente de prendre en charge une travailleuse sociale dont l’idéalisme se heurte aux réalités des mécénats moins « charitables » et désintéressés qu’ils le paraissent et le clament.
L’un des grands atouts d’American Crime est sa « troupe » d’acteurs récurrents à chaque saison, distribués dans des rôles extrêmement différents. On aura ainsi découvert la fine et vaste palette dramatique de Felicity Huffman ainsi qu’un singulier et touchant jeune acteur, le Canadien Connor Jessup, qui trouve dans cette saison 3 un rôle encore plus extrême que dans la saison 2. Qu’ABC ait diffusé une série aussi politique et aussi critique de la société nord-américaine – à cent lieues des simplifications et mensonges exprimés par l’actuel pouvoir en place – tient du miracle. Mais le miracle n’a pas tenu : la chaîne a finalement décidé de ne pas renouveler American Crime pour une quatrième saison. Mais cette trilogie restera, à n’en point douter, l’un des fleurons du genre.
American Crime, saison 3, créée par John Ridley. Avec Felicity Huffman, Connor Jessup, Timothy Hutton, Richard Cabral, Benito Martinez, Regina King, Lili Taylor (E-U, 2017, 8 × 42 min.).